le budget est-il aujourd’hui un outil dépassé ? – .

le budget est-il aujourd’hui un outil dépassé ? – .
le budget est-il aujourd’hui un outil dépassé ? – .

Par Allal Alain Difadi
Professeur agrégé, Institut Supérieur d’Ingénierie et de Commerce (ISGA), Campus Rabat

Pour organiser un voyage par exemple, il faut planifier les dates, planifier les étapes et identifier les ressources nécessaires. Ainsi, pour faire de ce voyage une réussite, il faudra assurer une bonne gestion de ces différents éléments : calendrier, itinéraire, transport, hébergement, financement, etc. De même, afin d’assurer son développement, sa rentabilité et sa pérennité, toute entreprise doit mettre en œuvre établir un système de gestion.

Au Maroc, selon le Code Général de Normalisation Comptable (CGNC) élaboré en 1986, la gestion est la « mise en œuvre des moyens de l’entreprise en vue d’atteindre les objectifs préalablement fixés dans le cadre d’une politique déterminée ». Tout acte de gestion nécessite au préalable l’établissement de prévisions afin de pouvoir identifier les moyens nécessaires pour les réaliser. On parle alors de gestion prévisionnelle.

Selon le CGNC, le management prospectif est un « mode de management qui s’appuie sur un modèle représentatif des activités futures de l’entreprise. Ce modèle exprime le choix des moyens choisis pour atteindre les objectifs fixés.

Ainsi, l’objectif principal de la gestion prévisionnelle est de mettre en œuvre des programmes d’actions, puis de les traduire en prévisions monétaires sous forme de budgets. On parle alors de gestion budgétaire. Selon le CGNC, la gestion budgétaire est un « mode de gestion consistant à traduire les décisions prises par la direction avec la participation des managers en programmes d’actions quantifiés, appelés budgets ». La gestion budgétaire est donc une démarche prévisionnelle qui consiste à détailler, pour chaque domaine d’activité de l’entreprise, les usages et les ressources sur une période court terme qui est souvent l’année. Ces prévisions monétaires, détaillées mois par mois, sont appelées budgets.

Différentes écoles de contrôle budgétaire
Selon le CGNC, le budget est « une prévision chiffrée de tous les éléments correspondant à un programme précis ». Pour Robert Anthony, le budget est « un plan pour l’année à venir, généralement exprimé en termes monétaires ». Pour Henri Bouquin, le budget est « l’expression comptable et financière des plans d’actions choisis pour que les objectifs recherchés et les moyens disponibles à court terme convergent vers la réalisation des plans opérationnels ».
La gestion budgétaire se compose alors de deux étapes :
– La procédure budgétaire : chaque dirigeant conçoit, calcule et propose son budget annuel à la direction ; après discussion et acceptation par ce dernier, le gestionnaire s’assure de l’exécution de son budget.
– Contrôle budgétaire : pour chaque budget, nous comparons les prévisions et les réalisations afin d’identifier et d’expliquer les écarts constatés dans le but d’améliorer les prochaines prévisions en vue d’un meilleur pilotage de la performance. Selon le CGNC, le contrôle budgétaire est un « mode de gestion caractérisé notamment par l’établissement de prévisions chiffrées en valeur (budgets) et la comparaison systématique des réalisations et des prévisions, de manière à déclencher rapidement les mesures correctrices nécessaires ». Pour Michel Gervais, le contrôle budgétaire est « la comparaison permanente des résultats réels et des prévisions chiffrées figurant dans les budgets afin de :
– rechercher la(les) cause(s) des écarts,
– d’informer les différents niveaux hiérarchiques,
– de prendre toutes mesures correctives qui pourraient s’avérer nécessaires,
– évaluer l’activité des responsables du budget.

Un pilier du contrôle de gestion
Le contrôle budgétaire est un outil qui occupe une place centrale dans le « service contrôle de gestion » des entreprises. Le contrôle de gestion n’est pas défini par le CGNC. En revanche, le Plan Comptable français de 1982, dont s’inspire largement le CGNC, définit le contrôle de gestion comme un « ensemble de mesures prises pour fournir aux dirigeants et divers dirigeants des chiffres périodiques caractérisant le fonctionnement de l’entreprise. Leur comparaison avec des données passées ou prévisionnelles peut, le cas échéant, inciter les managers à initier rapidement les mesures correctives appropriées. Cette définition reste très proche de celle utilisée par la CGNC pour le contrôle budgétaire, citée quelques lignes plus haut.

Pour Robert Anthony, le contrôle de gestion est « le processus par lequel les gestionnaires obtiennent l’assurance que les ressources sont obtenues et utilisées de manière efficace et efficiente pour la réalisation des objectifs de l’organisation ». Être efficace, c’est atteindre les objectifs fixés. Être efficace, c’est obtenir le meilleur retour sur les ressources utilisées. Plus de 20 ans plus tard, il redéfinit le contrôle de gestion comme « le processus par lequel les managers influencent les autres membres de l’organisation pour mettre en œuvre des stratégies ». Cette nouvelle définition met l’accent sur le fait que les managers doivent influencer leurs collaborateurs afin d’assurer la mise en œuvre des stratégies définies par l’entreprise. Le contrôle de gestion apparaît alors comme une véritable fonction de régulation du comportement des agents opérationnels au sein de l’entreprise.

Pour Henri Bouquin, le contrôle de gestion est un ensemble « de dispositifs et de processus qui garantissent la cohérence entre la stratégie et les actions concrètes et quotidiennes ». Le contrôle de gestion apparaît alors comme une fonction essentielle dans l’entreprise qui permet de relier décisions stratégiques de long terme et actions opérationnelles quotidiennes. La stratégie peut être considérée comme la réponse à la question suivante : quelle entreprise voulons-nous devenir, en tenant compte des évolutions prévisibles de notre environnement à long et moyen terme ?

Pour Alfred Chandler, la stratégie est « la détermination des buts et objectifs à long terme d’une entreprise et l’adoption des actions et l’allocation des ressources nécessaires pour atteindre ces buts ». Ainsi, le contrôle budgétaire est un mode de gestion à court terme qui traduit la stratégie en termes monétaires. Ce mode de gestion repose sur une gestion cybernétique ou thermostatique qui opère par des boucles de comparaison et de rétroaction entre, d’une part, les normes, objectifs et prévisions et, d’autre part, les résultats et réalisations, comme le montre le schéma (page 20).

Des principes directeurs
L’émergence et le développement du contrôle budgétaire s’expliquent par deux facteurs principaux :
– un facteur organisationnel : l’augmentation de la taille des entreprises et la nécessité de contrôler les divisions décentralisées ;
– un facteur économique : l’augmentation de la demande sur des marchés en croissance continue dans un environnement relativement stable. Dans ce contexte, à l’époque, les prévisions étaient assez fiables, le budget était un outil crédible. Quant au contrôle budgétaire, il permet de planifier, contrôler, coordonner et prendre des décisions en vue d’une meilleure gestion de la performance de l’entreprise. Cependant, au cours des dernières décennies, l’environnement des affaires est devenu instable et incertain, et le budget a fait l’objet de plusieurs critiques : il apparaît comme un outil dépassé pour les raisons suivantes :
– C’est un outil de contrôle des individus :
le budget et le contrôle budgétaire sont considérés comme des instruments disciplinaires qui rendent les individus gouvernables dans une organisation, à travers un système de récompenses et de sanctions.
– C’est un outil peu fiable dans un environnement turbulent : il est difficile de fixer des objectifs réalisables dans un environnement variable et incertain, et l’extrapolation des tendances passées ne suffit plus pour établir des prévisions fiables.
– C’est un outil imparfait : étant purement comptable et financier, il ne prend pas en compte d’autres facteurs de performance comme la fidélisation des clients, la motivation du personnel, la maîtrise des processus. De plus, le budget est un outil qui s’appuie sur des données à court terme tandis que la performance managériale se mesure sur le long terme.
– C’est un outil démotivant : les responsables opérationnels peuvent éprouver des sentiments de frustration ou d’impuissance face au budget et au contrôle budgétaire en raison de la lourdeur bureaucratique, de la non-participation à la procédure budgétaire, du manque de fiabilité des prévisions, de la contestation de la pertinence de l’évaluation des performances. … En fait, le budget a longtemps été critiqué mais les entreprises n’ont jamais réussi à le supprimer.

Cependant, nous avons vu des adaptations de cet outil. Par exemple, la prévision glissante ou « prévision révisée en permanence », apparue dans les années 1990, est un outil complémentaire de gestion budgétaire qui permet de s’affranchir des contraintes de la gestion budgétaire traditionnelle.

En effet, il permet d’assouplir le budget en produisant des prévisions glissantes par rapport à l’évolution des besoins immédiats de l’entreprise face aux exigences environnementales. Il apparaît donc que le budget n’est qu’un outil et que ce qui est critiquable est son utilisation par un style de gestion fondé notamment sur la bureaucratisation des outils de contrôle de gestion. Ce qui est remis en cause, ce n’est donc pas l’outil lui-même mais la manière dont il est utilisé. Le budget semble encore avoir un bel avenir devant lui et la « gestion sans budget » ne serait alors qu’une simple utopie.

 
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