Photographies posthumes : la mort est iconophile

Photographies posthumes : la mort est iconophile
Photographies posthumes : la mort est iconophile

Il était une fois une jeune fille qui venait de mourir. Si pâle, si fragile. Probablement une maladie nerveuse. À la fin du 19ème siècle, on parle alors de catatonique. Car nous sommes en 1889, et voici un photographe qui s’approche pour faire le portrait de la belle endormie. Voyez-vous ? Ce sont les photographies posthumes qui nous intéressent, comme tant d’autres ont été réalisées jusqu’au milieu du XXe siècle. Sauf que celle dont il est question ici n’est pas anodine. C’est l’histoire d’une jeune fille dont la vie a été sauvée parce que quelqu’un a regardé d’un peu plus près sa photo morte. A mesure qu’il s’approche, l’opérateur remarque un léger flou sur sa poitrine… Ne l’enterrez pas si vite : celle qu’on avait donnée comme morte respire encore. Alors allons voir, en nous demandant ce qui nous motive, comme l’écrivait Roland Barthes, dans cette volonté d’ouvrir les yeux sur tous ceux qui les ont fermés pour toujours, mais qui ont vu ce que nous ne verrons jamais. plus. Est-ce pour traquer le passage de la mort ou au contraire pour apercevoir cette lueur de vie qui, on aimerait tant le croire, l’anime encore ?

Allons voir, avec Joëlle Bollochdocumentaliste au musée d’Orsay où elle veille sur les collections photographiques, et qui publie Souriez, tu es mort publié par Fage. Avec elle pour en parler, nous recevons aussi Philippe Baudouinmaître de conférences associé en histoire technique à Paris Saclay, commissaire de l’exposition « Les Immortels », qui se tient du 30 octobre au 14 décembre dans le cadre du festival photo Saint Germain, à la librairie Alain Brieux à Paris. Il a écrit un livre pour accompagner cette exposition, publié chez Cernunnos, intitulé Posthume. Photographies de l’au-delà et reliques post-mortem. Tous deux sont rejoints par Jennifer Kerneractrice, archéologue et YouTubeuse, qui a notamment signé chez Gallimard en 2023 Le mari de nuit : expériences de deuil et pratiques funéraires dans lequel elle devient l’archéologue de son propre chagrin.

LSD, La série documentaire Écoute plus tard

Conférence écouter 54 minutes

La Renaissance de Harlem face à la mort : l’intervention d’Elvan Zabunyan, membre de l’émission

Chaque semaine, un membre de notre académie de l’invisible nous alerte, en fin d’émission, sur un autre type d’image, liée ou non à celle dans laquelle nous avons fait une longue promenade, pour nous donner des nouvelles de notre façon d’être. dans le monde.

A la fin de l’émission, Joëlle Bolloch, Philippe Baudouin et Jennifer Kerner sont rejoints par Elvan Zabunyanprofesseur d’histoire de l’art contemporain à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et membre de notre académie de l’invisible. Il nous conduit sur les traces de Isaac Julienplasticien et cinéaste né à Londres en 1960 et qui appartient à la génération des artistes engagés revendiquant une identité politique « noire » et « gay ». On lui doit notamment le film À la recherche de Langstonréalisé en 1989, une sorte de méditation sur le poète de la Harlem Renaissance Langston Hughes. Le film commence par une scène funéraire représentant Isaac Julien dans un cercueil et entouré d’amis élégamment habillés en tenue de soirée et de somptueuses compositions florales. Isaac Julien incarne ici Langston Hughes décédé, un décès qui en représente bien d’autres, dans un contexte plombé par la pandémie du sida dans les années 1980.

Pour Isaac Julien, représenter la mort en revêtant son habit fait aussi écho aux funérailles de James Baldwin auquel il assiste à New York en décembre 1987. Néanmoins, si les funérailles de Baldwin sont le déclencheur de cette méditation sur le poète, c’est avant tout un ouvrage publié en 1978 avec le plus grand photographe de la Renaissance de Harlem, James Van der Zeetitré Le livre des morts de Harlem qui sert de point d’appui et de référence esthétique première à Isaac Julien.

Poésie et ainsi de suite Écoute plus tard

Conférence écouter 59 minutes

Les quadrithèmes de Charles Dantzig Écoute plus tard

Conférence écouter 3 minutes

Bibliographie du spectacle :

  • Souriez, tu es mortJoëlle Bolloch, Éditions Fage, 2024.
  • AutopsieJoëlle Bolloch, Photo Poche collection, Actes Sud, 2007.
  • Posthume. Photographies de l’au-delà et reliques post-mortemPhilippe Baudouin*,* Cernunnos, 2024.
  • Le mari de nuit : expériences de deuil et pratiques funérairesJennifer Kerner, Gallimard, 2023.
  • La voix des fantômes. Quand les morts débordentGrégory Delaplace, éditions du Seuil, 2024.
  • Philippe Ariès, “Attitudes envers la vie et la mort du XVIIe au XIXe siècle. Dans : Population, 4e année, n°3, 1949. pp. 463-470.
  • Le livre des morts de HarlemJames Van Der Zee, New York, Morgan et Morgan, 1978.
  • Toni Morrison, « Éloge de James Baldwin », 1987, La Source de l’amour-propreParis, 18/10 2019, p. 359-360.

Sons diffusés pendant le spectacle :

  • Alain Fleischer dans “Tout arrive” sur France Culture en 2003
  • Nathalie Reims dans “Tout arrive” sur France Culture en 2003
  • Ophélie’s song n°1, HAMEAU au 77 de Prokofiev, interprété par Ludmila Korolev.
  • Sophie Calle dans « Boomerang » sur France Inter en 2022
  • Chanson fantôme le Jim Morrison (1978)
  • Extrait du film À la recherche de Langston par Isaac Julien, 1989.
 
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