Lié aux esclavagistes, le Booker Prize doit-il changer de nom ? – .

Lié aux esclavagistes, le Booker Prize doit-il changer de nom ? – .
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Créé en 1969, le Booker Prize for Fiction récompense chaque année la meilleure œuvre littéraire en langue anglaise, attribuant initialement à son auteur un prix de 5 000 £. Désormais largement reconnu, le prix est doté de 50 000 £, soit environ 60 000 €, ce qui en fait l’un des prix les mieux dotés au Royaume-Uni.

The Booker tire son nom de la société Booker, McConnell, un distributeur alimentaire qui a sponsorisé l’événement, notamment en fournissant son prix en argent. En 2002, la gestion du prix a été transférée à une fondation dédiée, tandis qu’une autre société a pris en charge le parrainage. Tous les liens avec Booker et McConnell sont alors coupés, mais le nom est conservé, pour des raisons liées à l’histoire et à la réputation du prix…

Cependant, cet héritage a aussi un côté sombre. La société Booker, McConnell, aujourd’hui propriété de la chaîne de supermarchés Tesco, a en effet été construite sur exploitation des êtres humainskidnappé en Afrique, acheté et réduit en esclavage par George et Josias Booker au 19ème siècle.

Propriétaires de plusieurs plantations sucrières à Demerara (actuelle Guyane), colonie hollandaise située en Amérique du Sud, les Bookers exploitaient près de 200 personnes pour leur propre enrichissement. Et, au moment de l’abolition de l’esclavage, en 1834, ils reçurent du gouvernement une indemnisation de 2 884 £ pour l’émancipation de 52 esclaves, soit plus de 370 000 £ aujourd’hui (près de 430 000 €).

La petite entreprise des frères Booker perdure grâce à un système de « apprentissage » non rémunéré, ce qui permet de garder les travailleurs à leurs côtés. Puis, une nouvelle main d’œuvre, sous contrat, mais toujours mal payée et mal protégée, fut amenée d’autres colonies britanniques, notamment d’Inde.

Une histoire ” traumatique »

Depuis 2020, le site du Booker Prize raconte cette histoire, mais les termes utilisés n’ont pas forcément convaincu les lecteurs. Richie Brave, animateur de radio britannique, a interpellé l’organisation sur le réseau social un descendant d’esclaves exploité par les frères Booker.

Sur le site Internet des récompenses, il était indiqué que George et Josiah avaient « supervisé » près de 200 esclaves : «Josiah et George n’ont pas“supervisé”ma famille. Ils les traitaient comme des esclaves. C’est pourquoi nous portons TOUJOURS leur nom [les esclaves étaient souvent nommés d’après leur maitre, NdR].C’étaient des esclavagistes, pas« superviseurs ». »

Le message de Brave a fait mouche, puisque les administrateurs de récompense ont modifié le texte sur le site, avant d’indiquer qu’ils étaient abonnés à «totalement à l’importance accordée à la précision des termes« . Par ailleurs, l’article explicatif, accessible à cette adresse, sera prochainement enrichi d’une analyse fournie par un historien guyanais.

Tout en remerciant les administrateurs de récompenses pour leur réactivité, Richie Brave a poursuivi : «D’accord, ces faits remontent à plusieurs générations, mais j’en ressens toujours les conséquences. Je vois les dégâts socio-économiques sur ma famille. Et c’est douloureux, ce n’est pas seulement moi qui suis un peu en colère. C’est traumatisant. C’est une histoire traumatisante.»

Le débat autour des Booker Prizes et de leur héritage malsain n’est pas nouveau. En 1972, alors que le Booker Prize for Fiction était encore financé par Booker, McConnell, l’écrivain britannique John Berger remporta le prix pour son romang(éditions de l’Olivier, 1972, traduction d’Élisabeth Motsch) avait reversé la moitié de la récompense à Panthères noires britanniquespour “prends le prix dans ton propre piège« .

Photographie : la sélection pour le Booker Prize 2023 (The Booker Prizes)

 
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