Le président français Emmanuel Macron plaide pour une « Europe de la puissance »

Le président français Emmanuel Macron plaide pour une « Europe de la puissance »
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En retard dans les sondages derrière le Rassemblement national, le président français Emmanuel Macron a tenté jeudi de relancer sa campagne avec un long discours sur l’Europe prononcé dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne. A un mois et demi des élections européennes, il a rencontré ses partisans dans ce haut lieu du savoir où, en septembre 2017, il a présenté son projet de « refondation d’une Europe souveraine, unie et démocratique ».

Sept ans plus tard, alors que les partis eurosceptiques sont en tête dans de nombreux pays européens, l’ambiance n’est visiblement plus la même. « Nous n’avons pas tout réussi », a-t-il reconnu d’emblée. Parmi les succès, le président pointe néanmoins la production de vaccins pour sortir de la pandémie, la politique énergétique, le soutien à l’Ukraine et un pacte sur l’immigration.

“L’Europe est mortelle”

Dans un long discours de près de deux heures, souvent technique et ressemblant parfois à celui d’un PDG de multinationale, le président a essentiellement plaidé pour « une Europe de la puissance ». Parodiant le poète Paul Valéry, il a déclaré que « notre Europe d’aujourd’hui est mortelle. Elle peut mourir et cela ne dépend que de nos choix. »

Dans ce plaidoyer tous azimuts en faveur de l’Union européenne (UE), qu’il exhorte à intervenir dans presque tous les domaines, le président a particulièrement insisté sur la défense. Décrivant un territoire « en situation d’encerclement », il soutient « une Europe qui est respectée et qui assure sa sécurité ». […]qui assume avoir des frontières et qui les protège.

Sans proposer une armée européenne, il avance le concept nébuleux d’« intimité stratégique » et propose de créer une académie militaire et de doter l’UE d’« une capacité […] la cyber-sécurité”. Visant secrètement de nombreux pays de l’Union, mais surtout l’Allemagne, dont l’armée s’approvisionne principalement auprès des Etats-Unis, il a plaidé pour « une préférence européenne dans l’achat de matériel militaire ».

Le président souhaite également doubler le budget européen pour que l’UE devienne un « leader mondial d’ici 2030 » dans cinq secteurs stratégiques, dont l’intelligence artificielle, les énergies nouvelles et l’espace. Tout en défendant l’accord de libre-échange entre le Canada et l’UE (CETA), il propose un certain protectionnisme dans les domaines de la défense, de l’énergie et de l’espace.

En matière d’immigration, sujet prioritaire de pouvoir d’achat pour une majorité de Français, il dit vouloir « reprendre le contrôle de nos frontières ». [européennes] », mais critique la décision britannique de déplacer leurs demandeurs d’asile vers le Rwanda, où leurs dossiers seront examinés. Un choix pourtant privilégié par 67% des Français.

En conclusion, Emmanuel Macron s’est félicité du fait que le nationalisme en Europe ne propose plus une sortie de l’UE. Mais, dit-il, « ils proposent juste de ne plus avoir de règles de copropriété, de ne plus investir, de ne plus payer de loyer ». Posant cartes sur table, le président n’hésite pas à affirmer que l’Europe est pour lui « un projet qui n’a pas de limites ».

Bardella bien devant

Malgré des affirmations de l’Élysée évoquant un discours institutionnel majeur, ce dernier a été perçu par un grand nombre d’observateurs comme une dernière tentative pour sauver la campagne de sa tête de liste aux élections européennes, Valérie Hayer. Les sondages les plus récents ne donnent que 17 % des voix à la liste présidentielle, en baisse constante depuis un mois, loin derrière celle du Rassemblement national (RN), emmené par Jordan Bardella, qui oscille autour de 31 %.

Mais la mauvaise surprise pour le groupe Renaissance vient surtout du bon résultat du Parti socialiste, qui n’a obtenu que 1,74% à la dernière présidentielle. Menée par Raphaël Glucksmann, la liste atteint 12 %. Des voix largement retirées au parti présidentiel, mais qui expliquent aussi les contre-performances de la gauche radicale : des écologistes (7%) à La France insoumise (5,5%) en passant par le Parti communiste (2,5%).

La veille de l’intervention d’Emmanuel Macron, une cinquantaine de personnalités du monde intellectuel avaient signé une tribune très remarquée dans Le Figaro dénonçant « le tour de vis fédéraliste » de l’Union européenne. Pour les signataires, comme l’ancien ministre socialiste Arnaud Montebourg, l’ancien président du Conseil constitutionnel Pierre Mazeaud et les philosophes Marcel Gauchet, Pierre-André Taguieff et Michel Onfray, « l’Union continue de dériver vers une supranationalité écrasante. D’année en année, la devise « Unis dans la diversité » a cédé sous une centralisation uniformisatrice effaçant les identités et souverainetés nationales.

La tribune vise notamment une résolution adoptée en novembre 2023, pour l’instant non contraignante, qui proposait de généraliser la majorité qualifiée sur toutes les décisions. Une idée qui fait son chemin à Bruxelles sans jamais avoir été soumise aux peuples des pays membres, affirment les signataires, qui n’hésitent pas à parler de l’UE comme d’une « prison des peuples » fondée sur des dogmes aveugles et interdit de remettre en question.

Les premières réactions sont venues majoritairement de la droite. Pour Jordan Bardella, en s’impliquant autant dans la campagne européenne, Emmanuel Macron vient de mettre sa légitimité en jeu. «Si la liste d’Emmanuel Macron venait à perdre ce scrutin, si elle était distancée par la liste d’opposition, le président de la République, leader d’une majorité non seulement minoritaire mais vaincue, devra en tirer toutes les conséquences. » Il propose rien de moins que « sanctionner le gouvernement français et l’Europe de Macron » et « ouvrir la voie à l’alternance ». Cela impliquerait évidemment la dissolution de l’Assemblée nationale et une élection dont tous les sondages prédisent la victoire du RN.

La tête de liste Reconquête, Marion Maréchal, a jugé que « la souveraineté européenne pour Emmanuel Macron, c’est un progrès vers un Etat fédéral européen » et « la fin du droit de veto de la France sur toutes les décisions ». Pour la tête de liste Les Républicains, François-Xavier Bellamy, Macron est « un président qui parle beaucoup, mais qui, en fait, lorsqu’il s’agit d’agir, produit très peu de résultats ». “Sept ans à détruire nos industries et nos services publics et à organiser l’impuissance”, et “deux heures à se plaindre des effets”, a moqué la tête de liste de La France insoumise, Manon Aubry.

Limiter la casse

Lors de sa nomination, le plus jeune premier ministre de la Ve République, Gabriel Attal, a été présenté comme une arme anti-Bardella. Quatre mois plus tard, on constate que le premier ministre s’est très peu impliqué dans la campagne. Une enquête récente de Figaro laisse même entendre que le jeune président du RN gagnerait contre lui en match présidentiel. Ce discours était-il approprié dans ce qui prend de plus en plus la forme d’un référendum sur la présidence d’Emmanuel Macron ? 66% des Français estiment que le président ne devrait pas s’impliquer davantage dans cette campagne.

Contrairement aux autres élections, l’élection européenne mobilise généralement à peine un électeur sur deux. L’enjeu pour tous les candidats est donc de réduire le nombre d’abstentions parmi leurs partisans. À peine six électeurs sur dix ayant voté pour Emmanuel Macron lors de la dernière présidentielle se déclarent sur la liste de Valérie Hayer. Ce qui amène la plupart des analystes à affirmer que le but de cette intervention était avant tout de limiter les dégâts. Un constat sur lequel nous sommes tous deux d’accord Le Figaropour qui ce discours visait à « relancer le macronisme », Le mondepour qui le président « cherche un second souffle ».

Une chose est sûre, la campagne ne fait que commencer.

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