« C’est dur d’élever des enfants, mais ça les aide à dire non » – .

« C’est dur d’élever des enfants, mais ça les aide à dire non » – .
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ENTRETIEN EXCLUSIF. Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État chargée de la Citoyenneté et de la Ville, est à Nîmes ce jeudi 25 avril pour le lancement du premier Conseil national pour la refondation de la prévention de la délinquance.

Vous vous rendez à Nîmes ce jeudi 25 avril pour lancer le premier Conseil national de refondation sur la prévention de la délinquance. Pourquoi avoir choisi le Gard ?

Nîmes est un symbole de la commune moyenne de France qui regroupe tous les enjeux sécuritaires d’une grande ville. Compte tenu de tout ce qui s’est passé à Pissevin ou au Chemin-Bas, il était important pour moi de lancer le premier Conseil national de refondation (CNR) pour la prévention de la délinquance qui est l’aboutissement, pour mon ministère, des travaux entamés par le Premier ministre la semaine dernière. Cela passe par une véritable concertation avec les élus locaux, les préfets, les recteurs, les associations, les psychologues, etc. Avec tous les acteurs concernés par le sujet de la prévention de la délinquance.

Comme parfois en politique, voici un nouveau grand terme avec ce Conseil National pour la Refondation. Mais y a-t-il vraiment des choses concrètes derrière cela pour les citoyens ?

Avec ce CNR, nous avons quatre priorités. Je souhaite tout d’abord de la lisibilité et de la simplification, je souhaite mettre le couple maire-préfet au cœur de la gestion de cette politique publique. Le préfet est le représentant local de l’Etat ; les maires sont ceux qui connaissent le mieux leurs électeurs. Il faut donc compter sur eux. Ainsi que des associations, des parents, des habitants qui souhaitent s’impliquer afin de faire le point sur ce qui marche et ne marche pas. Nous devons également assurer un meilleur accès à l’information. Que tous les outils existants soient plus visibles. Je ne vais rien réinventer, mais faire en sorte que cela fonctionne mieux.

Le deuxième axe est un soutien plus concret aux victimes de la délinquance du quotidien. Une personne âgée est victime d’un vol de téléphone : qui est avec elle ? Qui lui explique comment arrêter son abonnement téléphonique ? Nous devons apporter un soutien administratif, psychologique et matériel ; donner accès aux droits.

Vous avez également le trafic de drogue en ligne de mire.

C’est le troisième axe : la lutte contre les comportements addictifs et à risque. Depuis combien d’années n’avons-nous pas vu de grandes campagnes de prévention sur la consommation de drogues ? Quand j’ai dit « pas de consommateurs, pas de revendeurs », vous souvenez-vous des réactions ? Il faut travailler sur les comportements addictifs. Notamment pour nos jeunes qui sont les plus exposés. La consommation de drogues n’est pas normale. Comme l’a dit le Président de la République, il n’y a pas de joint récréatif, il n’y a pas de rail récréatif. Il faut travailler avec des addictologues, des psychologues et des psychiatres… Et il y en a une pénurie, c’est évident, nous allons travailler sur ce sujet avec ma collègue Sylvie Retailleau (ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, NDLR), pour en attirer davantage. jeunes étudiants en médecine dans ces disciplines. C’est une politique publique, et je l’accepte, sur 10-15 ans. Mais commençons par l’essentiel : la prévention dans les écoles soutenues par des associations spécialisées. L’idée est de ne pas culpabiliser. Mais la consommation de drogues détruit des personnes, des familles et des vies. J’ai grandi à la Belle de Mai à Marseille, j’ai vu toute une génération décimée par l’héroïne. Il ne faut pas banaliser et surtout pas légaliser. La drogue n’a rien de festif.

Sur votre quatrième axe, les nouvelles formes de violence, vous avez qualifié les réseaux sociaux d’armes de destruction massive. Vous confirmez ?

Je le répète et je l’accepte : oui, lorsqu’ils sont utilisés à mauvais escient, les réseaux sociaux sont dangereux. Je le redis aussi, un jeune, un adolescent, parce qu’il est mineur, n’a pas de vie privée. Un parent doit pouvoir exercer son autorité et son contrôle parental lorsqu’il estime que son enfant a un problème. Et quand on me parle de journal… On est au 21ème siècle ! La vie privée de nos jeunes est en danger avec les réseaux sociaux. Nous devons les protéger. Combien de jeunes filles tentent de se baiser parce que leur copain a publié des photos ou des vidéos de leurs ébats !

Persistez-vous également dans l’idée qu’un parent puisse fouiller le téléphone de son enfant ?

Lorsqu’un parent consulte le téléphone de son enfant, pensez-vous que c’est juste pour s’amuser ? Nos jeunes ont droit à leur intimité, à leur jardin secret, c’est une évidence. Mais les réseaux sociaux menacent cette intimité, car tous les marqueurs, notamment de pudeur, peuvent disparaître. Il faut donc revenir à l’essentiel : oui, les parents ont le droit, parfois le devoir, de l’empêcher. Les écrans créent une barrière entre nos enfants et l’humanité, je le dis et je l’accepte. Les réseaux sociaux, et je parle aussi en tant que mère d’adolescent, sont une arme de destruction massive de notre jeunesse. Pour quoi ? Parce que le harcèlement sur les réseaux sociaux mène à la mort ! On n’a pas le droit de les oublier, je pense notamment à Lindsay (jeune victime de harcèlement de 13 ans qui s’est suicidée en mai 2023). Alors je réponds à toutes les personnes bien pensantes que je préfère protéger nos enfants et être un peu dur plutôt que de laisser cela arriver et de voir de nouvelles tragédies se produire.

On parle beaucoup de répression ou de « montée d’autorité ». Gabriel Attal parle de la création d’internats, on voit des maires, comme à Béziers, instaurer des couvre-feux pour les mineurs. Ne parvient-on pas à déresponsabiliser les parents en établissant une autorité à leur place ?

Sous couvre-feu, un enfant de 13 ans n’a rien à faire dehors à minuit… Il faut responsabiliser les parents, leur dire qu’ils peuvent dire « non ». Que c’est leur devoir. La première figure d’autorité qu’un enfant connaît est son parent. Mais c’est compliqué d’être parent : on travaille beaucoup, on culpabilise. Vous vous sentez coupable, vous risquez de céder. Et si vous cédez, l’enfant en paie parfois le prix. Et je comprends cela, car c’est difficile d’élever des enfants. Sauf que ça les aide à dire non et à lui donner un cadre, en lui disant qu’on fait ça pour le protéger. Les parents doivent reprendre confiance en eux et leur rappeler les règles de vie lorsque cela est nécessaire.

Comme le disait le Premier ministre : vous cassez vous réparez, vous salissez vous nettoyez, vous défiez l’autorité, on vous apprend à la respecter. Et j’ajouterais que si vous avez besoin d’aide, nous sommes là pour vous soutenir. Je pense beaucoup aux mères célibataires, c’est un combat pour moi, car ce sont elles qui ont le plus de difficultés, notamment dans les quartiers prioritaires. Comment pouvez-vous vous en sortir quand vous êtes une mère célibataire, avec des enfants à élever et sans argent ? Nous mettons beaucoup de mesures en place pour les aider. Quand on annonce l’ouverture des collèges de 8h à 18h avec le Président de la République, c’est pour assurer à la mère que son enfant est en sécurité à l’école jusqu’à 18h et qu’il ne fait rien dans la rue. Pourquoi le Président de la République a-t-il également annoncé la généralisation des villes éducatives dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ? Parce que cela nous permet d’accompagner au mieux chaque enfant dans un parcours éducatif, de la petite enfance jusqu’à son insertion professionnelle. Il y a aussi les EPIDE (Etablissements d’Insertion par l’Emploi) que nous allons déployer dans les quartiers prioritaires. Il s’agit d’internats qui permettront aux jeunes de 17 à 25 ans d’avoir un accompagnement pédagogique renforcé pendant 8 mois, pour les intégrer dans l’emploi.

En plus d’être dans une société individualiste, nous nous retrouvons également confrontés à des familles qui ne croient plus aux paroles politiques et ne voient pas comment demander de l’aide.

Une société même trop individualiste… La perte de confiance de certains parents est avant tout en eux-mêmes. J’ai grandi dans le quartier le plus pauvre d’Europe, je le connais par cœur. Mais vouloir le bien de nos enfants malgré eux est notre devoir. Ma grand-mère disait toujours : « Je préfère que ce soit toi qui pleure plutôt que moi. Parce que si je pleure, c’est qu’il va t’arriver quelque chose de très grave. Il faut réapprendre la frustration aux enfants quand c’est pour leur propre bien. Mais c’est compliqué. Et cela concerne tous les parents, pas seulement les classes sociales défavorisées.

On l’entend, on l’écrit, à Nîmes comme ailleurs, pour certains enfants qui ne voient d’autre avenir que des briques, la vie n’a déjà plus beaucoup de valeur. Qu’est-ce que vous opposez à cela ?

Je m’y oppose en disant qu’en France l’école est gratuite ; que c’est souvent le seul moyen, quand on est issu d’un milieu populaire, de s’en sortir, de s’émanciper, de se construire un avenir.

Tant que tu peux être en sécurité à l’école. On a vu très récemment à Nîmes, à l’école Bruguier, que ce n’était peut-être pas le cas.

Avec la vidéoprotection à travers le Fonds interministériel de prévention de la délinquance, j’ai invité les préfets, dans une circulaire, à travailler avec les élus locaux pour sécuriser les écoles et les lieux de culte. Car un parent qui voit une caméra devant une école les rassure, même si cela ne résout pas tout. Il faut aussi plus de présence humaine, plus de bleu autour de ces écoles. Et nous le faisons. La communauté éducative doit être rassurée.

Lorsque l’on discute avec les associations, les problématiques de santé mentale, liées à la crise du Covid notamment, et qui peuvent conduire à des comportements addictifs, sont pointées du doigt. Comptez-vous aborder ce sujet ?

Ces questions d’addiction et de santé mentale feront partie des réflexions du Conseil national de refondation que je lance à Nîmes. Nous n’avions pas vu venir cette crise du Covid car c’est la première fois que nous avons une crise sanitaire de cette ampleur au 21ème siècle. Nous devons nous adapter et prendre en compte ces problèmes. Nous prendrons ce sujet à bras le corps car il est essentiel.

Cela signifie-t-il, en attendant, que nous sommes dans une génération « perdue » ?

Non, je ne pourrai pas l’accepter. Quand on est jeune, on a toujours une issue. C’est parfois dur, compliqué, mais il n’y a pas de génération perdue.

Pour en revenir au CNR, quel sera le calendrier ?

Ce jeudi, nous aurons une consultation avec quatre groupes de travail qui me feront part de leurs idées. Je ferai un rapport global en fin de journée. Ces CNR seront organisés dans 31 préfectures afin de faire émerger les bonnes idées du terrain et développer les grands axes que j’ai proposés. Et le 23 mai, il y aura le « Beauvau de prévention de la délinquance » qui sera la restitution et la concrétisation de tout ce qui m’a été rapporté.

Vous venez également à Nîmes pour signer un autre dispositif, le Contrat de Sécurité Intégrée. Qu’est-ce que cela va changer pour nos concitoyens ?

Il s’agit d’engagements réciproques entre l’État (ministère de l’Intérieur, de la Justice, de l’Éducation nationale, etc.) et les élus de la ville. Cela permet de concrétiser une vision commune en matière de sécurité… Du côté du ministère de l’Intérieur, nous nous sommes par exemple engagés à créer 15 postes de police nationale ouverts en 2023 ou encore à créer une brigade des transports de douze effectifs. Quand la Ville s’est engagée à recruter 30 nouveaux policiers municipaux d’ici 2026, à augmenter son parc de 20 caméras de vidéosurveillance d’ici 2026, etc. Cela permet d’officialiser une politique publique commune entre l’État et la commune. C’est concret.

Nous constatons un engagement fort et des paroles fortes de la part de l’État sur les questions souveraines telles que la sécurité. Est-ce aussi, à quelques semaines des européennes, une manière de répondre au Rassemblement national ?

Je ne réponds pas au Rassemblement National, je les combats et je les bats aux urnes ! Je réponds aux inquiétudes des gens, aux Français. Et sur les questions souveraines, beaucoup a été fait depuis le premier mandat du Président de la République, nous n’avons pas attendu ces élections pour agir et nous continuerons de le faire avec beaucoup de force.

 
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