Les prières pour la pluie, « Salat Al Istisqâa », ont été entendues au Maroc. Le Roi Mohammed VI, « commandant des croyants »commande depuis des années pour réaliser « demandes rogatoires » Il est prévu que les pluies torrentielles atteignent leur point culminant vendredi dans toutes les mosquées du royaume. C’est ici accordé, un peu trop sans doute, car c’est un véritable déluge qui s’est abattu ces derniers jours sur le Royaume, frappé de plein fouet par le changement climatique. Car si l’averse est restée bénéfique en ce qui concerne le remplissage de certains barrages et nappes phréatiques, les autorités ont tiré la sonnette d’alarme sur son aspect dévastateur. Dans le désert, les rivières asséchées se sont transformées en grands ruisseaux boueux, emportant avec elles ce qu’elles trouvent sur leur passage.
Dimanche 22 septembre, les prévisions météorologiques annonçaient toujours un niveau d’alerte orange, avec de nouvelles averses dans le centre du pays. La veille, les autorités déploraient un bilan dévastateur dans le sud-est. Dans la province de Tata, des habitations ont été détruites, deux passagers d’un bus emporté par les eaux sont morts, et 14 personnes sont portées disparues. Il y a deux semaines, dans cette zone désertique du pays, des pluies torrentielles avaient déjà provoqué la mort d’au moins 18 personnes.
Gouttes de puissance
Le lien entre conditions climatiques et exercice du pouvoir au Maroc s’exprime au moins depuis la période coloniale, durant laquelle est né un vif intérêt pour les projets hydrauliques. En 2013, lors d’un voyage à Casablanca, le président François Hollande reprenait une boutade attribuée à Théodore Steeg, résident général du Maroc entre 1925 et 1929 : « gouverner, c’est faire pleuvoir ». Un écho à la maxime « gouverner, c’est prévoir », attribuée à l’homme Adolphe Thiers. Le roi Hassan II a lui aussi très bien compris l’enjeu de composer avec les éléments, lui qui a inauguré un barrage par an jusqu’à la fin de son règne en 1999. Son héritier a poursuivi cet effort, portant le nombre de barrages à 148. Ces infrastructures sont vitales : l’agriculture emploie encore aujourd’hui 39 % de la population active et consomme 88 % des ressources en eau.
Ces réservoirs ont encore besoin d’être remplis d’eau, alors que la sécheresse perdure depuis six ans. Les violents orages y auront au moins contribué. Le ministère de l’Equipement et de l’Eau indiquait lundi 23 septembre un taux de remplissage global de 29% (4 862 millions de mètres cubes), soit trois points de plus que l’an dernier, ce qui laisse présager une légère amélioration du monde agricole. Néanmoins, les sols rendus imperméables par la sécheresse auraient besoin de pluies beaucoup plus régulières, pour que l’eau puisse s’infiltrer efficacement dans la nappe phréatique.
Des infrastructures à revoir
Les inondations ont laissé des traces de destruction. Au total, 44 tronçons routiers ont vu leur circulation interrompue, avant leur rétablissement progressif au cours du week-end. Le Maroc a annoncé un plan de 40 millions de dirhams (3,7 millions d’euros) pour réparer les dégâts dans le sud-est du pays. Dans une interview au site d’information Hespress, Mohammed Benata du Collectif écologique du nord du Maroc, met en garde contre les dégâts causés par les inondations. « De profondes faiblesses dans les infrastructures »incapables de résister à des phénomènes naturels d’une telle violence. Il pointe du doigt l’insuffisance du système d’assainissement, ainsi que la grande vulnérabilité des ponts et des routes.« Il vaut mieux laisser la nature suivre son cours sans interférer avec les technologies »Cet activiste met en garde contre la tentation de s’appuyer sur le programme Al Ghaith imaginé en 1984 sous Hassan II, qui consiste à polliniser les nuages à l’aide de sels minéraux, afin d’obtenir de la pluie artificielle. Une technique aux résultats marginaux au vu des besoins énormes.