essayer d’exister… il restera toujours quelque chose – .

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Le JDD. Gabriel Attal a décidé de fêter ses 100 premiers jours à Matignon en se rendant à Viry-Châtillon cette semaine. N’y a-t-il pas quelque chose d’incongru quand on sait que cette période concerne plutôt le président de la République ?

Arnaud Benedetti. Gêné politiquement, du fait de l’absence de majorité à l’Assemblée, contraint d’autant plus que la crise de la dette rend précaire cette position au Parlement, que peut faire Gabriel Attal, sinon déployer exclusivement un agenda communicatif ? Attal, c’est donc Macron en mode dégradé. Et on ne peut pas imaginer qu’il se prête à cet exercice sans accord présidentiel. Il participe de facto à la stratégie élyséenne dont l’objectif est de créer la perception d’un quinquennat qui continue d’avancer, d’attaquer de front les problèmes des Français, de faire face aux difficultés. Alors que la réalité est perçue différemment par une grande majorité de Français : 74% d’entre eux sont insatisfaits de l’action d’Emmanuel Macron dans un tout récent sondage Ifop. Ce moment de communication sera aussi vite oublié qu’il a vraisemblablement été improvisé.

Le Premier ministre n’est pas élu. Il n’a pas de réelle autonomie. Il n’y a donc pas vraiment besoin de faire le bilan d’une action autre que celle qui met en œuvre au nom du président…

Elle tend à rassurer les membres internes d’une majorité en proie au doute, voire le noyau électoral dur de cette dernière, plutôt que de s’adresser à l’opinion publique dans son ensemble. Par ailleurs, il faut relativiser l’autonomie de Gabriel Attal ; c’est un Premier Ministre qui doit tout au Président qui reste maître du rythme institutionnel de son gouvernement. Attal n’est pas Chirac en 1974, ni Rocard en 1988. Il n’a pas non plus le capital politique de ce dernier, finalement peu de troupes autour de lui, et qui plus est, il dirige une majorité avec des écuries qui, comme le PS des années Mitterrand, préparent la succession du chef de l’Etat.

Le chef du gouvernement tente par la communication de relancer une machine à vapeur

Gabriel Attal vit sous la menace d’une motion de censure et sous la pression des résultats obtenus par son camp aux élections européennes. Cette incertitude sur son avenir pourrait-elle expliquer son envie de « montrer ses muscles » ?

Le reste après cette annonce

Il faut d’abord revenir sur le contexte de sa nomination : Attal devient Premier ministre après l’épisode parlementaire de la loi immigration où l’exécutif se retrouve en grande difficulté car à cette occasion il touche à sa condition de… gouvernement minoritaire. Cette désignation implique à la fois de faire quelque chose de nouveau en envoyant Matignon le plus jeune Premier ministre de la Ve République et en même temps d’opposer à la tête de liste Rn, elle-même âgée de 28 ans, une arme de grande jeunesse également pour contenir la poussée de sonde de Jordan Bardella. .

Après 100 jours, l’effet communicatif initial s’est largement dissipé et la liste RN continue de caracoler dans les intentions de vote à plus d’un mois et demi du scrutin du 9 juin. Dès lors, le chef du gouvernement tente de relancer une machine en marche par la communication. La vérité est qu’une très grande partie de l’opinion publique estime que Gabriel Attal n’a pas les moyens de sa politique ou est incapable de les lui fournir. Le quinquennat encalminé est l’expression cruelle d’une politique dont l’action est limitée : par les contraintes normatives sur le souverain, par le poids inexorable de la dette sur l’économie et finalement par des logiciels qui ne veulent pas desserrer l’étau de ces limites.

Macron/Attal illustrent à leur manière la génération d’impuissance politique dont ils sont plus les héritiers que les initiateurs. Ce n’est pas une énième « séquence » de communication, à destination des médias, qui réussira à dissiper un constat partagé par une large majorité de Français, quelle que soit leur origine politique. Agir politiquement ne signifie pas produire un agenda médiatique. Et aujourd’hui c’est cette impression qui domine, celle d’un homme politique réduit à produire exclusivement des programmes médiatiques pour se maintenir et gagner du temps.

Il a été nommé à Matignon pour être l’arme anti-Bardella lors des élections européennes. Pourtant, dans les sondages, la liste RN obtient près du double de la majorité présidentielle. La défaite de la liste de Valérie Hayer sera-t-elle celle de Gabriel Attal ?

Il y a en effet quelque chose de significatif dans le rapport de Gabriel Attal à cette élection européenne : sa faible implication alors qu’il avait été implicitement désigné pour contrecarrer la dynamique Bardella. N’y parvenant pas à ce stade, il est à distance, comme s’il s’agissait déjà pour lui de surmonter l’échec annoncé pour ne pas en rendre compte et ne pas voir sa légitimité remise en cause. . D’où cet engagement très relatif qu’il imagine sans doute lui permettre de s’exonérer d’une trop grande défaite. Enfin, logique institutionnelle propre à la Ve République, c’est le Président qui décidera du sort du Premier ministre. Mais ce qui est frappant dans les circonstances que nous traversons, c’est qu’après à peine deux ans de réélection, le chef de l’État n’a plus beaucoup de cartes dans son jeu. Il risque de payer pour sa mauvaise lecture, ou son déni, des élections législatives de 2022…

Cette rhétorique des 100 jours se heurte à l’affaiblissement du politique

L’idée des 100 jours est simple : un président dispose d’un état de grâce pour agir durant lequel il jouit d’une popularité suffisante pour lancer ses premières actions. Quelles ont été les mesures fortes prises lors des 100 premiers de nos présidents ?

Cette idée de l’état de grâce date principalement de 1981 et de l’élection de François Mitterrand qui de son côté dans les premiers mois de son septennat avait alors mis en œuvre son programme. Depuis lors, il est clair que la mondialisation oblige ses successeurs à ne pas pouvoir opérer de manière aussi spectaculaire. Cette rhétorique des 100 jours se heurte à l’affaiblissement du politique. Les alternances sont moins brusques qu’elles ne l’étaient et les signes de changement sont désormais plus symboliques que politiques.

Mais ce vieux peuple politique qu’est le peuple français, construit dans et par la politique, uni par elle au-delà de ses désunions, attend visiblement le retour à des alternances brusques. Ce qui dans la montée de cette attente renforce indéniablement la seule force politique qui n’a pas gouverné depuis un demi-siècle : le RN. L’envie de changement lui profite car les Français croient encore profondément à la singularité de la politique.

Cette période est particulièrement scrutée et commentée car elle révèle les traits de caractère d’un dirigeant et sa manière d’exercer le pouvoir. Qu’en est-il des 100 premiers de Gabriel Attal puisqu’il faut bien les appeler ainsi ?

Ces 100 jours sont un artefact. Tout se joue à l’Élysée… Emmanuel Macron reste encore une fois le grand organisateur. La crise agricole n’est pas terminée, les paysans sont retournés dans leurs fermes non pas parce qu’ils étaient satisfaits mais parce que le rythme des champs et des étables les y obligeait ; les problèmes d’insécurité demeurent et s’accentuent même, malgré les propos fermes du ministre de l’Intérieur et du Premier ministre ; les « couacs » gouvernementaux témoignent de la faiblesse du recrutement de certains ministres… Ce que le moment souligne une fois de plus, c’est avant tout le hiatus entre la parole et l’action, le constat de ce hiatus qui est le problème récurrent du politique dans son rapport au peuple. et qui mine de plus en plus la confiance.

Sans doute le fait majeur de ces derniers mois est à chercher dans la situation budgétaire du pays. Ces 100 jours auront révélé les 1 000 milliards de dettes supplémentaires du pays… en 7 ans – ce qui couvre les deux mandats d’Emmanuel Macron. Le dernier « totem de l’immunité », celui de la compétence technique, est désormais fortement érodé, voire catapulté. Cela ouvre un trou béant dans la crédibilité de la majorité et qui peut conduire à un effet d’éviction même au sein de l’électorat des classes moyennes supérieures et des classes supérieures du macronisme. Dès lors, la seule question d’un point de vue institutionnel qui devrait se poser dans un contexte d’absence de majorité à l’Assemblée est la suivante : est-ce tenable ainsi jusqu’en 2027. Le doute est permis.

Ce mythe des 100 jours est constitutif de l’imaginaire politique français. Cela ne correspond-il pas à une personnalisation excessive de l’exercice du pouvoir ? N’institue-t-il pas à tort une forme d’idolâtrie, qui dépérit inévitablement… ?

L’incarnation est le fruit de l’histoire. Les Français sont fondamentalement bien plus des monarchistes contrariés que des républicains conséquents. A leurs yeux, le pouvoir doit être fort dans son action, c’est-à-dire volontariste, fédérateur dans sa pratique, ce qu’il ne l’est pas sous Emmanuel Macron, et incarné dans une figure qui devient providentielle dès que la crise menace la survie du pouvoir. Nation. Cette constante demeure, elle attend et elle ne demande qu’à retrouver, loin des artifices de communication, son chemin pour s’exprimer à nouveau. La loi de l’histoire est l’éternel retour et non la linéarité.

*Arnaud Benedetti est rédacteur en chef de la Revue politique et parlementaire et professeur associé à la Sorbonne. Son prochain livre « Aux portes du pouvoir – RN, l’inévitable victoire ? » sera publié le 25 avril 2024.

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AUX PORTES DU POUVOIR – RN, L’INELUCABLE VICTOIRE ? PAR ARNAUD BENEDETTI, 240 PAGES, 25 AVRIL 2024, MICHEL LAFON, 18,95 €

© MICHEL LAFON

 
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