quelles solutions pour se protéger des inondations ? – .

Par Stéphane Fouilleul
Publié le

17 avril 24 à 16h26

Vêtu d’un scaphandre, l’homme avance péniblement dans l’eau qui lui arrive au-dessus des genoux. Equipé d’un râteau, il s’approche du muret qui sépare le lit de la Seine de la RD 64 entièrement immergée, à Mauny (Seine-Maritime), à ​​quelques kilomètres de Caumont (Eure). Afin d’accélérer l’évacuation de l’eau, il s’accroupit et tente de débloquer, à l’aide de la poignée, l’une des vannes du mur, probablement bouchée par les déchets de la rivière.

Ce mercredi 10 avril 2024, à 16h30, l’eau recouvrant le bitume commence à descendre dans la Seine. Le pic de crue a été atteint une heure plus tôt. Pendant deux jours, les riverains des routes départementales 64 et 93 entre La Bouille et Bardouville, en passant par Caumont et Mauny, ont été en proie à inondations causées par plusieurs inondations. L’eau pénétrait dans les jardins des propriétés et dans certaines même à l’intérieur des maisons.

“Le risque d’inondation va augmenter”

Sur la RD 64, entre Mauny et Bardouville, une partie du mur a cédé sous la pression de l’eau : « Cela peut être dû aux vagues provoquées par le passage des bateaux. Car ce qui protège la route, ce n’est pas une digue, mais une structure routière vieillissante », affirme Damien Thiébaultvice-président chez Roumois Seine en charge du ruissellement et de la gestion aquatique.

Selon les scientifiques, les inondations risquent de s’accentuer sur l’axe départemental qui relie Mauny et Caumont. ©SF

« Deux modules de pompage SDIS* de grande capacité ont été installés et une pompe d’assainissement a été positionnée par la Métropole Rouen Normandie », informe la préfecture de Seine-Maritime. De gros sacs de sable ont été placés sur la zone endommagée pour tenter de solidifier le mur.

Quand la nature n’agit pas, les riverains profitent d’un décor de carte postale. Mais au fil des années, les inondations se multiplient. Les conséquences du réchauffement climatique sont répétées depuis longtemps par les scientifiques. « Les derniers rapports du GIEC** sont catégoriques. À l’échelle mondiale, les risques d’inondations vont augmenter. Cette augmentation est liée à l’élévation du niveau de la mer et à l’augmentation de l’intensité et de la fréquence des événements météorologiques extrêmes », explique Cédric Fissonchef de projet au sein du Groupement d’Intérêt Public (GIP) Seine-Aval qui réalise des études scientifiques sur le fonctionnement environnemental de l’estuaire de la Seine.

Denis Comont est vice-président de l’association de défense des berges de Seine Sahurs – La Bouille – Moulineaux – Caumont. Il souligne également l’évolution du modèle agricole devenir productiviste : « Les terres agricoles sont de plus en plus grandes et appartiennent à de moins en moins d’agriculteurs. Les haies et talus sont supprimés pour agrandir les parcelles. Et on n’entretient plus les fossés. Résultat, il n’y a plus de filtres pour ralentir l’eau et protégez-vous du vent. » Selon ce paysagiste de formation, spécialiste de la gestion de l’eau, les eaux de pluie s’écoulent de plus en plus rapidement dans les rivières et ruisseaux : « Ce phénomène accentue les inondations. »

Un mur anti-inondation : un investissement trop coûteux

Aujourd’hui, une question se pose : comment mieux protéger les maisons à long terme phénomènes d’inondations ? A cheval sur l’Eure et la Seine Maritime, les communes concernées, la Communauté de Communes Roumois Seine, les deux Départements et HAROPA Port sont les acteurs qui peuvent faire bouger les choses. A condition de se mettre d’accord sur une solution commune et de désigner celui qui mettra le plus d’argent au portefeuille.

Deux solutions sont possibles. La première consisterait à sécuriser les banques en construisant un véritable mur anti-inondation qui réduirait les risques d’inondation. Mais quelle est la hauteur d’un mur ? Et qui s’étend sur combien de kilomètres ? « Actuellement, les ouvrages de protection ne sont pas reconnus comme étant des digues anti-inondations », souligne Damien Thiebault, estimant le coût de construction d’une digue entre Caumont et Mauny à 15 millions d’euros.

Permettre à l’eau de se disperser sur les espaces naturels est une des solutions envisagées pour lutter contre les inondations. ©SF

« Cela fait une trentaine d’années que le Département de Seine-Maritime a construit le mur de Mauny. A l’origine, il a été réalisé pour éviter de ramasser les déchets de la rivière sur la route. C’était aussi une mesure de sécurité pour éviter que les cyclistes et les automobilistes ne tombent à l’eau », explique Charly NoéMoi, le maire de Mauny.

Construire une structure pour lutter contre les inondations semble trop coûteux. S’engager dans un tel investissement pour protéger seulement environ 250 logements entre Caumont et Mauny semble difficilement envisageable. Sans oublier le coût d’entretien de la structure au fil des années.

Et une fois construit, cet ouvrage protégera-t-il réellement les habitations face à la montée du niveau de la Seine liée au réchauffement climatique ?

Damien Thiebault, vice-président de Roumois Seine

En attendant, un projet d’installation de 75 vannes sur le mur est à l’étude pour permettre à l’eau de s’évacuer plus rapidement près de Mauny. « Cela fait vingt ans que je demande des vannes supplémentaires », déplore Charly Noël.

La problématique des inondations concerne également l’autre côté de l’eau et les communes de Sahurs et de Saint-Pierre-de-Manneville. Selon certains témoignages, des travaux de rehaussement entrepris il y a une vingtaine d’années sur les berges auraient accentué les inondations entre Caumont et Bardouville : « J’habite à Mauny depuis 1984. Je me souviens qu’autrefois, lorsqu’il y avait une crue, l’eau s’étendait dans les champs situés en face à Saint-Pierre-de-Manneville. Ce n’est plus le cas aujourd’hui», constate le maire de Mauny.

Créer des zones d’expansion de l’eau

Ne plus retenir l’eau en période d’inondation pour lui permettre de se répandre dans les champs : c’est une option moins coûteuse.

Les murs anti-inondation réduisent localement les débordements. Cependant, en limitant la propagation des eaux, ils font généralement augmenter les niveaux d’eau en période de risque.

Cédric Fisson, chef de projet au GIP Seine-Aval

Le chef de projet au GIP Seine-Aval souligne l’intérêt de réfléchir à « la création de zones d’expansion ce qui permettrait à la crue de la Seine de s’étendre latéralement sur des sites identifiés à faibles enjeux. » En résumé, trouvez des zones inhabitées comme des zones humides ou des prairies pour que l’eau puisse se disperser.

inonde les berges de la Seine
Sur les routes départementales 64 et 93 qui relient La Bouille et Bardouville, plusieurs passages étaient sous l’eau en début de semaine dernière. ©SF

Une solution soutenue par le président de Roumois Seine, Sylvain Bonenfant : « Plutôt que d’inonder les maisons, il faut que l’eau se répande sur les prairies qui s’étendent et redescende en période de décrue. » Pour Cédric Fisson : « Explorer ce type de solutions fondées sur la nature est d’autant plus intéressant qu’elles permettent également d’améliorer le fonctionnement de l’estuaire et d’accompagner sa restauration écologique. »

Avant de conclure : « L’aménagement des zones humides est essentiel pour de nombreux organismes aquatiques et contribue à l’épuration des eaux. »

* Service départemental d’incendie et de secours.

**Groupe d’experts intergouvernemental sur les changements climatiques.

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