Le mot « contenu » est à la culture ce que le surimi est au poisson

Le mot « contenu » est à la culture ce que le surimi est au poisson
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C’est Emma Thompsonl’actrice et scénariste oscarisée pour Retour à Howard Ends Et Raison et sentiments, ce qui résume le mieux la situation : « Entendre parler de « contenu » me donne l’impression d’être comme un coussin sur un coussin de canapé », a-t-elle déclaré dans un discours prononcé à la Royal Television Society, en septembre dernier. Puis, précisant sa pensée, elle ajoute : “C’est un gros mot pour les créatifs car parler de ‘contenu’, c’est comme parler de marc de café versé dans un évier !”

Une réaction instinctive inspirée par l’inflation de l’usage du mot « contenu » (content, en anglais), qui fait désormais partie intégrante de notre vocabulaire et qui est devenu passe-partout pour les industries de la culture et de la communication. Pratique (j’avoue avoir déjà cédé à son utilisation ici), il permet d’éviter bien des périphrases. Quel terme en effet peut qualifier un film, une série, un divertissement, un dessin animé, un débat, un journal télévisé, une émission sportive, un article de presse, une vidéo sur TikTok, un épisode de télé-réalité, un jeu ? vidéo, clip vidéo, chanson, podcast, émission de radio, article de blog, vlog, poste influenceur, brand content… et même la chronique que vous lisez ? Il n’y a pratiquement rien d’autre que « chose » ou « chose » qui soit plus englobant.

Il n’y a rien de gênant à priori utiliser des termes génériques. C’est bien aussi qu’ils existent car s’il fallait tout préciser, la communication deviendrait vite un enfer. Mais aucune généralisation n’est neutre. Et dans ce cas, mettre un film, quel qu’il soit, dans le même sac qu’une vidéo TikTok, une série et un journal télévisé, induit une forme d’équivalence sournoise. Ce que corrobore le choix du terme lui-même : après tout, la vocation, au sens spinozanien, d’un « contenu », consiste uniquement à remplir un « contenant », sans distinction particulière. On pourrait parler de « masse de données » mais ce ne serait pas très différent. Un terme aussi large que celui de « divertissement » pour englober de nombreuses œuvres exprime au moins une certaine mission : celle de divertir.

« Contenu » est devenu le mot fourre-tout pour désigner les industries de la culture et de la communication. Cela permet d’éviter bien des périphrases.

On nous dira que la question est purement sémantique, donc sans importance. Cependant, la fortune d’un mot trahit toujours une certaine réalité : ici, le fait que nous soyons désormais dans une économie de l’attention, où les frontières entre médias traditionnels et numériques n’existent plus et où, de fait, on passe indifféremment du film au cinéma. une chanson, d’un clip télé à un gif.

En même temps, l’usage d’un mot forge à son tour notre perception de la réalité. Ici, le « contenu » est si vague qu’il déprécie le travail de création en le « dé-spécifiant ». Le contenu étant à la culture ce que le surimi est à la pêche : un agrégat de formes diverses, dépourvu de spécificité. Dans le New York TimesJason Bailey souligne à quel point l’usage du terme peut être pernicieux : « c’est une manière pratique de rendre invisible le travail des créateurs et de prétendre que tout cela a été généré sur une chaîne de montage et pourrait donc être produit par n’importe qui. OMS”.

Si tout est interchangeable, il devient facile de laisser l’IA entrer dans le giron et d’en faire une menace pour les créateurs. Car si l’on admet qu’une IA ne peut décemment créer une œuvre artistique, on la voit tout à fait capable de produire du surimi.

 
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