Quel poids a la France dans l’Indo-Pacifique ? – .

Quel poids a la France dans l’Indo-Pacifique ? – .
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La stratégie indo-pacifique française est souvent mal comprise et parfois mal comprise. Dans cette immense région d’importance cruciale, la France est souvent perçue comme une ancienne puissance coloniale amenée à jouer, au mieux, un rôle secondaire.

Il est vrai que la France a eu une longue présence coloniale dans la région, pendant environ trois siècles, de 1674 à 1954, notamment à Madagascar, à Djibouti, à Mayotte, en Inde, en Indochine et dans le Pacifique Sud. En outre, il a également eu recours de manière immodérée à la politique de la canonnière contre le Siam, le Vietnam, la Chine et la Corée. Aujourd’hui, du fait de cette histoire, elle se retrouve en conflit avec Maurice pour l’île de Tromelin, avec les Comores pour Mayotte et les Îles Glorieuses, et avec Madagascar pour les Îles Éparses. Dans l’océan Pacifique, la France est également confrontée à un mouvement indépendantiste en Nouvelle-Calédonie et sa possession de Clipperton a été ouvertement remise en question par le Mexique.

Outre les questions historiques, plusieurs événements survenus plus récemment ont également contribué à cette perception : les essais nucléaires effectués par la France jusqu’en 1995, les scandales liés aux contrats de défense signés avec Taiwan, mais aussi avec l’Arabie Saoudite et le Pakistan au années 1990 et début des années 2000, et plus récemment l’annulation par Canberra du contrat de sous-marins au profit de l’accord AUKUS et l’abandon par l’Australie des contrats de défense avec la France (hélicoptères d’attaque Tigre, hélicoptères de transport NH90).

Par ailleurs, l’appareil sécuritaire régional français a été considérablement réduit, passant de 8 500 à 7 000 hommes au cours des dix dernières années. Sans parler des coupes budgétaires post-crise des subprimes (redoutées LOLF et RGPP) dans la diplomatie française qui ont conduit à une réduction des effectifs dans un certain nombre d’ambassades. Tous ces facteurs ont clairement eu un impact sur l’image de la France dans la région et ont contribué à un avis contrasté parmi l’opinion publique, mais aussi parmi les experts et les autorités politiques et militaires.

Par ailleurs, la stratégie indo-pacifique de la France, publiée en 2019, reste floue pour nombre de nos voisins, partenaires et alliés. La France gagnerait certainement à améliorer sa communication autour de ses initiatives et de ses résultats concrets, pour les faire mieux connaître et apprécier. Une meilleure coopération serait également nécessaire entre ses (trop) nombreuses agences, régulièrement en concurrence les unes avec les autres.

Un pays unique parmi les nations européennes de l’Indo-Pacifique

La France n’est certainement pas le pays le plus puissant opérant dans la région Indo-Pacifique, mais elle n’est ni une petite puissance ni une puissance lointaine dans la région, où sa présence s’est maintenue de manière continue depuis la première moitié du XVIe siècle.e siècle.

Il est également important de noter que même si la France était une puissance coloniale, elle a établi son influence par divers moyens, notamment l’échange d’envoyés diplomatiques et l’établissement d’alliances avec les dirigeants locaux, l’implication directe dans divers conflits, la présence d’érudits jésuites au cour de l’empereur Qianlong en Chine, la construction de forteresses de style Vauban au Siam et au Vietnam ou encore la création d’un arsenal naval moderne à Yokosuka au Japon. Un grand nombre de Français de toutes professions ont également apporté leurs connaissances et leurs compétences aux dirigeants locaux.


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Aujourd’hui encore, la présence de la France dans la zone constitue une singularité majeure puisqu’elle est le seul pays de l’UE à être membre du Conseil de sécurité de l’ONU et à être puissance résidente à la fois dans l’océan Pacifique et dans l’océan Indien, sur un ensemble de de territoires qui représentent 25 810 kilomètres carrés pour une population de près de 2 millions de Français, et 93 % de la zone économique exclusive (ZEE) française, la deuxième plus grande au monde, juste après celle des États-Unis. Ses principales entreprises y sont très présentes, notamment dans le secteur de la défense, où la France occupe le troisième rang des fournisseurs, avec des coopérations fructueuses en cours avec l’Inde, Singapour, la Malaisie et l’Indonésie (peut-être prochainement aux Philippines) et des succès plus anciens en Australie et à Taiwan.

En termes d’influence et de diplomatie, Paris bénéficie d’une position unique avec un ensemble très dense et diversifié d’outils de soft power et de coopération. Il s’agit tout d’abord de son réseau d’ambassades et de consulats, l’un des plus importants au monde ; d’autre part, les écoles et centres culturels français (réseau Alliance française) implantés dans toutes les grandes villes ; troisièmement, ses chambres de commerce et d’industrie qui mettent en relation les entreprises françaises et locales ; quatrièmement, les institutions françaises de coopération internationale telles que l’Agence française de développement (AFD) et Expertise France ; cinquièmement, un réseau de 18 attachés militaires en plus des officiers de liaison dans les centres régionaux de fusion d’informations à Madagascar, New Delhi et Singapour, coordonnant la coopération en matière de défense et maritime et menant la diplomatie militaire. Cet outil diplomatique unique, envié par de nombreux pays européens, permet à la France d’être membre actif des plus importants forums et mécanismes de coopération régionale.

Des moyens limités mais une approche innovante

Pourtant, les observateurs jugent souvent que la France « manque de muscle » dans l’Indo-Pacifique.

Une telle affirmation n’est pas dénuée de fondement. Il est vrai que le nombre de troupes dans la zone a été réduit de 20 % au cours des dix dernières années et que la présence navale a fortement diminué depuis les années 1990, mais de toute façon la France n’a ni l’ambition ni les moyens d’être un acteur majeur. puissance militaire dans l’Indo-Pacifique. Ses partenaires et alliés dans la région n’attendent ni n’exigent qu’il prenne parti dans la rivalité entre les États-Unis et la Chine ou qu’il intervienne entre eux. Forte de son héritage historique d’autonomie stratégique et d’indépendance politique, la France souhaite ouvrir une troisième voie, ni pro-États-Unis ni anti-Chine, qui entre en résonance avec la posture stratégique de non-alignement des « Perspectives sur l’Indo-Pacifique » de ASEAN. A ce titre, Paris privilégie une posture de facilitateur, de bon voisinage et de partenaire de confiance qui promeut l’État de droit et démontre son engagement en faveur de la sécurité régionale et de la liberté des mers.

L’architecture de défense française dans la zone comprend deux commandements sous-régionaux – ALINDIEN pour l’océan Indien et ALPACI pour l’océan Pacifique, en plus des forces de souveraineté positionnées à la Réunion, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie – et suit un axe en forme de « S ». . Cet axe relie le cœur métropolitain à ses territoires d’outre-mer à travers un réseau d’alliés et de partenaires stratégiques dont les Émirats arabes unis, l’Inde, Singapour, l’Indonésie et l’Australie (mais aussi le Vietnam, la Corée du Sud et le Japon). Avec certains d’entre eux, la France a noué un dialogue stratégique de défense innovant, comme les dialogues stratégiques trilatéraux « France-EAU-Inde » et « France-Inde-Australie ».

Cet axe comprend également cinq bases militaires situées à Abu Dhabi, Djibouti, La Réunion, Nouméa et Papeete. Dans ces bases, 7 000 militaires et matériels divers sont positionnés en permanence pour protéger les intérêts de la France. Il convient également de noter que depuis la publication de sa stratégie Indo-Pacifique, la France a considérablement renforcé sa présence dans la région. Cela comprend des déploiements réguliers de moyens navals majeurs tels que son groupement tactique aéronaval, ses sous-marins nucléaires d’attaque et ses porte-hélicoptères. Paris a également mené des « raids aériens », déployant chaque année des avions de combat Rafale, des A330 MRTT et des A400M depuis la France, Djibouti et le porte-avions Charles de Gaulle vers l’Inde, l’Asie du Sud-Est, l’Australie et la Nouvelle-Calédonie – et ce, dans un record. temps, nous permettant de démontrer les capacités de nos derniers équipements et de nous entraîner avec nos alliés.

À la lumière d’une architecture de sécurité américaine de plus en plus forte et d’une présence européenne généralement absente, il a fallu du temps pour que le positionnement unique de la France gagne en visibilité et soit pleinement compris. Certains pays de la région se sont même demandé si la France ne faisait pas, par nature, partie d’un « Occident global » et donc un partenaire de facto du Dialogue quadrilatéral de sécurité (QUAD), mais la perte de l’accord sur les sous-marins avec l’Australie pour la Le bénéfice d’AUKUS a grandement contribué à repositionner la France « sur le radar » de nombreux pays, notamment de l’Asean. Les entreprises françaises occupent désormais la position de troisième exportateur d’armes de la région.

Un pouvoir stabilisateur ?

Sur le plan diplomatique, la France a su établir des relations apaisées avec ses anciennes colonies. Elle a conclu un accord avec le Mexique sur Clipperton en 2007 et a signé un accord-cadre sur l’île Tromelin avec Maurice en 2010. Elle a également renforcé sa présence au sein de l’Asean et est davantage présente dans le Shangri-La Dialogue. D’autres options ont été envisagées pour renforcer son statut, comme l’extension de ses bases, le positionnement d’une flotte permanente et d’un escadron de Rafale, ou encore une européanisation de son architecture de sécurité (même si elle représente 90 % de la présence de l’UE), mais tous sont économiquement ou politiquement sensibles et Paris semble pour l’instant privilégier une modernisation de ses atouts existants.

Plus concrètement, la France s’appuie sur sa vaste expertise maritime pour approfondir ses liens avec toutes les parties intéressées, à travers le concept « d’action de l’État en mer », la conception et la construction de systèmes navals complexes, la création et la préservation d’aires marines protégées, la conduite des opérations de recherche et de sauvetage en mer, la lutte contre la pollution marine, la lutte contre la criminalité maritime et les activités illégales et l’application du droit maritime.

La France est également l’un des pays les plus impliqués dans la lutte contre le changement climatique. Elle a notamment apporté une contribution significative au récent traité international améliorant la protection de la haute mer. La taille de la ZEE française, la connaissance apportée par ses territoires d’outre-mer à travers le monde et la diversité de son domaine maritime placent la France à l’avant-garde des pays pouvant jouer le rôle de nation-cadre dans des domaines variés et de plus en plus cruciaux pour la région : la protection. des biens communs mondiaux ; la résilience au changement climatique ; protection de l’environnement et de la biodiversité; préservation du patrimoine culturel; aide humanitaire et réponse aux catastrophes ; économie bleue ; la sécurité maritime, la gouvernance des océans et la protection des ressources marines ; et renforcer la connectivité.

On le voit, la France ne manque ni d’atouts ni d’initiatives et a véritablement transformé sa politique et sa stratégie dans la région ces dernières années. De nombreux projets ont été lancés et des résultats encourageants ont été observés. Reste désormais à mieux exploiter les fruits de cette approche unique.

 
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