Samara, Shemseddine, Zakaria… « Dire que les jeunes sont devenus des voyous et des barbares n’est pas conforme à la réalité »

Samara, Shemseddine, Zakaria… « Dire que les jeunes sont devenus des voyous et des barbares n’est pas conforme à la réalité »
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LLe 2 avril, Samara, 15 ans, a été battue sur un trottoir à Montpellier, à 100 mètres de son école. Deux jours plus tard, Shemseddine, 15 ans, est battu à Viry-Châtillon (Essonne). Sinistre ironie de l’agenda officiel : le matin même, la ministre de l’Éducation nationale, Nicole Belloubet, était à Bordeaux pour discuter de « sécurisation des établissements » en réaction aux cybermenaces subies par le lycée girondin de Tregey. « Il faut déployer un bouclier protecteur », a-t-elle insisté, quelques jours avant la publication du plan interministériel qui veut déclarer la guerre aux violences scolaires.

Le 10 avril, au lendemain des funérailles du jeune Shemseddine et à la veille d’une marche blanche en sa mémoire, la liste noire s’allonge encore : cette fois, le drame s’est produit à Romans-sur-Isère (Drôme). Mortel. Zakaria avait 15 ans…

Attention aux confusions

Alors oui, ces trois faits sont exceptionnels. « Attention à la confusion », prévient Bruno Robbes, professeur des sciences de l’éducation à l’université de Cergy-Pontoise (Val-d’Oise). « Il s’agit de violences sociales, juvéniles, dont l’école est le terrain, mais pas l’origine », précise-t-il. Il va plus loin : « À quoi jouent les politiques en prétendant que cette violence extrême se généralise ? Dire que les jeunes sont devenus des voyous et des barbares n’est pas conforme à la réalité et ne reflète pas non plus l’ampleur de ces phénomènes rarissimes. »

Treize plans pour lutter contre les violences…

Cela dit, la violence est entrée à l’école depuis plusieurs décennies et n’en est jamais sortie. « Treize plans de prévention et de contrôle ont été pris par les différents ministres successifs de l’Éducation nationale », détaille le rapport sénatorial en date du 5 mars 2024 au terme de l’enquête parlementaire menée après l’assassinat de Samuel Paty. Tout est dit dans le titre : « L’école de la République attaquée : agir pour éviter de nouveaux drames ». » Selon ce rapport, deux tiers des établissements secondaires ont déclaré au moins un incident grave en 2021-2022 ; 36,9% des enseignants du primaire ont subi des insultes, 10% des menaces et 2% des menaces avec arme… » Dans son baromètre annuel, en 2023, la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) recense « 13,7 incidents graves pour 1 000 lycéens ». étudiants”. Ajoutons au tableau les attaques contre la laïcité, le harcèlement, « la montée du communautarisme » appuie le philosophe Jean-Pierre Bellon… « La structure de la violence à l’école est stable depuis plusieurs années », modère Bruno Robbes.

Une certitude : aucun territoire n’est épargné. A Bordeaux, Éléonore ne dit pas le contraire. Depuis le début de l’année, les « gangs » de garçons sévissent autour de son lycée : attaques en série, racket et happy slapping (agression filmée). Dans un récent courriel, le directeur conseille aux élèves « de ne pas traîner dans l’école, d’y aller en groupe, d’éviter les rues isolées ; et en cas d’attaque, ne résistez pas à l’agresseur, abandonnez vos biens et fuyez. Éléonore est paralysée.

« Les réformes vont aggraver la violence »

Les parents sont également inquiets. Et en colère contre ce « climat scolaire dégradé », par les violences oui, mais aussi par les « annonces répétées, et les réformes qui vont aggraver la situation », explique Corinne Devaux, présidente départementale de la FCPE. “Avec des groupes de niveau, les cas de harcèlement et de violences ne peuvent qu’empirer”, craint-elle. « Les plus faibles seront stigmatisés et démotivés. Pour les meilleurs, la concurrence sera terrible. Et quelle société allons-nous construire avec ces valeurs ? Comment développer la coopération, le respect de l’autre et de la différence ? »

Les relations amoureuses à l’adolescence, sur fond de réseaux sociaux, seraient un terrain propice à la violence

Bruno Robbes est d’accord. L’intrigue de ces drames est liée au fameux vivre ensemble. « À Montpellier et Viry-Châtillon, il s’agit de relations filles-garçons, par le prisme de la possession et de la domination », poursuit-il. Conseiller académique à la sécurité, Francis Hivert le confirme : selon lui, les relations amoureuses à l’adolescence, sur fond de réseaux sociaux, seraient un terreau fertile pour la violence. Une question à laquelle les écoles peuvent néanmoins apporter des réponses, à travers des cours obligatoires d’éducation à la vie affective et sexuelle depuis 2001. Sauf qu’un « quart des établissements n’en ont pas prévu » dénonce le Planning familial.

La faute en est « à la pression des milieux fondamentalistes catholiques et musulmans », dénonce Bruno Robbes. « C’est aussi une véritable attaque contre la laïcité. »

« A ce stade, il nous faut une parole forte, une réponse ferme pour l’école de la République. » Et des enseignants « formés, mieux payés, considérés, renforcés, écoutés pour leur expertise », soutient-il. « Tout le contraire de ce qui se passe. »

 
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