Il nous faut une révolution, réclament le prix Nobel Jacques Dubochet et Mathilde Marendaz

Il nous faut une révolution, réclament le prix Nobel Jacques Dubochet et Mathilde Marendaz
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Jacques a récemment pris la parole devant deux assemblées. Dans les deux cas, le message était à peu près le même. J’ai présenté quelques données solides et simples sur l’état de la vie et le climat. J’ai aussi proposé la solution : il faut tout changer, il faut une révolution, cela ne peut se faire qu’ensemble.

L’une de ces réunions a eu lieu dans la salle communautaire bondée d’un village vaudois. L’âge moyen n’était pas très différent du mien. J’y ai été reçu avec la gentillesse touchante des gens qui me souhaitent bonne chance – merci à eux. Mais j’ai vite compris que le message ne passait pas bien. Le dernier graphique montrant la hausse des températures des océans, ainsi que mon appel à l’action, n’ont guère impressionné l’auditoire. J’ai pris comme un choc la remarque qui me semblait résumer la discussion : « Votre message est sinistre et vous n’avez pas de solution. » Bon sang alors ! Et c’est pourquoi la majorité de nos concitoyens se contentent d’un peu d’action personnelle et suivent docilement l’inaction de nos dirigeants.

La deuxième réunion s’est déroulée devant 250 élèves d’un gymnase vaudois. Même gentillesse, mais ambiance radicalement différente. Attention haletante, yeux pétillants, et, comme je l’ai perçu, réception 5/5 du message « Il faut y aller ». Ils ont compris que c’était leur vie qui était en jeu. Ils veulent le défendre. Ils peuvent. C’est à nous les vieux de les soutenir.

Jacques croit généralement que les jeunes vont changer le monde. Quand il dit que la seule solution est une révolution, je souris : oui, et comment ? Premièrement, en réalisant qu’une minorité s’accroche à la marche néolibérale du monde en nous privant d’un avenir libre, égal, digne et enviable. Les bénéfices de TotalEnergies ont explosé en 2023, l’année la plus chaude jamais enregistrée, alors que près de la moitié des habitants de la planète sont pauvres. Les industries pétrolières, dans les années 1980, ont payé cher les campagnes visant à cacher au public les données sur le réchauffement climatique. En février, alors que la bande de Gaza était décimée par une terrifiante vague génocidaire, 1 000 jets privés décollaient du Super Bowl de Las Vegas. Nous ne sommes pas égaux face au désastre. Mais « les tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux ».

La révolution commencera par soutenir matériellement ceux qui changent le monde. Il s’agira d’une alliance étroite entre l’engagement parlementaire et la mobilisation des droits populaires résolument radicale – car à la hauteur des enjeux – et la participation à de larges mouvements sociaux. En 2019, preuve que l’activisme fonctionne, les marches pour le climat ont réussi à réduire les investissements fossiles des banques suisses ! Et l’arrêt qui sera rendu ce 9 avril par la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme suite à la plainte des Sages pour le Climat s’annonce déjà historique.

Le changement viendra aussi des luttes spatiales et locales, aux quatre coins des quartiers et des villages, comme à Vufflens et sur Mormont contre les gravières polluantes d’Holcim et d’Orllati SA, ou contre les 177 canons à neige à Leysin. Ce tournant passera par la justice et l’égalité : la solidarité internationale sera notre boussole, tout comme la lutte contre le repli identitaire et le racisme systémique, en soutien par exemple aux familles de Lamine Fatty, Roger Nzoy et Mike Ben Peter, tués par des policiers en La Suisse, comme l’a rappelé une table ronde au Festival du Film et Forum International sur les Droits de l’Homme à Genève. Nous avons entendu la grande Angela Davis dire que l’espoir est une discipline ; que le travail des militants est de créer de l’espoir. À nous tous qui avons le pouvoir de lui donner vie.

 
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