Jean Vignalou, le médecin personnel béarnais de Georges Pompidou qui a constaté sa mort il y a 50 ans

jeIl y a cinquante ans, presque jour pour jour, l’Élysée publiait un communiqué laconique. « Le Président de la République est décédé le 2 avril 1974 à 21 heures » Ces quelques mots publiés le même jour à 22h05 étaient signés du « Professeur Vignalou », médecin personnel du président. Un Béarnais de Paris dont la famille est originaire de la vallée d’Ossau. L’information a été interrompue deux minutes avant 22 heures par une dépêche tout aussi bavarde de l’AFP : « Pompidou est mort ».

Une semi-surprise pour les Français qui avaient constaté la dégradation visible de l’état de santé du président au cours des deux années précédentes. Le visage de Georges Pompidou avait enflé sous l’effet de la cortisone destinée à contrer l’avancée de la maladie de Waldenström, une forme de cancer du sang. Les observateurs commencent à se demander quand Georges Pompidou n’a fait qu’une simple apparition pour le sapin de Noël de 1972 à l’Élysée. L’Auvergnat s’est excusé d’être “une petite grippe”.

Par la suite, les services présidentiels ont reconnu à plusieurs reprises une « grippe » mais n’ont jamais évoqué l’hémorragie alarmante du chef de l’Etat. Le 7 février 1974, le médecin personnel de Georges Pompidou, Jean Vignalou, est contraint de signer pour la première fois dans l’histoire de V.e République une déclaration officielle sur la santé du Président. Il a évoqué une « maladie grippale ».


Jean Vignalou, professeur de médecine, avait été le médecin personnel de Georges Pompidou avant de devenir un professeur réputé de gériatrie.

Famille Vignalou

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L’appel téléphonique de Balladur

La maladie s’est accélérée en mars 1974 et le médecin a dû être plus verbeux. Deux jours avant sa mort, alors que Georges Pompidou souffrait du martyre dans son appartement de l’Île Saint-Louis, Jean Vignalou tentait de sauver les meubles : « Le président de la République souffre actuellement d’une lésion bénigne d’origine vasculaire située au niveau recto-anal. région et hyperalgésique par intermittence. Quarante-huit heures plus tard, le président décédait.

« Le soir de la mort de Pompidou, mon père n’est pas rentré chez lui de peur d’avoir des journalistes au pied de son immeuble », raconte Laurent Vignalou, également médecin. Il est venu chez moi et s’est endormi. J’ai reçu un appel de Balladur [alors Secrétaire général de l’Élysée, NDLR] qui indiquait simplement « Tu diras à ton père que le communiqué est paru ».

« J’ai reçu un appel de Balladur qui m’a simplement dit ‘Tu diras à ton père que le communiqué a été publié’ »

Jean Vignalou sortait d’une machine à laver dans laquelle il était entré cinq ans plus tôt sur les conseils d’Alain Pompidou, le fils médecin du président. « En 1974, il était fatigué car il avait passé de nombreux mois à assumer cette responsabilité très importante d’accompagner un président malade. Il s’était rendu plusieurs fois dans la propriété de Pompidou à Orvilliers [dans les Yvelines, NDLR]. Ils entretenaient une relation plus que médicale, je dirais affectueuse. »


Le président Georges Pompidou et sa délégation visitent la Cité interdite avec le Premier ministre Zhou Enlai (à gauche), en septembre 1973.

AFP

Le secret professionnel

Malgré ce patient prestigieux, le médecin ne s’était pas vanté auprès de la famille. « J’ai découvert qu’il était le médecin du président tout à fait par hasard, en le voyant sur une photo d’un repas officiel Pompidou en Chine ! Il y avait mon père derrière la même table que le Premier ministre Zhu Enlai et Georges Pompidou ! »

Alors âgé d’une vingtaine d’années, Laurent Vignalou bombardait son père de questions trop curieuses. « Il était extrêmement discret. » Ses communications médicales, largement édulcorées, le montrent clairement. Les rares violations de ce secret professionnel bien gardé étaient des événements réels. « Un jour, j’ai moi-même reçu un appel téléphonique de Georges Pompidou, qui me demandait si mon père était là. Je l’ai également accompagné une ou deux fois en voiture à l’Élysée. Il s’est garé dans la cour et j’ai attendu dans la voiture, comme n’importe quel autre conducteur. »

Georges Pompidou lors d'un discours télévisé.


Georges Pompidou lors d’un discours télévisé.

AFP

Jean Vignalou n’était pas plus extraverti avec ses amis. Fidèle membre de la Garbure, le cercle des Béarnais à Paris, il ne s’est pas fait remarquer par ses confidences. « Je l’ai rencontré lorsque j’ai rejoint la Garbure en décembre 1973, se souvient Pierre Saubot, l’actuel président de l’association. C’était trois mois avant la mort de Pompidou. Lorsque nous l’avons interrogé, il a simplement dit que son entourage était très inquiet mais sans en dire plus. »

Légion d’honneur aux Biellois

Devenu un grand spécialiste des patients en fin de vie, l’ancien endocrinologue fut le premier titulaire de la chaire de gériatrie. Son action a été reprise dans toute la France, ce qui a valu à son nom d’être donné à plusieurs centres d’accueil pour personnes âgées. C’est notamment le cas à Pau où peu de gens connaissent le parcours exceptionnel du médecin pompidolien.

Le centre Jean-Vignalou, unité de soins de longue durée à proximité de l'hôpital de Pau.


Le centre Jean-Vignalou, unité de soins de longue durée à proximité de l’hôpital de Pau.

David Le Déodic

« Il fallait le cuisiner un peu pour connaître ses mérites », se souvient Pierre Saubot. Il était très Béarnais en ce sens. Nous aimons être reconnus lorsque les gens le savent mais nous ne le disons pas publiquement ! » Le patron du Domaine du Cinquau, à Artiguelouve, se souvient d’une « intelligence très forte » et d’une « grande stature professionnelle ». « Mais dans le contexte de la Garbure, c’était facile d’accès et très simple. On pouvait dire qu’il était heureux d’être là. »

Peut-être parce qu’il avait toujours un pincement au cœur. « Mon père aimait le Béarn, il regrettait presque d’être parisien », confie Christian Vignalou, l’autre fils du médecin Pompidou. Il y passait de nombreuses vacances. La famille était originaire de la vallée d’Ossau. Notre grand-père, Alphonse, avait été médecin à Laruns avant de venir à Paris. Et notre arrière-grand-père, Victor, était professeur à Bielle. »

Le père de Jean Vignalou, Alphonse Vignalou, est né à Bielle en 1859. Il est fait chevalier de la Légion d'honneur en 1921.


Le père de Jean Vignalou, Alphonse Vignalou, est né à Bielle en 1859. Il est fait chevalier de la Légion d’honneur en 1921.

Archives nationales/Léonore

Alphonse est né à Bielle en 1859 du couple formé par Victor Vignalou, professeur résidant à Mifaget, et Amélie Saupiquet. Il donne naissance à Jean, à Paris, en 1910. Il est fait chevalier de la Légion en 1921 pour avoir assuré continuellement son service de médecin traitant dans les hôpitaux dédiés aux blessés de guerre. Son fils Jean, futur médecin présidentiel, avait alors onze ans. Le document a été paraphé par le ministre des Travaux publics « au nom du président de la République ». Peut-être que cette décoration aura inspiré un destin.

 
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