EEntre légitime défense et intention de tuer, la cour d’assises de la Gironde a tranché, condamnant Benoît Bosch à vingt ans de réclusion criminelle dont deux tiers de sûreté pour le meurtre d’un trentenaire, le 9 septembre 2020 à Floirac. Considéré comme un récidiviste au vu d’une « condamnation familiale » datant de 2015 – son père délinquant et sa mère étaient impliqués –, l’accusé encourait la perpétuité.
Le verdict rendu ce vendredi 5 avril est fidèle aux réquisitions du procureur général Jean-Luc Gadaud. Le magistrat rappelle en préambule le contexte des faits « sinistres », « affligeants », « catalysés par la coke et l’alcool ». Ce soir-là, Hamdi Sellami – qui n’est pas la victime idéale avec son mode de vie délinquant – et Skander Sghaier avaient par hasard rencontré Benoît Bosch, invité à prolonger la soirée chez ce dernier.
Benoît Bosch assure que sa carte et son code lui ont été extorqués et que, pendant l’absence de Skander Sghaier parti le braquer au distributeur, il avait été tenu en échec par un couteau brandi par Hamdi Sghaier. Lorsqu’il a repris le contrôle de la situation, il a subi deux coups de couteau mortels à la poitrine et à la gorge.
“Si nous tuons quelqu’un en légitime défense, c’est un acte volontaire et si l’action est involontaire, cela ne peut pas être de la légitime défense”
Pas un adversaire dangereux
Jean-Luc Gadaud écarte cette « cause d’exonération de responsabilité » qu’est la légitime défense. Parce qu’il répond à des conditions, cumulatives, qu’on ne retrouve pas dans le dossier. Il constate ainsi une disproportion entre la menace d’une arme blanche et les coups de couteau. « Ivre et drogué, Hamdi Sellami n’était pas un adversaire dangereux. Il suffisait de le désarmer, sans utiliser le couteau. »
« Si vous tuez quelqu’un en légitime défense, c’est un acte volontaire et si l’action est involontaire, cela ne peut pas être de la légitime défense. Surtout avec deux coups dans des zones vitales», conclut le magistrat. Les bras croisés, assis au fond de son siège dans le box, la mâchoire serrée pour contenir ses murmures, Benoît Bosch scrute la salle d’audience.
“On a oublié le portable”
Ses avocats, Msont Guéric Brouillou-Laporte et Dominique Laplagne ont tenté en vain de semer le doute afin d’obtenir un acquittement. Le premier isole les détails et parle du téléphone de Benoît Bosch, peut-être tombé dans le bus, peut-être volé par Hamdi Sellami, collé sur lui pendant le trajet. L’avocat ramène le tribunal à l’appartement où les événements se sont produits. Sur le balcon justement.
« Si proche que c’est comme une mêlée qui impacte les choix qui ont été faits, où le rapport dominant/dominé est alternatif. » Il se demande pourquoi Skander Sghaier semble cacher qu’il conduisait avec des connaissances lorsqu’il a été arrêté. Des complices d’extorsion ?
“Il est mal né, il a mal grandi, mais c’est comme si, à cause de sa filiation, il avait perdu le droit d’être cru”
Submergé par l’émotion, Me Brouillou-Laporte veut rendre recevable la version de son client et refuse que Benoît Bosch soit réduit au passé carcéral de son père. « Il est mal né, il a mal grandi, mais c’est comme si, à cause de sa filiation, il avait perdu le droit d’être cru. »
Me Dominique Laplagne pose les forces en présence ce soir-là. Benoît Bosch, dont on n’a pas parlé en 2020. « A cette époque, son addiction à l’alcool persistait », mais pas son parcours de délinquant. « En revanche, les profils ne sont pas au-dessus de tout soupçon. » Menaces, chantage pour l’un, bruit et bagarres dans l’appartement du second. « Trois dans le mois. Cela signifie que potentiellement la même chose s’est produite auparavant. Et nous ne faisons rien de tout cela ? » s’étonne l’avocat.
“Et puis on a oublié le portable”, raconte M.e Laplagne pour preuve que l’extorsion ne s’imagine pas. Pour lui, il n’est « pas exagéré » d’imaginer que les coups ont été portés sans intention de provoquer la mort mais pour « sauver sa peau ». « S’il n’avait pas été attaqué par Hamdi Sellami, il n’aurait pas eu autant de blessures de défense sur son corps. » Le tribunal a mis plus de quatre heures à délibérer.
“Sa responsabilité morale est forte”
Il n’y a aucune faute lorsque le président lui demande de se décrire. Il oublie les quelques condamnations figurant à son casier judiciaire, notamment celle pour violences conjugales. Soit. Mais l’extorsion armée, jamais. Skander Sghaier a toujours nié les faits qui lui étaient reprochés, assurant que Benoît Bosch, qui n’avait jusqu’alors rien payé, lui avait volontairement donné sa carte bancaire et son code, afin de réapprovisionner le trio en cigarettes et drogue en retirant 100 euros. “En raison de ce style de vie, sa responsabilité morale est forte, mais cela ne fait pas de lui le coupable criminel”, a déclaré le procureur général, qui a demandé l’acquittement. “Sa situation est unique dans cette affaire, c’est un peu comme le deuxième volet de l’affaire”, constate son avocat, M.e Patrice Gonnord. Il plaide et obtient l’acquittement. « Non pas parce qu’il y a le moindre doute, mais parce qu’il n’y a pas d’extorsion, surtout pour retirer une modeste somme, c’est improbable. »