« La psychothérapie peut-elle faire plus de mal que de bien ? – .

« La psychothérapie peut-elle faire plus de mal que de bien ? – .
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Temps de lecture : 4 minutes

Cher mardi noir,

Je me demandais si la psychothérapie pouvait faire plus de mal que de bien. Est-ce fait pour tout le monde, est-ce qu’on en grandit forcément ?

MERCI,

Émilie

Chère Émilie,

Il y a plusieurs questions dans votre question et j’ai probablement besoin de clarifier le principe. Depuis plusieurs années, j’entends fréquemment des personnalités publiques – qui n’ont pas toujours de lien avec la psychologie ou la psychanalyse, peut-être pour avoir été elles-mêmes patients – affirmer avec une immense assurance que chacun devrait consulter un psychologue. Comme si cela faisait partie du forfait santé global, comme si vous alliez faire entretenir votre voiture.

Après tout, on va chez le dentiste une à deux fois par an pour les plus scrupuleux, il y a la médecine préventive, on vérifie nos constantes, nos niveaux de trucs et gadgets dans le sang, on fait une mammo, un frottis pour éviter de découvrir un maladie déjà trop bien installée. Alors, pour le psychisme, qu’est-ce qui nous empêcherait de faire de même ?

Ce raisonnement me semble complètement hors de propos. Je vois la bienveillance de la démarche, la volonté de faire de la prévention, et aussi un écueil, celui de confondre le cerveau et le psychisme. C’est à dire que dans le cadre d’une psychothérapie ou d’une psychanalyse, on ne corrige pas les petits bugs cérébraux, même si bon nombre de patients parlent de leur cerveau lorsqu’ils ont de l’anxiété, comme s’il y avait un dysfonctionnement. Mais, au fond, je sais qu’ils n’attendent pas de traitement miracle : ici, l’emploi du terme cerveau est presque devenu synonyme d’inconscient, ou d’une phrase comme : “Qu’est-ce qui ne va pas chez moi?”

Revenir à cette idée quasi-préventive de prescrire une psychothérapie à tous, c’est ignorer la dimension d’après-fait, irréductible à la moindre action préventive. Ces gens qui prônent la thérapie pour tous et qui peuvent à l’occasion revendiquer “J’aurais dû y aller plus tôt.” je n’y suis pas allé plus tôt ! Que pouvons-nous dire de quelque chose qui ne s’est pas produit pour nous ?

Dans le corps, il y a des choses objectivables, qui ne nécessitent pas de parole. Si je vais me faire tester au papillomavirus, c’est que ce virus ne me concerne pas, c’est un élément extérieur. Je n’éprouve pas en moi le besoin de tester et, d’ailleurs, à part me soumettre à l’examen pendant cinq minutes, auquel je ne participe pas beaucoup, je n’y suis pas. C’est le médecin qui réalise l’action de prélever des échantillons, c’est un biologiste qui réalise l’action d’analyser. Pour ma part, je n’ai qu’à lire les résultats et en effet, en fonction d’eux, soit je suis soulagé, soit je décide de me soigner. Parce que le cancer du col de l’utérus (ce qui est probable) ne peut pas être guéri tout seul.

Maintenant transposons. Imaginons quelqu’un qui vient chez le psychologue pour dire : “Je n’ai pas tellement de problèmes, quelques soucis parfois, un peu d’anxiété, je viens parce que tout le monde dit que c’est super de faire de la psychothérapie, je vois que ça a vraiment aidé untel alors je me dis que ça pourrait être intéressant .»

D’ACCORD. Pourquoi pas? Cela me semble une légère raison, mais admettons-le. Soit la personne vient régulièrement et en fait, il y a probablement autre chose qui la pousse à venir, soit elle part assez vite. Parce que, et je l’ai déjà dit à plusieurs reprises, cela nous coûte à tous les niveaux de parler. Même quand on sait pourquoi on va consulter un psychologue, quand on connaît le bénéfice qu’on y trouve, il y a des moments où cet exercice de prise de parole n’est pas évident.

Il n’est vraiment pas interdit de s’écouter, de s’autoriser à changer, d’aller voir un autre psychologue ou d’arrêter carrément la psychothérapie.

Maintenant, sur votre première question : « Est-ce que cela pourrait faire plus de mal que de bien ? Difficile de répondre à cela. Je dirais, et cela rejoint ce que je viens d’écrire, qu’il faut voir la thérapie comme un besoin, du moins au début. Cela peut très vite se transformer en envie d’y aller, justement parce qu’on en voit les bénéfices. Mais le besoin, au fond, c’est l’idée que même si les choses ne vont pas mieux, elles ne seraient pas meilleures, voire peut-être pires, sans ce soutien. C’est une question de croyance, bien sûr, mais cela permet de ne pas abandonner complètement.

Sur la psychothérapie, en tant que telle, qui produirait des effets néfastes, deux choses : elle est peut-être transitoire, on vient parce que ça ne va pas, et le fait de lever le voile sur certains problèmes peut être douloureux et produire des effets pires qu’au départ. . C’est aussi parce que les défenses cèdent, et cela peut paraître paradoxal dit comme ça, mais ce n’est vraiment pas le moment de lâcher le travail en cours.

La deuxième chose, c’est un mot du psychologue qui peut être mal interprété, mal reçu, ce qui va produire de l’incompréhension voire un mal-être. Il m’est déjà arrivé, en tant qu’analysante, de dire à ma thérapeute que ce qu’elle avait dit la fois précédente m’avait profondément marqué, de lui dire comment je l’avais interprété. Voir qu’elle n’avait aucun mal à me dire que l’idée n’était pas de me miner, et que ce n’était certainement pas le but de la psychanalyse de me miner, m’a profondément soulagé.

Alors, il n’est vraiment pas interdit de s’écouter, de s’autoriser à changer, d’aller voir un autre psychologue ou d’arrêter complètement la psychothérapie. Au mieux, cela peut sortir d’une impasse, au pire, on se rend compte que là n’était pas le problème et ces nouvelles connaissances permettent de nouvelles pistes.

 
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