Les résultats 2023 d’Airbus ont confirmé la très mauvaise situation des deux constructeurs de satellites en France, en l’occurrence Space Systems, hébergés au sein d’Airbus Defence and Space (Airbus DS). Ainsi, le résultat opérationnel d’Airbus DS a chuté de 40% en 2023, à 229 millions d’euros, diminué d’une charge de 600 millions d’euros dans l’activité spatiale. Cette charge correspond à la révision des devis à l’issue de certains programmes satellitaires, principalement ceux de la gamme OneSat, satellites de télécommunications géostationnaires sur lesquels Airbus a rencontré de nombreuses difficultés de développement dues à des technologies pas suffisamment matures (satellites reconfigurables Software Defined). Cela a entraîné des retards de livraison, donc des coûts supplémentaires, et finalement des provisions dans les comptes 2023.
L’écart inquiétant des constructeurs français de satellites (1/2)
“Nous avions des hypothèses trop optimistes” sur les coûts de développement de ces programmes à long terme et leurs perspectives commerciales, a reconnu Guillaume Faury jeudi lors de la présentation des résultats d’Airbus. “C’est aussi le prix à payer pour ces nouvelles technologies très innovantes et donc un risque.”
Mêmes sanctions pour Thales Alenia Space (TAS) avec sa nouvelle gamme de satellites de télécommunications « Space Inspire », sur laquelle le groupe a également rencontré des difficultés de développement dues aux technologies déployées ayant niveaux de maturité technologique (TRL) trop faible. Thales Alenia Space espère industrialiser cette gamme de produits dans le courant de l’année, probablement en fin d’année. « Les difficultés de développement sont derrière nous », a assuré TAS à la Tribune. Mais selon d’autres sources, la livraison du « Space Inspire » pourrait entraîner des retards de deux ans et… des pénalités.
Une assiette de coûts à revoir
Soumis à la très forte concurrence de Starlink et des opérateurs de nouvelles constellations, les opérateurs de satellites traditionnels sont actuellement dans une phase d’attentisme. Ainsi, en 2023, les commandes sur le marché libre des satellites géostationnaires étaient ridiculement faibles (trois satellites, plus sept microsatellites géostationnaires pour lesquels ni Thales ni Airbus ne sont en mesure de présenter une offre compétitive). Cela a obligé les deux Français à réagir très vite pour ne pas se laisser décevoir et à se lancer dans des solutions très innovantes comportant un certain nombre de risques (satellites Software Defined).
« Je dis vraiment à mes collègues qu’il n’y a rien de mal à prendre des risques. Il faut prendre des risques pour innover. Mais il faut aussi comprendre très précisément et plus précisément ce que coûteront le développement ainsi que la mise en service et la montée en puissance des programmes. Ce que nous avons dans nos livres doit mieux refléter à l’avenir nos évaluations du coût de ces programmes », a expliqué Guillaume Faury.
Ainsi, Airbus et Thales ont réalisé de lourds investissements dans le développement de technologies immatures pour leur nouvelle gamme de produits (OneSat, Space Inspire). Avec des retards au démarrage. Quoi qu’il en soit, ils doivent revoir leur base de coûts. Il est donc fort probable que les prix de ces satellites augmentent sensiblement. Certains observateurs avertis estiment que les prix pourraient peut-être doubler, passant d’environ 150 millions à 300 millions d’euros. Cela change beaucoup la donne dans les business plans des opérateurs. Et les deux constructeurs, qui misent sur l’obtention de gros volumes, pourraient à nouveau déchanter. Avoir…