– Un bandit a tué un policier il y a 40 ans
Deux évadés de Bochuz, une course-poursuite folle, des coups de feu, un mort et un blessé. Le 17 janvier 1984, la ville ressemblait à Chicago.
Publié aujourd’hui à 7h01
« Ne soyez pas idiot… vous êtes encerclé… rendez-vous ! » Le 17 janvier 1984, l’inspecteur Jean-Jacques Voegelin s’avance, non armé, les bras levés, vers le bandit qui retenait deux otages à distance à l’aérodrome de la Blécherette. Rapidement pourtant, à dix mètres, Jerónimo Arnay-Avilès tire. Touché au ventre, l’inspecteur s’est effondré.
« Mon copain est devenu fou ! »
Manuel Canelo-Ramos, complice de Jerónimo Arnay-Avilès
D’interminables minutes s’écoulent pendant lesquelles Arnay-Avilès refuse de laisser approcher une ambulance, réclamant d’abord un hélicoptère. Il a traîné le corps de l’inspecteur vers le hangar et lui a de nouveau tiré une balle dans la nuque. « Mon copain est devenu fou ! » clamera, en se rendant, son complice, Manuel Canelo-Ramos.
Tout a commencé aux Etablissements de la Plaine d’Orbe, où les deux malfaiteurs purgeaient de lourdes peines de prison. A 9h20, pendant la récréation, ils ont fait irruption dans une pièce où se trouvaient cinq gardes. Sous la menace des armes, ces derniers sont ligotés.
Arnay-Avilès et Canelo-Ramos prennent alors en otage un autre gardien, François Wagnière. Puis, à la porte d’entrée du pénitencier, un représentant qui se trouve là, Gunther Kurras. C’est avec sa voiture qu’ils ont pris la fuite vers Lausanne, Canelo-Ramos ayant pris le volant et Arnay-Avilès menaçant les otages avec son revolver.
L’action courageuse de l’agent
L’alerte générale est donnée à 9h41. La voiture est prise en chasse par les policiers qui tirent. Une balle transperce le char. Près de Blécherette, un barrage a été établi. Bloqués, les bandits pénètrent alors dans l’aérodrome, abandonnent le véhicule et se dirigent avec leurs otages vers un hangar. L’un des mécaniciens qui y travaille est à son tour pris en otage. Trente-cinq gendarmes encercleront les lieux, dont des tireurs embusqués.
Dans sa voiture, Jean-Jacques Voegelin a entendu l’information sur l’évasion. Il connaît Arnay-Avilès pour l’avoir intercepté à une autre occasion. Misant sur cette relation, il pense pouvoir lui faire entendre raison. Cette action courageuse, entreprise de sa propre initiative, lui sera fatale. Celui que ses camarades appelaient « le gentleman », un homme de 48 ans « calme, réfléchi, dévoué », était père de trois enfants. «Son assassinat a été un choc terrible pour sa famille, mais aussi pour tous ses collègues», témoigne aujourd’hui Gilbert Monachon, ancien chef de la brigade des stupéfiants de la police judiciaire lausannoise, inspecteur au moment des faits.
Revolver au temple
Après l’assassinat de l’inspecteur, le mécanicien otage parvient à se libérer. Canelo-Ramos exprime son intention de se rendre. Il quitte le hangar avec le garde Wagnière. Il est maîtrisé par la police. L’arme qu’il avait en quittant Bochuz, un vieux revolver sans crosse, il l’avait laissé dans la voiture. Arnay-Avilès avait conservé son 7,65.
Lorsqu’il quitte à son tour le hangar, Arnay-Avilès tient Gunther Kurras devant lui, le pistolet pointé sur la tempe. L’un des gendarmes tire sur le bandit et le blesse à la tête. Au même instant, un coup de feu partit de l’arme d’Arnay-Avilès et toucha superficiellement Gunther Kurras au crâne. Les deux hommes, au sol, semi-inconscients, peuvent alors être évacués vers l’hôpital. La blessure d’Arnay s’est avérée peu grave. Il récupérera rapidement.
Rien à perdre
Jeronimo Arnay-Avilès, un ressortissant espagnol de 43 ans, avait déjà un lourd casier judiciaire. En Espagne, ses condamnations totalisent plus de 100 ans de prison. Mais en 1975, à la mort de Franco, il fut amnistié. A Genève en 1976, une attaque armée lui vaut 5 ans de prison qu’il purge à Bochuz. Fin 1978, il ne revient pas de congé et, en février 1979, il commet un vol chez l’armurier Forney à Lausanne. Il a été arrêté le même jour au commissariat, dans des circonstances mouvementées. Il utilise une de ses armes à feu.
Lors de son procès en 1980, Arnay-Aviles s’est décrit comme quelqu’un qui n’avait plus rien à perdre et qui cherchait à mourir sous les tirs de la police. Cette affaire lausannoise lui vaut une première peine de 12 ans de prison. En 1985, après le massacre de la Blécherette, le tribunal de Lausanne condamne Jérôme Arnay-Aviles à la réclusion à perpétuité.
Manuel Canelo-Ramos, également espagnol, 38 ans, n’est arrivé en Suisse que dans le cadre d’une demande d’extradition suisse. Il était impliqué dans un trafic d’héroïne dont les principaux auteurs avaient été arrêtés sur l’autoroute Genève – Lausanne. Il a été condamné le 15 novembre 1983 à 10 ans de prison. Pour le massacre de Lausanne, il a écopé de cinq ans de prison, alors que le procureur n’en demandait que trois.
Collaboration : Raymond Esatoglu et Anne-Marie Jaquier, bibliothécaires
Claude Béda est journaliste au journal vaudois de 24 heures. Passionné par les questions de société et la vie des gens d’ici, il a couvert plusieurs régions du canton, avant de rejoindre la rédaction de Lausanne. Plus d’informations
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