“Echecs” à la prison d’Arles, “indulgence” envers l’agresseur… Ce qu’il faut retenir du rapport d’enquête parlementaire sur la mort d’Yvan Colonna

“Echecs” à la prison d’Arles, “indulgence” envers l’agresseur… Ce qu’il faut retenir du rapport d’enquête parlementaire sur la mort d’Yvan Colonna
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Le rapport établit notamment un parallèle entre la « sévérité » du traitement carcéral infligé à Yvan Colonna et les négligences de la maison centrale d’Arles dont a bénéficié son agresseur, Franck Elong Abé, ancien combattant du djihad en Afghanistan.

Une série de “dysfonctionnements” et de “fautes graves”. La commission d’enquête parlementaire chargée d’enquêter sur l’agression mortelle d’Yvan Colonna a publié, mardi 30 mai, un rapport sévère à destination de l’administration pénitentiaire. Le rapporteur Laurent Marcangeli (député Horizons de Corse-du-Sud) et le président de la commission, Jean-Félix Acquaviva (député Liot de Haute-Corse) ont souhaité « faire la lumière sur tous les mécanismes qui ont pu conduire à ce drame ».

Pendant six mois, la commission d’enquête a mené plus d’une trentaine d’auditions et établi divers manquements dans le traitement carcéral de Franck Elong Abé, le détenu radicalisé qui a battu et étranglé Yvan Colonna le 2 mars 2022, alors que ce dernier purgeait une peine de prison à perpétuité. pour l’assassinat du préfet Claude Erignac en 1998.

Les deux hommes, incarcérés à la maison centrale d’Arles (Bouches-du-Rhône) au moment des faits, étaient sous le régime du statut des détenus particulièrement signalés (DPS), qui s’applique aux détenus selon leur niveau de dangerosité. ou le risque d’évasion qu’ils présentent. “Il n’y a que 225 DPS en France sur 70 000 détenus”, précise le rapport. Pourtant, le traitement carcéral de Franck Elong Abé et Yvan Colonna révèle une « différence de traitement indéniable » entre les deux hommes.

« Une gestion erratique, voire permissive » par Franck Elong Abé

Le rapport rappelle en effet le profil “dangereux, violent et instable” par Franck Elong Abé, un ancien djihadiste de 36 ans en Afghanistan, et classé TIS (pour “Terroriste islamique”). Il dénonce “une mauvaise appréciation de la dangerosité de l’agresseur” qui a bénéficié d’un “‘clémence’ à ce stade encore inexpliquée”le rapporteur est surpris.

En effet, avant son affectation à la maison centrale d’Arles en 2019, l’homme, incarcéré en 2014, est passé par “cinq établissements en cinq ans”. Son parcours, qui s’est déroulé principalement dans un quartier d’isolement, a été “rythmé par des tentatives de suicide et des incidents, souvent d’une extrême gravité”. Parmi ces actes de violence, on retrouve l’agression d’un interne dans l’unité hospitalière spécialement équipée du centre pénitentiaire de Lille-Loos-Sequedin en février 2015. “Avec une arme artisanale”il l’avait entourée et menacée en déclarant : “Je te préviens : si tu essaies d’appuyer sur ton bip de sécurité, tu n’auras pas assez de temps avant que je te fasse enfoncer cette pioche dans la gorge.”

Cependant, cette dangerosité manifeste ne l’a jamais conduit à être affecté à un district d’évaluation de la radicalité, malgré “huit demandes d’évaluation sur la période 2016-2022”. Ces unités hautement sécurisées, créées en 2016, permettent d’évaluer les détenus radicalisés pour déterminer quelle prise en charge pénitentiaire serait la mieux adaptée à leur profil.

Pire encore, aux yeux des auteurs, Franck Elong Abé se trouvait placé « en détention ordinaire et dans les services généraux » à son arrivée à la maison centrale d’Arles. A partir de septembre 2021, il a en effet été autorisé à exercer comme « en tant qu’aide au nettoyage des salles de sport de l’immeuble“. Une situation “extraordinaire”, déplore le signalement : il était le seul détenu en France ayant à la fois le statut DPS et TIS à travailler au “service général”, permettant une autonomie de mouvement au sein de la maison d’arrêt.

Cette décision apparaît d’autant plus “incompréhensible”, vu le sérieux “troubles psychiatriques” présenté par Franck Elong Abé. En particulier, on lui avait diagnostiqué une schizophrénie, ce qui le rendait d’autant plus susceptible de passer à l’acte.

Les soins “sans indulgence” d’Yvan Colonna

Les auteurs du rapport estiment que ce cours “contraste flagrant” avec celle d’Yvan Colonna, qui a subi une “une gestion particulièrement stricte de la détention”, alors que le militant indépendantiste n’avait causé aucun “incident réel depuis dix-neuf ans”. En effet, de son arrestation en 2003 jusqu’à sa mort en mars 2022, le militant indépendantiste s’est avéré être un prisonnier « apprécié et respectueux envers le personnel et les autres détenus »souligne le document.

Cependant, le statut DPS lui a été appliqué « pendant toute son incarcération malgré sa dangerosité inexistante», empêchant ainsi son transfert dans une prison corse. Depuis juillet 2014, “plusieurs renvois” des proches ont demandé son transfert au centre de rétention de Borgo (Haute-Corse). Pour justifier leur demande, les avocats d’Yvan Colonna avaient notamment rappelé “qu’il n’a pas vu sa mère depuis quinze ans et le plus jeune de ses fils depuis trois ans.”

Pour les auteurs, Yvan Colonna et les deux autres détenus du « commando Erignac » – Alain Ferrandi et Pierre Alessandri – ont fait l’objet d’une “Gestion ‘spéciale’ et ‘politique'”. Ils critiquent notamment la ligne du parquet national antiterroriste, qui a toujours refusé la levée du statut de DPS à Yvan Colonna, malgré l’analyse “acteurs de terrain” qui s’est assuré de présenter une “faible risque d’évasion” et une “parcours carcéral parfait”.

Sur cet aspect, le rapport formule une recommandation “symbolique” : l’Etat doit s’engager “officiellement” sur le regroupement familial des détenus corses, en réalisant les travaux de sécurisation nécessaires au centre pénitentiaire de Borgo.

Un “défaut de surveillance anormal” à la maison centrale d’Arles

“Si l’établissement n’est pas confronté à la surpopulation carcérale, le profil criminel des détenus de la maison centrale est très lourd”attire l’attention sur le rapport, indiquant que « 88 % des détenus incarcérés à la maison centrale d’Arles ont été condamnés à des peines pénales ». Il regrette que le personnel, bien que très expérimenté, soit en “nombre insuffisant” et face à de nombreux “agressions de détenus”dont une tentative de meurtre de plusieurs agents, survenue en août 2020.

Il faudrait donc renforcer la “sécurité”pour lequel l’établissement d’Arles est “à la cueillette”, selon un superviseur cité. En particulier, le défaut est signalé “non naturel” surveillance, qui a permis à Franck Elong Abé de rester seul pendant plus de dix minutes avec Yvan Colonna. Nous devons également améliorer la “circuit de rétroaction”, « manifestement défectueux » pour les auteurs du texte : la phrase « Je vais le tuer », entendu par un surveillant et possiblement imputable à Franck Elong Abé, ainsi que le changement de son comportement peu avant l’attentat, n’avaient pas été signalés à la hiérarchie.

Par ailleurs, le rapporteur déplore l’utilisation « manifestement défaillant » vidéosurveillance, malgré la présence de “50 caméras” dans le bâtiment A, où a eu lieu l’attaque, faute de personnel pour surveiller les images. Il est également surpris « de la grande confusion du déroulement des faits », regrettant que les explications de la direction et des encadrants « n’apparaissent pas pleinement convaincants ».

Les motivations de l’agresseur en question

De la “zones d’ombre” entourent encore les motivations de l’attentat meurtrier : Franck Elong Abé a justifié son acte en “blasphèmes” d’Yvan Colonna, auquel le président de la commission Jean-Félix Acquaviva dit avoir du mal à croire. “Les agents de l’administration pénitentiaire, dont des membres de la direction, relativisent fortement ou ne croient pas qu’Yvan Colonna ait pu ‘blasphémer'”écrit-il dans l’avant-propos du rapport.

Les rédacteurs du texte considèrent toutefois que la thèse de la préméditation de l’agression est à prendre au sérieux, car l’agresseur semblait être au courant du dysfonctionnement du système de caméras de surveillance au moment de son passage. Cette information “aurait pu être connu de la personne concernée” car l’information circule rapidement dans la maison centrale d’Arles, qualifiée de “village”.

À ce stade, “pas de conjecture” ne peut être écartée quant aux motivations de l’agresseur, y compris celle d’un “Assassinat politique lié au ressentiment, à la ‘haine’ que certaines sphères entretenaient contre les membres du ‘commando Érignac'”, assure Jean-Félix Acquaviva. Le député de Haute-Corse évoque notamment la “thèse de l’action ‘barbouze'” que beaucoup de Corses “ne pas exclure”et espère que l’enquête judiciaire toujours en cours étudiera “toutes hypothèses”.

 
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