Vous ne le savez peut-être pas, mais il y a un mot pour cette étrange habitude d’acheter des livres que nous ne lirons jamais. Les accros à l’achat compulsif littéraire l’appellent “tsundoku”. Ce concept, considéré comme un véritable syndrome, est un terme japonais consistant à mélanger les mots « tsunde-oku » qui signifie accumuler des choses pour les utiliser plus tard et « doku-sho » qui signifie livres. Apparu au XIXe siècle, il désignait auparavant l’habitude de la bourgeoisie japonaise qui, pour créer “légitimité intellectuelle” comme le souligne Khalil Mouna, a acheté des livres pour se distinguer des classes plus modestes.
Un vrai syndrome
Depuis quelques années, on assiste au retour de ce terme qui désigne aujourd’hui les personnes qui achètent compulsivement des livres sans les lire. Appelé aussi « le syndrome de la pile de lecture », il touche de nombreux lecteurs selon l’application de lecture Gleeph. Selon ses fondateurs, des milliers de lectrices ont plus de 100 livres non lus dans leur bibliothèque, les femmes étant plus touchées par ce phénomène, notamment celles âgées de 28 à 35 ans.
Cependant, le tsundoku doit être différent de la bibliomanie, qui consiste à acheter des livres juste pour les acheter. Car outre son aspect compulsif, le syndrome de la pile à lire représente aussi un achat d’intérêt pour le lecteur qui au départ a une réelle intention de lire. Il y a un aspect réconfortant et un vrai besoin culturel qui transparaît à travers cette habitude.
Pourquoi acheter des livres sans les lire ?
Mais alors pourquoi achète-t-on des livres sans jamais les lire ? Selon Ruben Rabinovitch,“c’est surtout parce que les individus préfèrent passer du temps en groupe, qu’ils ne lisent pas les livres qu’ils achètent”. Auprès de RadioFrance, la psychologue explique : « La lecture est un moment où l’on est déconnecté des autres, c’est un exercice solitaire qui peut générer de l’anxiété et du vide. Au contraire, quand on regarde une série par exemple, on peut en parler avec d’autres, la commenter et ça rassure..
Ce constat encourage des initiatives comme le Quart de lecture, mis en place à l’occasion du 10 mars, depuis deux ans. D’ailleurs, face à lui, des lecteurs s’organisent pour lutter contre cet étonnant syndrome. Regarder les recommandations avant d’acheter, trier ses livres, s’astreindre à une routine de lecture… autant de conseils à suivre pour lutter contre une habitude sur laquelle il est tout de même important de relativiser, car, comme le Centre National du Livre , en 2021, les Français lisaient en moyenne 18 livres, alors qu’en 2022 les jeunes Français affichaient lire de plus en plus : entre 4 et 5 livres tous les trois mois.