Contrairement à ce que prétendent certaines marques, le gadget technologique le plus respectueux de l’environnement est celui que vous possédez déjà. Puisque la majorité de l’empreinte carbone de nos appareils est générée lors de leurs phases de fabrication, le meilleur moyen de limiter les dégâts est de conserver vos machines le plus longtemps possible. Pour cela, il n’y a pas de secret : il faut pouvoir les réparer facilement.
Dans le monde des smartphones, des acteurs comme Fairphone ont tenté de démocratiser le principe d’un téléphone facilement réparable, mais côté audio, c’est une autre histoire. Les enceintes Bluetooth sont souvent mécaniquement plus simples à réparer que les téléphones portables, mais les fabricants ne rendent pas le processus très simple.
La ShiftSound SP, une enceinte « responsable »
Qu’il s’agisse de JBL, Bose ou autres, les guides de réparation ou les pièces détachées ne sont pas toujours faciles à trouver. Shift, une entreprise allemande fière de son approche globale des déchets électroniques, tente donc de susciter des changements à petite échelle dans ce domaine. C’est donc sans surprise que l’on retrouve le ShiftSound SP dans le catalogue de Commown, la société coopérative strasbourgeoise qui loue tout un tas de produits « responsables », comme les ordinateurs Fairphone ou Framework.
L’exemplaire test mis sous notre scalpel pour cet article nous a également été prêté par Commown. Mais au-delà des grands discours et positions marketing, les promesses de réparabilité sont-elles tenues ? C’est ce que nous allons voir.
Un tournevis et un couteau à beurre
Malheureusement, ni Shift ni Commown ne fournissent de guide de démontage des enceintes. Il existe cependant une vidéo YouTube qui détaille le processus, mais dans la langue de Goethe. Heureusement, la démarche est correctement illustrée et permet de se lancer dans le bricolage en toute sérénité.
Globalement, le démontage ne nécessite quasiment aucun outil. La grille protégeant les enceintes peut être retirée à l’aide de clips situés sur le côté du panneau de commande. Un coup de couteau à beurre ou de spatule en plastique au niveau de la couture suffit pour retirer la coque extérieure et révéler les haut-parleurs. Ceux-ci peuvent ensuite être séparés du reste d’un simple coup de tournevis cruciforme.
Les radiateurs passifs se déclipsent à la main d’un simple quart de tour. A partir de là, il ne reste plus qu’à débrancher les haut-parleurs de la carte mère et le gros des composants est retiré. Une pince à épiler ou une pince courbée peut ensuite être utilisée pour déconnecter la batterie, le panneau de commande et les LED. Un peu d’huile de coude et un dernier coup de tournevis suffisent pour extraire les dernières pièces de la carcasse en plastique.
Dans l’ensemble, l’expérience de démontage est plutôt bien pensée et rassurante. Pas besoin de forcer quoi que ce soit, les connecteurs sont visibles et relativement faciles d’accès et aucune colle n’est utilisée. A part agiter un tournevis directement sur la carte mère, il est peu probable que cela endommage quoi que ce soit à condition d’être un peu prudent.
Le problème des pièces détachées
La facilité de démontage est un aspect important de la réparabilité sans être le seul. Pour qu’un produit soit réellement réparable, les pièces détachées doivent également être faciles à trouver et pas trop chères. Hélas, de ce côté-là, ce n’est pas la fête.
Ni Commown ni Shift ne vendent actuellement de pièces de rechange pour SP. Du moins pour le moment… Interrogé à ce sujet, Commown assure néanmoins que les pièces arriveront bel et bien sur le site du constructeur. “à l’avenir”. Disponible chez Shift depuis début 2023, mais arrivant chez Commown vers la rentrée, on ne peut qu’espérer que les pièces seront effectivement disponibles prochainement.
En l’état, faute de guide officiel de démontage et de pièces détachées facilement accessibles à l’achat, il est difficile de qualifier la SP1 d’enceinte « réparable ». Ces absences regrettables s’expliquent en partie par la logique qui sous-tend le marketing de l’enceinte. Tant du côté de Commown que de Shift, l’idée est de s’appuyer sur le service de réparation de chaque entreprise pour remettre l’enceinte à la verticale.
« Pour les clients Commown, en cas de panne/casse, nous enverrons une enceinte fonctionnelle directement chez le client, rapatrions l’enceinte dysfonctionnelle et effectuons la réparation dans nos locaux »explique le revendeur. La facilité de réparation est donc ici davantage conçue pour une réparation professionnelle que pour une réparation par des particuliers. Une logique audible, mais qui rend tout de même le SP1 moins attractif pour les bricoleurs du dimanche.
Une philosophie à perfectionner
La ShiftSound SP1 est donc une enceinte quelque peu schizophrène qui met en avant sa facilité de réparation sans vraiment donner à chacun les moyens d’honorer cette promesse. En l’état, on est assez loin du modèle Fairphone, malgré une philosophie sous-jacente similaire. Le constructeur de téléphones néerlandais propose en effet à la fois un service de réparation professionnel et des pièces détachées accessibles pour ceux qui souhaitent se lancer dans l’aventure.
Pour répondre à la question posée par le titre de cet article, Shiftsound montre qu’il n’est techniquement pas si compliqué de réparer une enceinte Bluetooth. Mais l’accessoire illustre aussi à merveille les difficultés inhérentes à la conception d’un objet véritablement réparable. Au-delà de la construction, la gestion doit également suivre. Ce n’est que lorsque les trois piliers que sont le démontage, le prix et la disponibilité des pièces sont solides que l’écosystème de la réparabilité peut véritablement prospérer. Le Shiftsound SP1 est un bon début, mais il va désormais falloir transformer le test.
L’enceinte est disponible à la vente chez Shift pour 88 € et en location chez Commown à partir de 5,90 €/mois.