Le cimetière des éléphants
C’est officiel, Anandtech n’est plus : elle disparaîtra après 27 ans de bons et loyaux services. Le site a réussi à survivre au départ de son fondateur, qui l’avait créé à l’âge de 14 ans, pour travailler chez Apple. Ce n’est pas le seul site spécialisé dans les tests matériels approfondis qui a disparu ces dernières années. En France, le célèbre site hardware.fr a disparu en 2018 (site sur lequel, je dois l’avouer, j’ai passé beaucoup trop de temps à troller dans les forums, je m’en excuse, il y a un délai de prescription…). Plus récemment, le site DPReview est mort, puis ressuscité, en 2023.
La primauté du logiciel
Depuis plusieurs années, les évolutions matérielles ralentissent progressivement. L’époque de la course au GHz pour les processeurs PC est révolue depuis longtemps (une petite pensée pour mon AMD Duron 700 que j’ai poussé au delà du GHz, il n’a pas aimé). Fini le temps où l’on passait des heures à décortiquer des fiches techniques et à lire des tests pour savoir quelle version de processeur acheter, si avoir 1 Mo de mémoire cache était rentable par rapport à 512 Ko.
Dernièrement, après des années où les améliorations d’une version à l’autre des processeurs des smartphones étaient substantielles, elles sont presque devenues anecdotiques. Ce qui fait la différence aujourd’hui, ce sont surtout les nouveautés apportées par les applications et le système d’exploitation. Le matériel est au service du logiciel et n’a que peu d’intérêt en soi.
Apple et son horreur des spécifications techniques
Steve Jobs n’aimait pas les informations purement techniques (sauf quand c’était à l’avantage d’Apple…). Il préférait montrer ce que le produit pouvait faire plutôt que de lister des chiffres au hasard. Lorsqu’il présente pour la première fois l’iMac en 1998 (dont le dernier iMac emprunte l’idée de ses couleurs), il s’attarde très peu sur la technique pure (à peine deux minutes dans la keynote).
Et pour cause : son matériel est similaire au Power Macintosh G3 All-In-One sorti quelques mois plus tôt (et qui lui-même est très laid, à tel point qu’on lui donnera le surnom de « Molar Mac » en raison de sa forme rappelant celle d’une molaire).
Power Macintosh G3 All-In-One ou Molar Mac
En revanche, Steve Jobs ne cessera jamais de s’attarder sur son design innovant, affirmant à ce propos que son iMac a un dos plus beau que l’avant de tous les ordinateurs du marché. En appuyant sur son design tout-en-un, il démontre à quel point il est facile à utiliser avec sa simplicité. Pour ce faire, Apple réalisera une vidéo montrant un enfant de sept ans, aidé par un chien, utilisant pour la première fois l’iMac devant un étudiant de 26 ans (titulaire d’un MBA, etc.) utilisant un ordinateur ordinaire. PC. Résultat : l’enfant a réussi à utiliser l’iMac et à le connecter à Internet bien avant que l’élève ne puisse démarrer son PC.
Et ça marche. Malgré son matériel qui n’a rien d’exceptionnel, l’iMac sera un énorme succès qui contribuera à sauver l’entreprise. Cependant, pour montrer que l’iMac est toujours capable, Steve Jobs fera une comparaison sur la lecture vidéo au lieu de comparer la quantité de RAM ou la vitesse du bus.
Dans le même esprit, lorsque Steve Jobs présentait le tout premier iPod en 2001, il affirmait qu’il permettait d’avoir 1000 chansons dans votre poche. Bien sûr, il listera les formats audio pris en charge et le fait que le disque dur avait une capacité de 5 Go, mais le message qui restera est la phrase : 1000 chansons dans votre poche. Cela deviendra également le tout premier slogan de l’iPod, le différenciant des lecteurs MP3 à mémoire flash et des lecteurs de CD portables.
Le marché a changé
Hormis le marché des gamers et des professionnels comme les monteurs vidéo ou les graphistes, les spécifications techniques des PC d’aujourd’hui sont largement suffisantes pour une utilisation bureautique classique. En effet, le grand public n’a pas vraiment besoin de se renseigner sur le matériel, il s’intéresse principalement à un seul facteur : le prix.
De plus, le journalisme technologique a beaucoup évolué depuis une dizaine d’années. Les ordinateurs, et notamment les smartphones, se démocratisent à une vitesse vertigineuse. Ainsi, les publicités pour du matériel informatique, diffusées principalement sur des sites spécialisés, ont fini par les déserter. privilégier les sites et réseaux sociaux plus généralistes. De plus, les changements incessants de l’algorithme du moteur de recherche Google ont progressivement amené moins de trafic vers les sites spécialisés et davantage vers des sites plus grand public ou des réseaux sociaux. Le résultat est simple : les sites spécialisés ont progressivement eu de moins en moins de publicité, et donc d’argent.alors que leurs articles étaient souvent longs et intéressants et prenaient toujours plus de temps à écrire. Ajoutez à cela la demande du public pour davantage de photos, d’analyses et de vidéos, et les coûts ont grimpé en flèche. Finalement, cela ne s’est pas amélioré récemment avec la nouvelle IA générativeintégrés au moteur de recherche Google, qui résument l’article sans même que l’utilisateur ait à cliquer sur le lien, l’empêchant d’afficher de la publicité et privant les sites de revenus.