Avec « Come Bach », Benjamin Alard réveille le grand orgue Aubertin, un exemplaire unique à Paris

Avec « Come Bach », Benjamin Alard réveille le grand orgue Aubertin, un exemplaire unique à Paris
Avec « Come Bach », Benjamin Alard réveille le grand orgue Aubertin, un exemplaire unique à Paris

Depuis cinq ans, cet instrument exceptionnel est protégé par les travaux de l’église de Saint-Louis-en-l’Île qui l’abrite. Ce 24 juin, l’organiste Benjamin Alard a conçu une soirée 100% Bach pour en dévoiler toutes les possibilités.

A 38 ans, le claveciniste et organiste Benjamin Alard excelle dans le répertoire baroque, qu’il pratique avec autant d’inventivité que de rigueur. Photo Bernard Martinez

Par François Ekchajzer

Publié le 24 juin 2024 à 16h00

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Après cinq ans de silence, le grand orgue Aubertin de l’église Saint-Louis-en-l’Île, à Paris, fait son Viens Bach, le 24 juin, sous les doigts et les pieds de Benjamin Alard, détenteur de l’instrument depuis son inauguration. A 38 ans, le claveciniste et organiste excelle dans le répertoire baroque, qu’il pratique avec autant d’inventivité que de rigueur, y compris dans des morceaux mille fois entendus qu’il réécoute. En 2017, il commence à enregistrer une version chronologique complète des œuvres pour clavier de Jean-Sébastien Bach, qui l’ont occupé pendant plus de dix ans, et dont le neuvième volume (Köthen, 1717-1723 – Les années heureuses) vient de paraître chez Harmonia Mundi.

Dans quelle histoire se situe la genèse de ce grand orgue parisien ?
Le premier orgue connu de l’église Saint-Louis-en-l’Île remonte aux années 1750. Elle fut détruite à la Révolution, mais la galerie de pierre et certaines sculptures subsistent. Le vide provoqué par sa destruction fut comblé au XIXe siècle par une sorte de façade à faux tuyaux, devant laquelle fut installé en 1923 un orgue peu bien conçu et qui ne fonctionna qu’une cinquantaine d’années. Devenu muet, l’organiste Georges Guillard souhaita faire construire un nouvel instrument. Cela a pris plus de trente ans. Entièrement financé par la Ville de Paris, l’orgue Aubertin a été inauguré en 2005.

Qu’est-ce qui est spécial à ce propos?
C’est un grand instrument, avec cinquante et un registres, trois claviers et un pédalier. Hormis quelques éléments décoratifs, il est totalement inédit et a été conçu selon une esthétique germanique spécialement adaptée à l’interprétation de la musique de Bach – ce qui le rend unique à Paris. Bernard Aubertin, très grand facteur d’orgues basé dans le Jura, l’a conçu en s’inspirant de plusieurs orgues historiques. Notamment l’orgue Hildebrandt de Naumburg, près de Leipzig, que Bach a expertisé en 1747 et dont il a laissé une description précise, ainsi qu’une critique qui attache les termes “majesté” Et “la gravité”. J’ai la chance de pouvoir le rejouer après ses cinq années de silence qui ont été très difficiles pour moi.

Le grand orgue Aubertin mis au jour après 5 ans de travaux dans l'église.

Le grand orgue Aubertin mis au jour après 5 ans de travaux dans l'église.

Le grand orgue Aubertin mis au jour après 5 ans de travaux dans l’église.
L’association des grandes orgues de Saint-Louis sur l’Île

Alors que lui est-il arrivé ?
Rien du tout ! Un important projet de restauration de l’église fut mis en place, touchant l’ensemble de la charpente, la toiture et tous les vitraux. La décision a été prise de le confiner car, en pénétrant dans les lumières – ces petites interstices où passe le vent pour faire parler les tuyaux – la poussière peut endommager le métal. Durant ces cinq années, j’allais parfois vérifier sous la bâche que tout allait bien. Et il n’a pas bougé.

Pourquoi avoir choisi de consacrer l’intégralité du concert célébrant son réveil à Jean-Sébastien Bach ?
Il était important de marquer l’événement avec des œuvres connues, comme le Chorals Schübler ou la Toccata et fugue en ré mineur, qui lui est attribué et dont de nombreux éléments lui appartiennent sans doute. Ce programme assez long a également été conçu pour montrer les nombreuses possibilités de timbre de l’instrument.

De tous vos dossiers, seul le Sonates en trio, en 2008, ont été enregistrés sur cet orgue.
Malheureusement, je n’ai pas eu l’occasion d’enregistrer davantage sur celui-ci. Mais je compte bien m’y atteler prochainement, notamment dans le cadre de l’intégrale des œuvres pour clavier de Bach. Une entreprise qui doit beaucoup à mes rencontres avec des facteurs d’instruments, des collectionneurs et certains instruments eux-mêmes.

Par exemple ?
Je pense à un clavecin romain de 1702, qui se trouve au musée Santa Caterina de Trévise où j’ai été invité avec un ami chanteur à donner un concert de cantates italiennes. Dans la nuit qui a suivi, je me suis dit qu’il faudrait essayer d’y jouer des transcriptions des concertos de Vivaldi. En moi, quelque chose murmurait : c’est absurde, cet instrument est trop petit, il n’est pas fait pour ça. Le matin, j’appelais encore le musée pour demander à rentrer. En jouant les partitions téléchargées sur ma tablette, je me suis dit : “Mais oui, c’est ce qu’il faut faire !” » Ce clavecin possède un jeu de cordes en boyau au son de luth très particulier. Le mélanger avec le jeu de cordes métalliques a créé quelque chose d’inattendu – presque un son de synthétiseur. J’ai appelé Alban Moraud [ingénieur du son et directeur artistique du projet Bach, ndlr] pour lui faire écouter l’enregistrement sur mon téléphone et m’assurer que je n’allais pas trop loin. ” C’est super, il m’a dit. Nous l’avons fait ! »

Vous êtes à la moitié de cet album complet qui compte déjà vingt-six CD. Plutôt surprenant, de la part de quelqu’un qui avait renoncé aux enregistrements.
En arrêtant de le faire – ou en le faisant sur place ou très vite – j’ai réalisé que je n’avais plus envie de travailler comme avant. Nous pensons souvent à l’enregistrement comme à quelque chose qui restera, sur lequel nous serons jugés. On lui accorde tellement d’importance que le jeu en perd beaucoup en spontanéité. Pourtant, la musique de Bach est si connue et si accessible qu’il faut beaucoup d’audace pour explorer de nouvelles voies. Tout le monde joue au Caprice de l’ontananza de son frère dilettismo au clavecin; Je l’ai enregistré au clavicorde. Je n’aurais pas trouvé intéressant d’enregistrer le Sonate en trio sur un orgue; J’ai opté pour un clavicorde à pédale et un clavecin à pédale – moitié-moitié –, en essayant de retrouver l’essence simple et fluide de cette musique. Et de faire tomber le caractère mythique de l’œuvre de Bach, souvent sacralisée. Bien sûr, c’est énorme ; mais ce n’est pas une raison pour en faire des montagnes.

Concert Venez Bach à Saint-Louis, lundi 24 juin à 20h30, avec Benjamin Alard au grand orgue Aubertin de l’église Saint-Louis-en-l’Île, 19 bis, rue Saint-Louis-en-l’Île, Paris 4ᵉ. Entrée libre et participation aux frais.
s Œuvres complètes pour clavier de Johann Sebastian Bach, de Benjamin Alard, volumes 1 à 9 disponibles chez Harmonia Mundi.

 
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