Tout a commencé avec deux salles de bains, ajoutées par les propriétaires pour donner un peu de confort moderne à leur château en Bourgogne. Sur cette lancée, pourquoi ne pas s’attaquer également aux chambres ? Et puis l’escalier, d’autres chambres… autant refaire les pièces de réception du rez-de-chaussée. En trois ans, Paul du Pré de Saint Maur a donné un nouveau visage à ces pièces endormies au fil des siècles. Cette ancienne demeure du 16ème sièclee siècle avait déjà connu une première transformation au XIXèmeegagnant au passage une tour pour abriter un escalier monumental et une belle mosaïque à l’entrée. Deux éléments qui ont d’emblée attiré l’attention du jeune architecte, lui permettant de poser les bases de sa restauration et d’y insuffler une petite touche d’Italie, rappelant ses années d’études à Rome.
Ou comment adoucir la lourdeur un peu figée du XIXème sièclee Français grâce au charme de la Renaissance : « Après tout, elle a encore inspiré toute l’architecture française, underlines Paul du Pré de Saint Maur, dont le 19e qui s’inspire en partie du classique. Cela dit, je ne fais absolument pas d’histoire. L’inspiration m’amuse mais copier ne m’intéresse pas, car refaire les mêmes intérieurs que dans les palais n’a aucun sens. Aucune transcription. » Ainsi, on procède par rappels, distillant ici et là des touches de couleurs : les tons sienne, rouge et noir de la mosaïque traversent les espaces pour se poser sur les boiseries des chambres voisines, où l’on s’autorise parfois quelques motifs venus d’ailleurs.
Comme pour troubler l’ordre imposé, les moulures du salon s’enrichissent de petits macarons noirs tandis que les portes recouvrent leurs encadrements à fresques – signées Pierre du Pré de Saint Maur, frère de. Partout, l’idée est d’assouplir discrètement un décor trop classique, sans le dénaturer, comme le confirme l’architecte : « Cela permet de changer le caractère final de la pièce sans changer son architecture. Je ne veux pas me comparer à lui, mais j’aspire à la même chose qu’Emilio Terry par exemple : faire des choses assez historiques et amusantes, mais garder une sobriété, une radicalité contemporaine. Tel ou tel détail n’aurait pas été fait à la Renaissance, mais en même temps il est cohérent. On ne peut pas vraiment le dater. »
Pas question d’imposer de grands gestes architecturaux alors que la charpente a déjà tout ce qu’il faut. On se limite simplement à concevoir une belle cuisine en peaufinant les détails des portes cachées ou en imaginant un canapé aux lignes rigoureuses pour le salon, entre un lampadaire d’Ignazio Gardella et une sculpture contemporaine de Stefan Rinck. L’équilibre oui, le total look non. Et Paul du Pré de Saint Maur explique : « Je ne voulais pas de déclaration, le but étant que la maison semble avoir évolué au fil du temps et de ses propriétaires. » Un subtil exercice d’équilibrisme que l’architecte sait manier, d’autant plus précieux lorsqu’il s’agit de travailler des pierres anciennes. On ne sera pas surpris d’apprendre qu’il travaille déjà sur un autre château destiné à devenir un lieu d’accueil artistique et culturel, en attendant de livrer un projet à New York, réalisé conjointement avec Marie-Anne Derville. De la Bourgogne à la Côte Est, encore une question d’équilibre.