un astronaute parle de la vie dans l’espace

un astronaute parle de la vie dans l’espace
un astronaute parle de la vie dans l’espace
Publié le 24/05/2024 à 18h44

Écrit par Alicia Girardeau

Sophie Adenot deviendra la deuxième Française à voyager dans l’espace, trente ans après Claudie Haigneré. Elle s’envolera vers la Station spatiale internationale (ISS) en 2026. Entraînement, vie en apesanteur et transit perturbé… l’astronaute et président d’honneur de Mérignac-Novespace, Jean-François Clervoy, nous raconte ce qui l’attend.

Un billet pour l’espace. Sophie Adenot, ancienne pilote d’essai en Gironde, a été sélectionnée par l’Agence spatiale européenne pour rejoindre l’équipage qui s’envolera vers l’ISS en 2026. Trente ans après Claudie Haigneré, elle sera donc la deuxième Française à voyager dans l’espace, aux côtés de Raphaël Liégeois. UN “preuve” pour Jean-François Clervoy. L’astronaute et président de Mérignac-Novespace a également côtoyé les stars à trois reprises et participé aux processus de sélection de l’ESA en 2009. Il revient, parfois avec nostalgie, sur les épreuves de sélection et son parcours.

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Jean-François Clervoy a volé deux fois à bord de la navette spatiale Atlantis puis une troisième fois à bord de Discovery et totalise 675 heures dans l’espace.

© VALENTIN CHAPUIS / MAXPPP

L’astronaute Sophie Adenot sera donc la deuxième Française à rejoindre l’ISS en 2026…

Jean-François Clervoy : « Au fond, je m’y attendais, je la connais depuis qu’elle est candidate. Je suis très heureux pour elle, elle a une personnalité et un parcours exceptionnels. Elle possède une grande expérience technique et opérationnelle, comme Thomas Pesquet. Nous avons besoin de ces profils.

Justement, quels profils sont recherchés pour ce type de mission ?

Nous ne recherchons pas des surhumains ou des super-héros, mais des personnes multi-qualifiées, faites pour ça. Sophie, par exemple, disait depuis qu’elle était petite qu’elle voulait devenir astronaute. Lors des tests de sélection, nous cherchons à voir la passion. Nous recherchons également des personnes sachant travailler dans une équipe multiculturelle, qui ne sont pas claustrophobes, émotionnellement stables et qui aiment se remettre en question. Il peut s’agir de personnes qui exercent des métiers nécessitant de la maîtrise, ou qui sont habituées à évoluer dans des environnements extrêmes, comme les plongeurs, les pilotes ou les sous-mariniers. Nous recherchons avant tout des profils directement liés à la nature du poste, comme dans tous les métiers.

En quoi consistent les épreuves de sélection pour pouvoir rejoindre l’ISS ?

Les sélections se font en six étapes. D’abord un dossier de motivation où sont conservés 10% des candidats. Puis une étape psychologique avec des tests de personnalité sous forme de questions à choix multiples avec des questions très simples comme « quand je me lève, est-ce que je suis de bonne humeur ? ». Il n’y a pas de meilleure personnalité que les autres, mais nous voulons des gens qui répondent à la vérité. Puis des tests psychotechniques pour évaluer la capacité du cerveau à penser, et des tests psychomoteurs sous forme de jeux vidéo.

Les candidats passent ensuite une épreuve collective en petits groupes où ils doivent faire face à une situation de crise et y répondre ensemble. Cette fois, nous évaluons leur capacité à s’écouter, se faire entendre et raisonner. Les candidats sélectionnés subissent ensuite un examen médical assez complet, seule épreuve véritablement physique de la sélection. Une quarantaine d’entre eux sont interviewés par le directeur général et une dizaine sont déclarés aptes au poste. Il appartient ensuite au directeur général de répartir les candidats selon qu’ils deviennent réservistes ou actifs.

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Sophie Adenot a obtenu son diplôme d’astronaute il y a seulement un mois.

© CHRISTOPHER NEUNDORF / EPA

Les candidats s’entraînent pendant un an pour apprendre ce qu’est le métier d’astronaute, comment fonctionne un vaisseau spatial et à quoi s’attendre lors de vols courts ou longs. A l’issue de cette formation, vous pourrez être déclarée éligible au vol, comme l’était Sophie. Les deux années précédant son départ pour l’ISS, elle apprendra le fonctionnement de la station, comment sortir dans l’espace, faire la maintenance, gérer les vaisseaux ravitailleurs. Dans 70 % des cas, il s’agit de se former pour prendre conscience du matériel scientifique qui leur sera remis.

Quel est exactement le travail d’un astronaute ?

C’est un opérateur de machine. Du matin au soir, il actionne constamment des interrupteurs, fait fonctionner des vaisseaux, des robots et des combinaisons spatiales. Faisant partie de l’ISS, il utilise des équipements scientifiques pour les équipes de recherche.

Cela semble particulièrement difficile…

D’un point de vue intellectuel et technique, ils apprécieront. Chaque jour, ils vont à l’entraînement avec des bananes dans les oreilles. Ils sont passionnés, ils ne diront jamais que c’est difficile même quand on est dans le simulateur et qu’une panne complexe est simulée avec des scénarios compliqués.

Pour quelqu’un comme Sophie qui est pilote d’essai, c’est son passe-temps quotidien.

Jean-François Clevoy

Astronaute

Ce qui est physiquement difficile, c’est l’entraînement aux sorties dans l’espace. Lorsque j’étais responsable des sorties lors de mon deuxième vol, je faisais des entraînements et le scaphandre était fatiguant à manipuler. C’est fatiguant, mais tu vas en formation pour des tâches concrètes que tu vas devoir faire dans l’espace, c’est agréable.

La formation a-t-elle évolué depuis vos trois vols en 1985 et 1992 ?

D’un point de vue technique et opérationnel, c’est toujours le même esprit. Mais aujourd’hui le programme est très international et on est obligé de travailler beaucoup les week-ends au Japon, au Canada et en Europe. Les astronautes doivent faire plus de sacrifices sur la vie privée de leur famille qu’à mon époque, car telle est la nature du programme de l’ISS.

Comment se préparer à de tels sacrifices ?

Ils le savent d’avance, lorsqu’ils sont candidats, ils savent déjà à quoi ressemblera leur vie professionnelle. Mais contrairement à mon époque, ils ont désormais accès à Internet haut débit. Ils peuvent appeler leurs proches par vidéo quand ils le souhaitent. Ce qui rend la distance moins contraignante, l’astronaute a un lien qui peut être quotidien avec sa famille, car le rythme de travail est proche de celui sur Terre.

Est-il possible de ne pas être suffisamment préparé ?

Non, il n’y a aucune incertitude. Nous avons souvent l’impression d’être surentraînés. Le jour J, décollage, on est calme, très excité, conscient du danger, et il y a une certaine peur de mourir et une conscience du risque. Mais nous pensons qu’il est normal de le faire ce jour-là, car nous savons que nous nous y préparons depuis des mois.

Vous souvenez-vous de votre premier décollage ?

Tout s’est passé exactement comme je l’avais imaginé dans ma tête. La seule chose qui surprend c’est la vue de la terre, c’est wow, c’est un énorme wow et les larmes aux yeux. De plus, je ne m’attendais pas à ce que les moteurs de changement d’attitude de la navette soient si bruyants.

Et quant à la vie en apesanteur, des surprises ?

Faire pipi/caca (rires). C’est un sujet sur lequel les Américains ne nous ont rien dit. Le transit est perturbé et il est difficile de se soulager. Il faut du temps au corps pour réapprendre et c’est frustrant. Sinon, on s’habitue très vite à l’apesanteur et il faut plus de temps pour s’y habituer sur terre que dans l’espace.

Les femmes et les hommes sont-ils formés de la même manière ?

Les hommes et les femmes sont traités de manière égale. La seule différence est l’entonnoir de miction qui n’est pas le même. Les femmes ont également la possibilité d’arrêter leurs règles.

Thomas Pesquet communique beaucoup sur les réseaux sociaux, il est devenu un exemple pour les plus jeunes…

Il n’y avait pas de Français sur l’ISS pendant une dizaine d’années, donc beaucoup de jeunes ne connaissaient que Thomas Pesquet et il était important de faire connaître le métier. Sophie aura également un rôle très important pour faire connaître l’ESA et montrer que c’est un métier qui s’adresse autant aux femmes qu’aux hommes.

>L'astronaute français Thomas Pesquet a passé 200 jours à bord de la Station spatiale internationale.
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L’astronaute français Thomas Pesquet a passé 200 jours à bord de la Station spatiale internationale.

© Zuma Press – MaxPPP

Quel regard portez-vous sur vos missions passées ?

J’ai effectué trois missions de navette spatiale et j’ai été conseiller principal auprès des astronautes des navires ravitailleurs européens de l’ISS. J’ai volé à bord de la navette et de la station MIR, et j’étais le plus jeune astronaute sélectionné à l’époque.

J’ai effectué trois vols spatiaux en cinq ans. La Navette Spatiale, avec ses capacités incroyables et ses technologies avancées, reste pour moi un vaisseau emblématique de l’histoire de l’exploration spatiale, même si on est revenu aux capsules pour des raisons de sécurité. Je ne regrette rien de cette période.

J’aurais aimé faire un vol de longue durée comme Thomas et Sophie qui ont passé et passeront environ 200 jours dans l’espace. Vivre et travailler dans l’espace pendant six mois est une expérience unique.

Jean-François Clavoy

astronaute

Vingt-six ans après le premier équipage en orbite, la diversité des nationalités impliquées dans ce programme est impressionnante. J’attends avec impatience les vols vers la Lune et l’arrivée des stations spatiales privées. J’espère toujours être utile et inspirer les générations futures. Nous vivons une nouvelle ère fantastique avec l’ISS et les vols de longue durée, et nous reviendrons bientôt sur la Lune et peut-être même enverrons des équipages sur Mars, ce qui fascinera les jeunes générations.

 
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