Focus sur le prix de physique qui récompense, entre autres, Geoffrey Hinton, l’un des scientifiques ayant fait un bond dans la recherche sur les réseaux de neurones profonds (apprentissage profond), notamment avec l’algorithme dit de rétropropagation (et encore une fois, il attribue lui-même la paternité ou l’inspiration à David Rumelhart, l’un de ses co-auteurs… qui était psychologue !).
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L’importance de Hinton dans le domaine de l’IA n’est guère contestée : il a été à l’origine de la Toronto AI school, a supervisé de nombreux doctorants ou post-doctorants, dont certains ont eux-mêmes contribué à des avancées clés (comme Yann LeCun, de Meta, ou Ilya Sutskever , co-fondateur d’OpenAI).
Lorsqu’on fait des recherches sur la généalogie des idées, comme dans de nombreuses sciences, mais notamment dans ces domaines de l’intelligence artificielle, on se rend compte que la recherche se construit sur « les épaules des géants » qui les ont précédés. Certains trouveront des mentions du rétropropagation dans des ouvrages antérieurs de Paul Werbos, ou encore vingt ans plus tôt de Frank Rosenblatt (qui avait correctement posé le problème, sans parvenir à le résoudre). Bien sûr, notre époque et notre nature humaine aiment mettre en valeur une personne en particulier, même s’il s’agit d’un effort collectif abondamment interconnecté. D’une certaine manière, le chercheur est lui-même comme un neurone : s’il fonctionne de manière isolée il n’a aucun pouvoir, ce n’est que lorsqu’il fonctionne de manière coordonnée en réseau qu’il parvient à converger vers un résultat.
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On peut aussi remarquer à quel point, dans un monde où tout devient rapidement commercial, des pans entiers de l’IA d’aujourd’hui ont été développés dans un contexte d’ouverture : des milliers d’articles, des ensembles de données clés comme ImageNet, ou encore le cours de Geoffrey Hinton sur les réseaux de neurones ( disponible gratuitement sur Coursera depuis 2012). La récente notoriété publique de Hinton donnera peut-être du poids à ses avertissements : en 2023, il a démissionné de Google pour avoir la liberté de dénoncer les abus et les dangers d’un développement incontrôlé de l’IA. La folle course aux LLM du jour semble lui donner raison.