Courir comme un poulet sans tête… Mais comment un gallinacé, la tête à peine coupée, peut-il se lancer dans une course effrénée, quoique éphémère ? La clé de l’énigme, trouvée au début du XXe sièclee siècle, se niche dans la moelle épinière. Car si le malheureux oiseau, une fois décapité, peut sprinter, c’est parce qu’un réseau de neurones, logé dans ses vertèbres, fonctionne de manière autonome – même s’il est privé des commandes envoyées par le cerveau et des stimuli sensoriels périphériques.
Ce “ Le réseau musculo-squelettique de la colonne vertébrale continue d’être actif, même lorsque la connexion nerveuse avec le cerveau est interrompue, par exemple à la suite d’un traumatisme médullaire. Il peut produire des influx nerveux rythmiques qui activent de manière coordonnée les neurones (« motoneurones ») qui, à leur tour, stimulent les muscles de la jambe. Grâce à ce réseau, la moelle épinière joue un rôle central dans la coordination, l’adaptation et l’automatisation rapides une marche.
Chez les patients paraplégiques, « toutes les neuroprothèses rachidiennes utilisées pour restaurer une forme de locomotion reposent sur la stimulation de ce réseau »explique Erwan Bezard, neuroscientifique à l’Université de Bordeaux (Inserm-CNRS).
Mais la moelle épinière accomplit des prouesses encore plus étonnantes. Il semblerait avoir des capacités d’apprentissage moteur et de mémorisation… indépendantes du cerveau ! Capacités mises en évidence chez la souris, dans le journal Science le 11 avril, par une équipe belge et japonaise. Mieux encore, les chercheurs ont identifié et caractérisé les deux types de neurones qui assurent respectivement cet apprentissage et cette « mémoire ».
“Plus qu’un simple succès”
« La moelle épinière est trop souvent considérée comme un simple tube qui transmet les informations entre le tronc cérébral et les muscles qui effectuent les mouvements.déplore Simon Lavaud, le doctorant français qui a réalisé la plupart des expériences, à l’Université catholique de Louvain (KU Leuven, Belgique). Notre étude montre que cela fait bien plus que cela. »
On sait depuis 1962 que, chez les insectes sans tête, les pattes peuvent être entraînées pour éviter les signaux extérieurs. Dans les années 1990, un phénomène similaire a été observé chez les grenouilles et les rats. L’équipe de Louvain est partie ici pour démonter les rouages de ce mécanisme. Avec deux objectifs : « comprendre les bases de l’automaticité des mouvements des personnes en bonne santé et améliorer la récupération des patients ayant subi une lésion médullaire »explique Aya Takeoka, qui a coordonné l’étude et qui travaille désormais au Riken Center for Brain Research au Japon.
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