A Marseille, l’impatience n’est pas l’apanage des tribunes. Si les entraîneurs ou les joueurs tombés sous les huées et la pression du Vélodrome se comptent sur les doigts des deux mains et des deux pieds, les jeunes pousses parties trop tôt commencent aussi à s’accumuler. Cette fois, c’est Enzo Sternal, 17 ans (il aura 18 ans le 28 mai), qui joue, mécontent de ses 22 minutes accumulées en deux matchs cette saison. Prolongé cet été jusqu’en 2027, il ne devrait pas durer longtemps dans les Bouches-du-Rhône. Cela a été fortement annoncé à Anderlecht, alors que Roberto De Zerbi n’a pas manqué de le remettre à sa place en conférence de presse.
Le temps n’a pas de temps pour le temps
« Je pense que Jonathan Rowe et Luis Henrique sont plus prêts que lui. » C’est par ces termes que le technicien marseillais a choisi de justifier le manque de temps de jeu du jeune Sternal. Une manière d’expliquer les choses claire, concise et relativement ferme, qui devrait logiquement suffire à un joueur de 17 ans pour comprendre pourquoi il ne joue pas plus que ça en équipe première. Sauf que nous voici en 2025, et ne pas jouer tous les matches alors qu’on porte l’étiquette de grand espoir du football est vécu comme un affront et, parfois, comme un motif légitime pour réclamer un départ. Un problème que le sélectionneur italien ne comprend pas vraiment, à juste titre : « Les jeunes doivent avoir la patience de grandir, de mûrir, de progresser et d’attendre leur tour. Je pense que je suis l’un des entraîneurs en Europe qui a recruté le plus de jeunes joueurs, donc vraiment, je ne me concentre pas sur les noms, mais sur les résultats. Quand ils le mériteront, ils joueront. »
Un message fort adressé aux joueurs, mais aussi à leur entourage, qu’il n’a pas manqué de souligner en prenant l’exemple d’un de ses meilleurs joueurs : « Si Rabiot doit être sur le banc parce qu’un jeune doit jouer, ne vous inquiétez pas, Rabiot sera sur le banc. Mais si Rabiot est meilleur que le jeune, alors c’est lui qui jouera. C’est clair pour vous, c’est clair pour les agents de joueurs, c’est clair pour les parents des jeunes joueurs, c’est clair pour tout le monde. » Une manière de mettre également en garde contre des envies de temps de jeu parfois infondées. Et l’amour du maillot de bain dans tout ça ?
Mouiller le maillot de bain ? Seulement si je joue !
Après tout, cela ne fait que deux ans et demi que le gamin est arrivé dans le Sud, lui qui est avant tout un produit lorrain, de Nancy plus précisément. Cela pourrait-il justifier son manque de persévérance à Marseille ? Difficile à entendre quand on sait qu’il portait le numéro 10 dans les catégories jeunes, a été un élément majeur et a surtout remporté un titre de champion de France U17 en 2023 avant de remporter la Gambardella en 2024. De quoi nouer une relation privilégiée avec un club. qui reste celle qui l’a formé sur le papier, et où il a vite compris que les erreurs étranges ne lui seraient pas pardonnées. En Belgique, il avait certes des garanties sur son temps de jeu, et les 43 apparitions cumulées de trois des quatre jeunes de 20 ans ou moins présents dans l’effectif l’ont probablement rassuré sur ce point. Mais il arrivera en cours de saison, dans un effectif déjà constitué qui vise une qualification pour les play-offs. Surtout, il lui reste encore à prouver professionnellement quoi que ce soit qui puisse pousser Anderlecht à l’installer d’office dans une rotation régulière.
D’autant que les précédents d’Isaac Lihadji et de Marley Aké pourraient servir de jurisprudence aux jeunes olympiens. Après respectivement 2 et 26 matches professionnels à Marseille, ceux qui étaient annoncés comme les futures stars de l’équipe phocéenne ont choisi de quitter le navire, attirés par les sirènes du LOSC et de la Juventus, à 18 et 20 ans. Aujourd’hui à Al-Arabi au Qatar et à Yverdon Sport en Suisse, ces deux joueurs n’ont pas eu la trajectoire espérée.
Avec 31 joueurs sous contrat, l’effectif marseillais ne laisse certainement pas beaucoup de place aux jeunes pépites du centre de formation Robert-Louis-Dreyfus. Parmi les fraîchement arrivés des catégories jeunes du club, rares sont ceux qui ont réellement joué chez les pros sous De Zerbi, voire la saison dernière. Sternal dispose donc de 22 minutes, tandis que Darryl Bakola (17 ans) n’en a eu que 11 ; Gaël Lafont (18 ans) n’a pas revu les terrains depuis ses 10 minutes contre Benfica l’an dernier ; Keyliane Abdallah (18 ans) ne cumule que 5 minutes en deux matchs. Enfin, seul Bilal Nadir (20 ans), buteur contre Le Havre, a disputé plus de 10 matches professionnels (14), bien qu’il ait été gêné par une grave blessure l’an dernier. Pour l’instant, aucun d’entre eux ne s’est plaint, et on imagine qu’ils poursuivent leur apprentissage. Ce qui devrait être une norme pour les jeunes à peine majeurs.
Roberto De Zerbi encadre fermement l’impatient Enzo Sternal