C’est une première depuis 2008 sur le Vendée Globe, des skippers ont rencontré des icebergs dérivant en dehors de la zone où il leur est interdit de naviguer. La progression de ces énormes blocs de glace est étroitement surveillée, grâce aux satellites. C’est la spécialité de CLS, filiale du Centre national d’études spatiales, basé à Toulouse.
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Apparition renversante et effrayante, les 1er et 2 janvier 2025, dans le Vendée Globe. Pour la première fois depuis 2008, trois skippers ont croisé la route d’icebergs après avoir franchi la « ligne virtuelle » de la zone interdite aux navigateurs pour leur sécurité. A l’arrière de la flotte, Oliver Heer s’approche de la zone où les blocs de glace ont été détectés. Spécialisée dans le suivi des icebergs grâce à des satellites, la société CLS est sur le qui-vive.
Comment s’effectue cette surveillance pour assurer la sécurité des navigateurs ? Nous avons posé la question à Franck Mercier, expert scientifique au sein de cette filiale du CNES, spécialisée dans la détection et le suivi des icebergs.
En amont de la course, les spécialistes de la détection utilisent des satellites radar altimétriques. Ensuite, lorsque les bateaux sont dans la zone, les analystes de CLS utilisent les données des satellites d’imagerie radar : Sentinel-1 du programme Copernicus et le satellite commercial canadien RadarSat-2.
Pour la sécurité des marins, la direction du Vendée Globe a déterminé avec l’aide de CLS une zone d’exclusion, «la limite du terrain de jeu» des skippers impliqués dans la course. Pour des raisons d’équité sportive, cette zone est gelée avant le passage du premier concurrent. C’est ce qui a été fait le 16 décembre.Nous avions déjà pris une vingtaine d’images satellitesFranck Mercier nous le raconte. Il y a quelques semaines, plusieurs gros icebergs d’une taille d’un kilomètre ont été détectés. Ces icebergs ont continué à bouger.“
Vitesse de déplacement d’un iceberg : entre 1 et 5 km/h, selon le spécialiste. “La vitesse d’un piéton modérément pressé« .
« Depuis le 16 décembre, évidemment, les icebergs qui se trouvaient à une centaine de kilomètres sous la ZEA, se sont déplacés, principalement vers l’est et un peu vers le nord. Et le 30 décembre, nous avons eu une image satellite qui nous a permis de confirmer que nous avions bien des icebergs au nord de la zone d’exclusion.« Les blocs de glace sont aperçus par Sébastien Marsset, Eric Bellion et Conrad Colman dans la zone de Point Nemo, au milieu du Pacifique.
Outre les images satellite, les spécialistes de la détection et du suivi des icebergs utilisent également un modèle de dérive. “Mais c’est pertinent à l’échelle de quelques joursreconnaît Franck Mercier. A l’échelle de 15 jours ou trois semaines, les modèles de dérive restent très imprécis. Il faut savoir que le principal moteur de la dérive de ces icebergs, ce sont les courants en profondeur. La partie immergée de l’iceberg a probablement une profondeur maximale d’une centaine de mètres. Et ces courants profonds sont peu connus. C’est pourquoi la dérive des icebergs reste quelque chose de relativement imprécis.“
“Nous sommes capables de détecter des icebergs d’une centaine de mètres de long. L’exemple que je donne aux skippers, car ils ont presque tous navigué dans cette zone, est un iceberg de la taille de Fort Boyard. C’est typiquement la taille des icebergs que l’on est capable de détecter. Et je pense que c’est à peu près la taille de ce qu’ils ont dû voir le 2 janvier.“
Eric Bellion et Sébastien Marsset auraient vu le même iceberg, un peu plus au nord qu’un deuxième géant de glace aperçu par Conrad Colman. “Ce qui est assez intrigant, c’est que ces deux icebergs ont des formes qui semblent très, très similaires. Ce que nous soupçonnons en réalité, c’est qu’il s’agit de deux morceaux. Ce qui correspondrait également à une observation que nous avions pu faire par satellite auparavant. Ce qui est très probable, c’est qu’il s’agit de deux morceaux d’un seul iceberg, légèrement plus grand, que nous avons observé au sud de la ligne il y a quelques jours.s», explique Franck Mercier.
L’évolution normale d’un iceberg est de se déplacer, à la fois de fondre et de se fragmenter.
Franck Mercier, expert glace chez CLS
Un iceberg se brise sous l’effet du « vieillissement » et d’un long voyage. L’expert scientifique nous indique que l’iceberg aperçu par les skippers est certainement parti.sa zone de confort aux portes immédiates de l’Antarctique depuis plusieurs mois, voire plusieurs années maintenant.» Et le bloc de glace est prêt à faire un long voyage.
Il sera ballotté par les vagues, subira des pluies qui pourront creuser des sillons et créer des fractures. “Dans cette partie de l’océan Pacifique, on se trouve dans une eau relativement froide, à 5 degrés. Les morceaux ne fondront donc pas très vite. Ils peuvent encore voyager longtemps. Parcourir plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de kilomètres», estime Franck Mercier. Jusqu’à ce qu’ils se rapprochent des côtes d’Amérique du Sud.
Le prochain concurrent du Vendée Globe à s’approcher de la zone où les icebergs ont été aperçus est Oliver Heer, à bord de son Imoca Tut Gut. Le skipper suisse est quasiment sur la ligne de la zone d’exclusion, à quelques encablures du Point Nemo.
CLS a déjà prévu de nouvelles images satellite pour affiner la présence ou non d’icebergs sur le passage des skippers Oliver Heer, Antoine Cornic et JungKun Xu. “Il y a d’autres icebergs un peu plus au sudFranck Mercier nous l’a annoncé le 3 janvier. Il y en a qui peuvent continuer à remonter et franchir également la ligne de la zone d’exclusion.« Quant aux deux morceaux de glace observés sur le parcours il y a quelques jours, ils se seraient peut-être brisés et transformés en trois ou quatre autres icebergs. Des morceaux trop petits pour être détectés, prévient le spécialiste CLS.