Des supporters de l’OM au camp d’internement des Milles pour “éviter que les choses ne deviennent hors de contrôle”

Des supporters de l’OM au camp d’internement des Milles pour “éviter que les choses ne deviennent hors de contrôle”
Des supporters de l’OM au camp d’internement des Milles pour “éviter que les choses ne deviennent hors de contrôle”

Que faire pour lutter contre la haine ? “Allez voir la réalité du fascisme”, répond Rachid Zeroual, leader du principal groupe de supporters du club de football de l’Olympique de Marseille (sud-est de la ), qui a emmené les jeunes au camp avec un rabbin. Des milliers.

Ce rabbin, Haïm Bendao, avoue avoir eu « un petit nœud au ventre » en arrivant avec cette soixantaine de supporters de Sud Winners, âgés de 15 à 25 ans, dans cette ancienne tuilerie située près d’Aix-en-Provence. (à 25 km de Marseille) qui fut un camp d’internement français pendant la Seconde Guerre mondiale avant la déportation d’environ 2 000 juifs.
Mais très vite, l’agilité du médiateur qui accompagne le groupe fait couler les plaisanteries et il glisse : « C’est au-delà de mes espérances », les supporters parviennent à « sortir du pire avec le sourire ».

« Et si je commençais à tenir des propos racistes, que feriez-vous ? demande le médiateur. “Je vous questionnerais : +pourquoi tu dis ça ?”, répond-on. « Il faut entrer dans un débat pour lui montrer ses défauts », dit un autre.

« Et quels sont les risques en faisant ça ? », leur demande-t-elle. “Rien!” » répondent les jeunes, conscients qu’il n’y a pas un petit acte de résistance.
Et tout le monde éclate de rire lorsqu’un des anciens lui demande s’il peut en venir aux mains, comme l’ont fait les Winners dans les années 80 pour chasser les « faschos du stade ».

“S’il y a un groupe qui s’est démarqué, qui a lutté contre la montée du fascisme dans les stades, c’est nous”, rappelle de sa voix rocailleuse Rachid Zeroual, figure des South Winners, le groupe de 7 500 adhérents qui enflamme le virage sud. du mythique stade Vélodrome de Marseille.

Aujourd’hui, il espère qu’« ils s’éclateront » dans ce lieu de mémoire pour prendre conscience de la « réalité » du fascisme, dans le contexte de la montée de l’extrême droite en France et des actes antisémites consécutifs à l’embrasement au Moyen-Orient. après l’attaque sans précédent du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023 et les représailles israéliennes très meurtrières à Gaza et au Liban.

“Je ne veux pas que ça dégénère et j’avais peur que ça atterrisse à Marseille, que des jeunes s’entretuent pour des histoires lointaines et auxquelles, en fait, ils ne comprennent rien.”

La ville portuaire, qui a accueilli des vagues d’exilés venus d’Arménie, d’Italie et du Maghreb, compte aujourd’hui des communautés juives et musulmanes parmi les plus importantes de France.
Les groupes de supporters de l’OM ont toujours affiché des valeurs antiracistes fortes mais “quand on voyage, on est confronté à des groupes qui ont des idéaux fascistes, on voit des saluts nazis”, raconte Jules Sitruk, 26 ans.

Mohamed-Ali Ahmaidi, 21 ans, s’est dit « touché » de traverser les allées du camp, glaciales en ce jour de mistral (un vent sec venant du nord), et d’imaginer les internés dormir sur cette terre rouge argileuse et poussiéreuse. un terrain où tout le monde toussait et crachait du sang.

« Il ne faut pas toujours croire ce qu’on voit, notamment sur les réseaux, au téléphone. C’est très important de savoir ce qui s’est passé », estime-t-il. Pour lui, au stade il faut pouvoir continuer à “manger ensemble, boire un verre”, sans oublier surtout ce que “chacun peut apporter à l’autre”.
« Le communautarisme est de plus en plus présent car les gens ne vivent plus ensemble », explique Emmanuel Cayo, 26 ans.

Le vivre ensemble, une obsession chez les South Winners qui multiplient les initiatives depuis le 7 octobre 2023 pour éviter une importation du conflit.
“Et si on exportait plutôt la paix ?”, sourit Haïm Bendao, assorti kippa et t-shirt noir et veste kaki, qui travaille depuis 25 ans dans les quartiers nord de Marseille et figure du dialogue interreligieux dans la ville.

En janvier, ils débrieferont cette visite. “Je veux que ce qui doit être dit violemment ou pas violemment soit dit (…) Je veux arriver à cette discussion sur le conflit israélo-palestinien et ne pas tout mélanger”, espère-t-il.
« Si cela change un des 60, c’est toujours une victoire. Et ça va faire réfléchir beaucoup de monde », conclut Rachid Zeroual.

 
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