«On a exagéré»… Le raid sur Adidas qui laisse une tache sur le tableau

«On a exagéré»… Le raid sur Adidas qui laisse une tache sur le tableau
«On a exagéré»… Le raid sur Adidas qui laisse une tache sur le tableau

Au tribunal correctionnel de Paris,

Après le faux départ de la veille, le procès de l’affaire Paul Pogba est enfin entré dans sa phase concrète, mercredi, avec l’audition du premier des six prévenus, Machikour K, présent sur les lieux le soir du 19 mars 2022. , lorsque l’international français a été braqué par deux hommes armés et cagoulés. Si le programme annoncé la veille par le Président prévoyait d’entendre trois d’entre eux, le long délai pris par les magistrats n’a pas permis aux deux autres accusés, Adama C. et Mamadou M., de passer à la barre.

Pendant près de quatre heures, sans interruption, Machikour M. a répondu aux questions des différentes parties dans le but d’éclairer le tribunal sur la chronologie et le déroulement de cette affaire d’extorsion qui aurait pu tourner au drame. Cet homme de 35 ans, originaire du quartier de la Renardière à Roissy-en-Brie, où a grandi la famille Pogba, s’est déclaré plus proche de Mathias Pogba que de Paul, même s’il avait des relations avec lui qu’il définira comme « fraternelle » et « faite de respect mutuel ».

Le « généreux » M. Pogba

En effet, il faisait visiblement partie du premier (ou deuxième) cercle de l’ancien Mancunien, puisque ce dernier lui versait régulièrement, depuis des années, des sommes comprises entre 5 000 et 15 000 euros, par virement ou en espèces. « Paul était une personne généreuse. Il nous a toujours dit que si jamais nous avions besoin de lui, nous pourrions lui demander », explique-t-il.

En effet, en plus de cet argent de poche déjà généreux qu’il lui verse sans aucune compensation, Pogba a également donné 150 000 euros à Machikour K. et Adama C. pour leur permettre d’ouvrir un fast-food, Tasty’s, à Pontault-Combault. Mais durant l’année 2022, alors que les deux amis restaurateurs s’étaient vu promettre un nouveau versement de 150 000 euros, Paul Pogba a décidé de couper le robinet du cash et de mettre de la distance entre lui et ses amis du quartier. Lorsque le Président lui demande si cela n’aurait pas un lien avec ces dons généreux (et récurrents), l’accusé réfute. “Notre relation n’était pas que financière”, assure-t-il.

Une « soirée entre amis » qui tourne mal

Pourtant, c’est beaucoup d’argent, ceci et bien d’autres, qui seront évoqués lors de la fameuse soirée du 19 mars 2022 dans un appartement de Montévrain, en Seine-et-Marne. Alors qu’il avait initialement prévu de rejoindre ce soir-là des amis d’un autre cercle, après avoir fait un détour par la Fox, Pogba est invité à suivre ses amis d’enfance et à changer de programme. “Je pensais qu’ils voulaient parler d’argent, régler des problèmes entre hommes”, a déclaré Pogba à la police. S’il assure de son côté qu’il ne s’agissait à l’origine que d’une “rencontre entre amis”, Machikour K. admet néanmoins qu’il s’agissait aussi de “mettre les choses au clair” et d’évoquer la promesse non tenue concernant le deuxième versement de 150 000 euros.

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La suite est connue : au bout d’un certain temps, Roushdane K., le frère de Machikour, lui a demandé de quitter l’appartement afin de le laisser seul avec Paul Pogba. Ce n’est qu’à ce moment-là que les deux hommes cagoulés ont fait irruption dans le logement, avant de le menacer à l’arme lourde et de réclamer 13 millions d’euros. Bien qu’il n’ait pas été témoin de la scène, Machikour a vite compris dès son retour à l’appartement que « l’ambiance avait changé », sans chercher à comprendre ce qui venait de se passer. Ce n’est que le lendemain, selon lui, que son frère lui a expliqué la scène du braquage.

Virée shopping Adidas, comme si de rien n’était

Malgré la gravité évidente de la situation, et c’est un point qui ne manquera pas de surprendre le président et les avocats de la partie civile, un événement d’une toute autre nature se produira seulement 72 heures plus tard. Alors qu’ils se disent de parfaits inconnus (et donc victimes aussi) du braquage et de la tentative d’extorsion, ces mêmes amis vont demander au champion du monde 2018 s’ils peuvent se rendre au magasin Adidas des Champs-Elysées pour profiter du crédit. Pogba a pour égérie la marque.

S’il déclare avoir l’habitude de le faire « deux ou trois fois par an », pour des achats « entre 2 000 et 3 000 euros » sur le compte du footballeur, cette fois-ci, la virée shopping aux frais de la princesse prendra en charge des proportions stupéfiantes. «On a abusé, on était dans l’euphorie», reconnaîtra volontiers Machikour K. Un joli euphémisme puisque la facture s’élève cette fois à… 57 785 euros, en trois visites, entre le 23 et le 26 mars.

Il faudra même un camion (et une chaîne humaine d’employés du magasin) pour expédier les quelque 800 produits arborant la marque aux trois bandes. Et alors qu’il avait déjà contacté à deux reprises le service marketing d’Adidas pour augmenter son budget, Pogba va finalement devoir venir en personne régler le trop-plein d’impayés. Oh, presque rien, 17 000 euros avec une carte de crédit. «Paul a été surpris par le montant», raconte Machikour K. «Il n’était pas content. » En plein rassemblement avec l’équipe de , et alors que trois jours plus tôt il avait un M16 pointé au visage, nous serions moins.

Une séquence de faits qui interroge

C’est ce point qui laisse les magistrats sans voix. Et l’un des deux procureurs lui a demandé : « Comment, après ce que votre ami a vécu dans cet appartement, pouvez-vous vous retrouver à faire ce que le gérant du magasin Adidas lui-même a qualifié de perquisition ? « . «Je n’avais pas évalué l’ampleur de la chose», répond laconiquement le garçon, les traits tirés après quatre heures passées à la barre.

On comprend implicitement que cela n’accrédite pas la thèse d’une seconde bande de braqueurs, très bien informés pour connaître l’adresse de l’appartement de Montévrain, qui aurait agi sans le concours de l’accusé. Pour les enquêteurs, il faudrait plutôt voir dans l’épisode sur les Champs-Elysées la volonté de Pogba de calmer les ardeurs de ses amis gourmands, en leur faisant profiter à profusion de survêtements, maillots de foot et autres chaussures.

Pour l’avocat du prévenu, Me Yves Leberquier, ces deux événements ne peuvent être liés pour expliquer la culpabilité de son client. Pour preuve, il cite ce témoignage du directeur du magasin Adidas, qui a déclaré lors de son audition devant la police que “Paul Pogba semblait également détendu à son arrivée, jouant même au ballon avec les enfants dans le magasin”. Pourtant, le déroulement de ces quelques jours et le contraste entre les violences du 19 mars et la légèreté des jours suivants ont de quoi laisser perplexe. Les prochaines audiences permettront peut-être d’éclaircir tout cela, ainsi que les innombrables autres zones d’ombre que la cour n’a pas toujours su aborder en profondeur.

 
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