La boxeuse Imane Khelif a raison de dire qu’elle est une femme. Ce n’est pas mon avis, mais celui des endocrinologues, qui sont les plus crédibles dans ce débat.
Si la boxeuse championne du monde olympique souffre effectivement de la maladie que les médias lui ont attachée, elle a les atouts physiques d’un homme, mais n’est pas non plus au même niveau physique que les hommes. J’y reviendrai.
La semaine dernière, un média français affirmait avoir obtenu du boxeur un rapport médical rédigé par deux endocrinologues, dont le Français Jacques Young. Ce rapport précise que Khelif souffre d’un déficit en 5 alpha-réductase, une maladie rare pouvant déformer les organes génitaux. Dans le reportage, il est même précisé que l’Algérienne n’a en réalité pas d’utérus et qu’elle aurait des testicules à l’intérieur de son corps.
Ce média controversé a été accusé de fausses nouvelles. Imane Khelif a porté plainte pour harcèlement notamment contre lui.
Le problème dans tout ça, c’est que ce rapport qui amène beaucoup de personnes à qualifier Imane Khelif d’homme conclut plutôt que le boxeur doit être considéré comme une… femme.
Agenda antitrans
Vous avez bien lu. L’endocrinologue qui a co-écrit le rapport, Jacques Young, a répondu à tout cela la semaine dernière dans le média allemand DW, affirmant que son nom avait été utilisé pour transmettre de la désinformation afin d’alimenter l’agenda anti-trans. Le média DW a retranscrit un passage du rapport qui indique que « du point de vue des antécédents médicaux, le sexe féminin est toujours favorisé ».
En revanche, l’endocrinologue n’a jamais nié l’existence du rapport, rappelant son devoir de secret professionnel. Mais bref, si cette relation existe, Imane Khelif doit-il être considéré comme un homme ou une femme ?
J’ai longuement discuté avec un endocrinologue québécois pour mettre les choses au clair. Elle ne veut pas être identifiée, car elle n’a pas le temps et ne veut pas être la cible de vilaines choses.
Horrible maladie
Le déficit en 5 alpha-réductase est une maladie horrible et extrêmement rare. Il faut deux parents qui ont un gène défectueux. On ne les voit presque jamais au Canada. Des familles nombreuses avec des membres touchés ont été trouvées en République dominicaine, en Turquie et en Égypte, entre autres, selon un rapport de MedlinePlus.
Les bébés naissent avec des organes génitaux déformés. Ainsi, un enfant peut avoir ce qui ressemble à une cavité vaginale, mais ce n’est pas le cas. Il a des testicules dans le ventre.
Avant la puberté, à moins que des tests soient effectués, il est pratiquement impossible de savoir si un enfant souffre de ce problème. Surtout en Algérie, où le système de santé n’est pas des plus développés et où les questions de différenciation sexuelle ne sont pas très populaires.
Et à la puberté, cela devient tragique pour les personnes touchées. Petit à petit, ils comprennent qu’ils ne savent plus vraiment comment s’identifier. Ils comprennent qu’ils ne pourront pas se reproduire. Ils se demandent pourquoi leur voix change. Sur le plan sexuel, ils se demandent ce qui leur arrive. Et ce processus ne se produit pas du jour au lendemain. Cela peut prendre beaucoup de temps à établir.
Au niveau chromosomique, les femmes qui souffrent de cette maladie sont des hommes.
Alors c’est un homme ? Non.
Mais ce n’est pas si simple. En fait, ces personnes ne rentrent dans aucune case.
D’une part, ces personnes ont des testicules cachés qui produisent de la testostérone. Ils ont donc plus de force et plus de cardio.
En revanche, leur maladie leur fait manquer de dihydrotestostérone, contrairement aux hommes. La dihydrotestostérone est utilisée pour la virilisation. Aux cheveux, aux glandes sudoripares, et cela peut aussi influencer la partie musculaire.
AFP
Autrement dit, ceux qui souffrent d’un déficit en 5 alpha-réductase n’ont pas toutes les caractéristiques physiques d’un homme. Loin de là.
C’est pourquoi ces personnes ne rentrent pas dans une catégorie. Et c’est pour cela qu’Imane Khelif a raison de dire qu’elle est une femme si elle souffre effectivement de cette maladie. L’endocrinologue à qui j’ai parlé en est également convaincu.
Imane Khelif peut-elle lutter contre d’autres femmes qui n’ont pas les mêmes avantages ? Non, c’est injuste. Peut-elle lutter contre les hommes ? Ni l’un ni l’autre. Elle n’est pas au même niveau. Et il ne s’agit pas de tricher, me rappelle l’endocrinologue. Elle est prisonnière dans ce bordel identitaire complexe.