Assis sous l’auvent installé devant le pullman Soudal Quick-Step, Mikel Landa semble concentré et détendu. Pendant que Patrick Lefevere, chapeau de paille sur la tête et chemise blanche ouverte, se fourre rapidement un morceau de pizza dans le ventre, l’ambiance est bonne au sein du Wolfpack. Comme ses coéquipiers, le Basque est content du maillot jaune de Remco Evenepoel, même s’ils sont tous deux tombés, tout comme la moitié du peloton, à vingt kilomètres de l’arrivée à Saint-Priest sur une route devenue patinoire. L’Espagnol de 34 ans est prêt à participer du mieux qu’il peut à la défense du leadership brabançon.
Il s’est également remis d’une fracture de la clavicule – «le sixième déjà”, sourit-il avec une pointe de fatalisme – il compte avant tout utiliser ses qualités de grimpeur et son immense expérience pour aider le vainqueur de la Vuelta 2022 à réussir son premier Tour de France, qui s’élancera dans trois semaines de Florence (29 juin au 21 juillet). Dans sa langue maternelle, il a pris le temps de nous faire part de ses espoirs pour la Grande Boucle, course unique au monde dans laquelle il a pris la 4e place à deux reprises (en 2017 et 2020).
Mikel, tu as fait plusieurs fois les trois grands tours. En quoi le Tour de France est-il différent du Giro et de la Vuelta ?
« Le Tour est le sommet pour un coureur. Tout le monde veut y être un jour. Et quand on y arrive, on se met beaucoup plus de pression. Il faut aussi faire face aux attentes extérieures, du public, de vos employeurs… Tout est plus grand qu’en Italie ou en Espagne. Vous ressentez une excitation différente.
mouetteAu lieu de cela, j’essaie de lui parler de choses positives, du plaisir qu’il aura chaque jour sur le Tour.
Avez-vous dit à Remco à quoi s’attendre ?
« Je crois qu’il est conscient de tout ce contexte. Il est habitué. Au lieu de cela, j’essaie de lui parler de choses positives, du plaisir qu’il aura chaque jour sur le Tour. Tout ce qu’il fait de bien sera amplifié, comme aucun autre événement. De manière générale, je trouve Remco très paisible. Si je vois des signes de stress excessif, j’essaierai de le rassurer. Je suis là pour ça aussi.
Vous demande-t-il des conseils ?
“Parfois oui. Des petites choses, des détails qui peuvent faire la différence. Je pense que Remco compte encore un peu sur moi car il est conscient que je sais comment fonctionne le Tour.
Il ne sera pas le grand favori pour la victoire finale. On imagine que c’est une bonne chose pour lui, ainsi que pour l’équipe…
“Bien sûr. Il est déjà suffisamment sous pression comme ça. Découvrir la Grande Boucle avec le statut de favori ne servirait pas ses intérêts, même si Remco est habitué à vivre avec d’énormes attentes. Et l’équipe ne sera pas obligée de contrôler la course du début à la fin. D’autres armadas devront s’en charger. Cela nous permettra d’aborder la course sereinement, même si je sais que le Tour démarre souvent à cent à l’heure.
Comment définiriez-vous votre rôle au sein de l’équipe ?
« On pourrait dire que je suis une sorte de guide pour ces jeunes. Je devrai aussi pouvoir prendre la parole lors des moments clés de la course, être le relais des directeurs sportifs au sein du peloton. Honnêtement, j’aime être avec tous ces enfants. Nous n’avons peut-être pas tous les mêmes idées ou intérêts, mais en leur présence je me sens un peu plus jeune. (il rit).»
mouetteEn fait, Remco sera le leader de l’équipe et je serai le capitaine.
Vous ne serez pas seulement le principal soutien d’Evenepoel en montagne…
“Non non. Ce serait trop simpliste de se limiter à cela. Lorsqu’il faudra prendre une décision rapidement, lorsqu’il faudra calmer les troupes, je devrai être présent pour que Remco puisse se concentrer pleinement sur sa course. C’est complètement différent du statut de leader que j’ai sur certaines courses mais j’ai hâte de remplir cette mission. En fait, Remco sera le leader de l’équipe et je serai le capitaine. Mais ce n’est pas forcément dans ma nature. Mais je me sens capable de le faire. Je vois que les gens m’écoutent.
Quelle est la clé pour réussir à gérer la courte période entre la fin du Dauphiné et le départ du Tour ?
« Le Dauphiné vous permet de savoir exactement ce qu’il faut régler pour le Tour. Par exemple : si vous sortez tout juste de ces huit jours de course, vous savez que vous devrez travailler plus que si vous êtes déjà très compétitif. Dès lundi prochain, il faudra essayer d’avancer sereinement, sans vouloir trop en faire et sans tomber, même si on ne peut pas vivre avec cette peur. En fin de compte, il sera impératif de rester frais pendant l’entraînement.
Sur la base de quel résultat estimez-vous que Soudal Quick-Step sera satisfait de son Tour de France ?
»Je dirais que si Remco termine dans le top 5 à Nice, ce sera une réussite. Collectivement, nous ne sommes peut-être pas aussi forts que les Emirats Arabes Unis ou les Visma qui connaissent très bien cette course, mais vous pouvez compter sur nous pour leur rendre la vie difficile… »
