Nicole Niquille, la pionnière –
La vie incroyable du premier guide de montagne suisse
La Fribourgeoise de 68 ans consacrait son quotidien aux sommets jusqu’à cet accident qui la privait de l’usage de ses jambes, mais pas de la possibilité d’avancer.
Publié aujourd’hui à 10h59
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- En 1986, Nicole Niquille est la première femme à obtenir un brevet de guide de montagne en Suisse.
- Un accident l’a rendue paraplégique, mais elle reste positive et active.
- Elle a aidé à construire un hôpital au Népal pour soutenir les femmes et les enfants.
- A 68 ans, elle continue de rêver et d’explorer la montagne autrement.
Quiconque cherche à se calmer bénéficierait d’une discussion avec Nicole Niquille. Une bonne humeur contagieuse, un sourire qui ne s’efface que pour évoquer les nombreux drames vécus tout au long de ses riches 68 années passées sur terre, et une capacité à avancer encore et encore : la Fribourgeoise fut la première guide de montagne suisse. Elle a fait des Alpes son terrain de jeu. Elle a également réalisé des expéditions, dont une au Népal pour gravir le dangereux K2 dans les années 1980. Sans oxygène, mais avec une âme d’alpiniste.
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De l’alpinisme pur et dur, bien loin des projets d’Inoxtag ou d’autres YouTubeurs. « La nouvelle alpinisme est extrêmement limitée. C’est l’Everest, c’est le Mont Blanc, c’est Ama Dablam parce que c’est beau. Il existe encore des zones d’aventure, mais l’Everest doit être exclu.»
Elle a pu pratiquer pendant près de huit ans avant qu’un accident ne la rende paraplégique. « Le passé est le passé. Cela doit me servir d’expérience. Le présent porte bien son nom. C’est un cadeau, car je suis là aujourd’hui, je me suis réveillé ce matin. Et l’avenir, c’est à rêver », philosophe-t-elle en nous servant un verre d’eau.
On comprendra vite qu’elle n’est pas du genre à se morfondre sur son sort. En revanche, cela ne la dérange pas du tout de parler de ses années d’alpinisme : « Je peux en parler sans que cela me fasse pleurer. » Et particulièrement dès le début, avec cet accident de moto qui a failli lui arracher la jambe gauche à l’âge de 18 ans. Le médecin lui conseille de pratiquer un sport doux. Nicole Niquille a accepté de partir à la montagne avec sa sœur jumelle, avant de tomber amoureuse d’un montagnard. «C’est ça qui a déclenché», rigole-t-elle.
Pionnière malgré elle
Le couple passait alors tout son temps libre en altitude, mais le professeur en voulait plus. Ses longues vacances ne suffisent pas à assouvir sa soif de liberté en montagne. Elle a donc décidé de passer le brevet de guide, sans savoir qu’aucune femme ne l’avait fait auparavant. Sa jambe gauche, dépourvue d’un muscle, ne le gênait pas trop. « En chaussures de montagne, le pied restait carré. Je n’avais pas de crampes contrairement aux autres», sourit-elle.
Les médecins consultés n’ont pas voulu signer son certificat médical, indispensable à la formation de guide. Nicole Niquille a insisté auprès d’un ami médecin, qui a cédé. « Si je n’arrive pas à réussir le cursus, je ne le ferai pas. C’est tout.
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C’est ainsi qu’en 1986, les guides de montagne suisses comptaient dans leurs rangs la première femme. Elle a réussi l’examen sans traitement particulier.
«Il y avait un candidat de Zermatt qui pesait 106 kilos. Nous avons été mis en binôme pour examiner les équipes de deux. L’un joue le rôle de guide, l’autre de client. Et à un moment donné, le client doit sauter ou glisser dans une crevasse. C’était le rôle de Paul. Lui, il était vert, rigole l’alpiniste, qui ne menait pas non plus. J’étais rouge. Parce que même si je savais qu’il allait tomber, j’avais le nez au sol.
Le rapport à la mort
Une fois son papier en poche, l’alpiniste continua sa route. Pakistan, Népal. Il y a eu cette tentative de gravir le K2 (8611 mètres), stoppée par une thrombose veineuse à la jambe. «Je savais que c’était ridicule de continuer. J’aurais peut-être pu atteindre le sommet, mais je ne serais pas redescendu.
Elle connaît assez de passionnés de montagne qui y ont perdu la vie. « Ce n’est pas une vie sans égratignures », glisse-t-elle en pensant à ses amis disparus. La mort n’est jamais très loin dans cet environnement. Avant son expédition K2, Nicole Niquille a demandé l’approbation de sa mère et de sa sœur jumelle. “Elle venait de perdre son mari dans les montagnes dans une avalanche.” Cependant, les deux ont dit oui. Nicole pourrait repartir l’esprit léger.
« L’anxiété vient de ce qu’on ne connaît pas », ajoute-t-elle. Nous devons donc faire face aux dangers connus, tels que les chutes de pierres et les avalanches, et limiter les inconnues. La montagne doit être apprivoisée, comprise, étudiée. « Il y a vraiment beaucoup de gens qui sont morts en essayant de devenir premiers », poursuit-elle. Je pense que la fierté est un sentiment à abandonner quand on veut rester longtemps en montagne, ou au moins être un ancien guide.
Toute la prudence du monde n’aurait pas empêché l’accident. Une pierre est tombée de cette falaise que Nicole Niquille admire chaque jour depuis les grandes fenêtres de sa ferme rénovée – et adaptée. Ce jour-là, elle cueillait des champignons et la pierre l’a frappée à la tête.
La nouvelle raison d’être
L’accident la laisse paraplégique. Il la force à utiliser un fauteuil roulant. Cela l’empêche de faire ce métier qu’elle aimait tant. Elle s’est alors séparée de son mari. « Il était mon infirmier, mon chauffeur, mon cuisinier… la relation n’était plus la même. C’est moi qui voulais qu’on se sépare”, explique-t-elle. Elle achète ensuite l’auberge du lac Tanay. Elle y a rencontré son mari, Marco, qui avait été chargé de refaire le câblage de l’auberge lors de la reprise. Après sept ans, une nouvelle aventure est née à Lukla, au Népal.
La population locale a besoinun hôpital. Une construction financée et soutenue techniquement par la Fondation Nicole Niquille. L’objectif : aider la population locale, notamment les femmes et les enfants, à honorer le souhait de feu Pasang Lhamu Sherpa, première femme népalaise à gravir l’Everest. La Fribourgeoise est ravie d’avoir trouvé une activité utile. Elle confie franchement qu’elle aurait aussi aimé trouver une activité lucrative. Le fauteuil roulant rend la recherche d’emploi difficile. «J’aime compter les centimes. Ça me manque de compter ce qu’il y a dans le sac le soir à la fermeture du bistro.
Sa voix trahit une déception qu’elle balaie rapidement avec son optimisme contagieux. Il fait plutôt bien, dans sa vallée privée de soleil deux mois par an.
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Car elle sait que le soleil n’est jamais bien loin, et elle apprécie d’autant plus son retour. Aussi parce qu’elle parvient toujours à revenir à la montagne, en traîneau ou en joëlette avec des amis guides ou ses nièces. « Ils sont aussi fous que moi », s’amuse l’intrépide pionnier, qui a participé il y a à peine trois semaines au Bénichon de Charmey, une course de charrettes.
Pourquoi s’en priver, après tout ? « Chez les gens de mon âge, il semble qu’il n’y ait plus de place pour les projets, pour les rêves ou pour s’écarter des normes. » A 68 ans, Nicole Niquille aspire toujours à s’élever. Non plus par les sommets, mais par tout ce que la vie peut lui offrir. Et tout ce qu’elle peut donner aux autres.
Rébecca García est journaliste à la rubrique sport. Titulaire d’un master en journalisme de l’Université de Neuchâtel, elle s’intéresse particulièrement au ski alpin et à l’économie du sport.Plus d’informations
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