La plus âgée des greffées cardiaques a reçu un rein de sa sœur

La plus âgée des greffées cardiaques a reçu un rein de sa sœur
La plus âgée des greffées cardiaques a reçu un rein de sa sœur

Aventure médicale

Doyenne des greffés cardiaques, elle a reçu un rein de sa sœur

Marinette Baud vit avec le cœur d’un autre depuis 1989. En 2003, sa sœur Janique lui donne un rein. Leur histoire extraordinaire les a unis à jamais.

Maximerutschmann

Publié aujourd’hui à 9h25

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Bref:
  • Marinette Baud a reçu une transplantation cardiaque en 1989, à une époque où la transplantation cardiaque en était à ses balbutiements.
  • Elle est aujourd’hui la plus âgée des greffés cardiaques de Suisse, selon son chirurgien de l’époque.
  • Quatorze ans plus tard, en 2003, sa sœur Janique lui donne un rein. Un lien inébranlable existe entre les deux sœurs.
  • Le duo vit presque normalement avec des contrôles médicaux réguliers.

Il faut les voir se regarder, complices, s’interrompre joyeusement dans des éclats de rire et sentir qu’entre eux, il y a des liens que rien ne saurait ébranler. Discuter avec Marinette Baud et Janique Chatenoud, c’est comprendre que les deux sœurs sont unies par une histoire intime, une aventure médicale comme peu d’autres.

Cette histoire est celle d’une jeune fille de 19 ans qui a reçu une transplantation cardiaque en 1989 – faisant d’elle, trente-cinq ans plus tard, la plus âgée des greffées cardiaques encore en vie en Suisse, selon son premier cardiologue – à qui sa sœur a fait don. un rein en 2003, pour lui permettre de reprendre une vie normale.

Virus rare à cellules géantes

Printemps 1989. Marinette Baud, qui a grandi à Pommes dans une famille d’agriculteurs, sent son corps défaillir. «Le 1est En mai, j’ai appelé le médecin pour lui expliquer que je me sentais extrêmement fatigué et que j’avais des difficultés à respirer. Déambulée entre Morges et Lausanne, la patiente est restée en observation au CHUV pendant six semaines, après que les radiographies aient montré de l’eau dans ses poumons.

Sa rencontre avec Marinette Baud, le professeur de cardiologie Jean-Jacques Goy s’en souvient comme si c’était hier. « Quand elle est arrivée aux urgences, moribonde, on s’est dit qu’elle allait mourir ! Son cœur était affecté par un type d’inflammation appelé « myocardite à cellules géantes ». Face à cette situation exceptionnelle, une solution s’impose rapidement : la transplantation.

Premiers pas des transplantations cardiaques

Mais à l’époque, les transplantations cardiaques n’en étaient qu’à leurs balbutiements en Suisse et n’ont débuté au CHUV qu’en 1987. « Les deux seuls critères pour accepter un cœur étaient le poids et le groupe sanguin du donneur et du receveur qui devaient être du même , poursuit Jean-Jacques Goy. Malgré le risque de rejet, les dix premiers greffés lausannois ont tous survécu au moins cinq ans, nous avons eu de la chance.»

Pour Marinette Baud, c’est un choc. « Je me suis dit que ma vie était finie ! À mon âge, je ne pensais pas du tout au don d’organes. La peur fait vite place à l’attente, longue et incertaine. Interrompu le lundi 10 juillet 1989, lorsque le CHUV lui annonce que l’opération est prévue pour le lendemain. C’est finalement le même après-midi que Marinette Baud passera au billard, sous les mains notamment du professeur Hossein Sadeghi, chef du service de chirurgie cardiaque. «Cela a été long», raconte Janique Chatenoud, alors que sa sœur ne se souvient pas des deux heures et demie de l’opération, mais se souvient précisément de son réveil le lendemain, à l’heure où l’horloge de sa chambre indiquait midi pile.

Du cœur aux reins

Dans les mois qui ont suivi l’opération, la patiente, aujourd’hui âgée de 54 ans, a appris à vivre avec le cœur d’un autre. « Au début, j’avais l’impression qu’il ne battait pas en fonction de ma respiration, car il n’était pas connecté à moi de manière nerveuse. Il m’a fallu un certain temps pour m’adapter.

Rien ne l’empêche cependant de reprendre son poste de vendeuse, avant de trouver un emploi à la Poste de Saint-Prex, bureau que sa sœur rejoindra également plus tard. Les problèmes médicaux de celle qui vit et travaille désormais à Orbe auraient pu s’arrêter là.

Mais au début des années 2000, ce sont ses reins qui ont commencé à lui jouer des tours. Et pour cause : la cyclosporine – un médicament anti-rejet qui a permis l’essor des greffes d’organes – s’avère avoir des effets secondaires. “A long terme, cette substance a des effets toxiques qui provoquent une insuffisance rénale chez les greffés”, explique l’ancienne cardiologue de Marinette Baud. Dialyse quatre fois par jour, la trentenaire met sa carrière entre parenthèses.

“C’était comme lui prêter 10 francs”

C’est alors que sa sœur intervient. « J’ai tout de suite dit que je pouvais lui donner un rein », raconte Janique Chatenoud comme si c’était une évidence. Pour moi, c’était comme lui prêter 10 francs ! Soumis à une batterie d’examens physiques et psychologiques, le duo ne lâche rien. « On était ensemble, c’était sympa », explique l’aîné. Nous avons même pris un Scrabble pour nous occuper ! Résultat : les analyses démontrent un taux de compatibilité proche de celui des jumelles.

Les couloirs de l’hôpital redeviennent la deuxième maison de Marinette Baud. Admises au CHUV en mars 2003, les deux sœurs décrivent une opération « assez simple » pour la receveuse, mais « très douloureuse » pour la donneuse. Pourtant, la plus jeune, dont le poids était tombé à 34 kg, se considère de nouveau en vie pour la deuxième fois. Avec le recul, elle avoue avoir « oublié beaucoup de mauvais moments » et préfère mettre l’accent sur sa relation fraternelle. « Entre nous, c’est récréation tous les jours ! Et nous avons encore un long chemin à parcourir côte à côte.

Tout faire pour retrouver une vie normale

Marinette Baud et Janique Chatenoud « vieillissent bien », pour reprendre leur expression, lâchée sur un ton plaisantin. La femme qui a subi une double greffe a du mal à se rappeler que son opération du cœur remonte à 1989 et qu’elle vit depuis trente-cinq ans avec un cœur greffé. « Son parcours médical est exceptionnel, souligne le professeur Jean-Jacques Goy. Quand je la revois, je suis toujours ému et fier, car je me dis que nos efforts lui ont sauvé la vie.

Pourtant, la vie des deux sœurs est rythmée par les examens médicaux. « Aujourd’hui, Janique court moins de risques de mourir qu’une personne qui ne se fait jamais contrôler, insiste Marinette Baud. Au quotidien, le duo doit boire plus de deux litres d’eau par jour pour réduire d’éventuelles lésions rénales. «C’est douloureux, surtout en hiver», s’amuse le donateur, tandis qu’une théière de thé Earl Grey chaud est posée sur leur table. Immunosupprimée depuis sa transplantation cardiaque, sa sœur veille à ne pas tomber malade ; elle qui avoue craindre la mort autant qu’elle aime la vie. « Je fais très attention, je me protège, mais ça ne m’empêche pas de vivre normalement !

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