Tadej Pogacar déjà au dessus d’Eddy Merckx, vraiment ?

Les multiples débats autour du « GOAT », de tel ou tel sport, de tel ou tel domaine abondent ces jours-ci. Jusqu’à présent, le vélo était plutôt épargné. Merci à un homme avant tout. Le CHÈVRE lui-même. Eddy Merckx a tué tout débat alors qu’il n’existait pas encore en créant sa propre mythologie, celle du Cannibale, l’homme qui gagnait presque tout le temps, presque partout. Merckx seul sur la planète cyclisme, c’était réglé. S’il y avait débat, il concernait le reste du peloton, le reste du monde, le reste de l’histoire.

Les comparaisons de ce type sont par nature toujours délicates et même sans doute futiles, quelle que soit la discipline, tant il est complexe de naviguer d’un champion à l’autre selon les époques. Mais c’est encore plus vrai en cyclisme, car les caractéristiques des différents leaders peuvent varier, entre courses par étapes et courses d’un jour.

Mais voilà que la moto à son tour semble contaminée par les discussions autour du « meilleur de tous les temps ». À qui la faute ? À Tadej Pogacar, dont l’extravagante saison 2024, marquée par 24 victoires dont la fameuse Triple Couronne (maillot rose, maillot jaune, maillot arc-en-ciel) nous replonge dans des temps anciens qu’on ne croyait plus tant connaître qu’est devenu ces derniers temps le cyclisme moderne. trente ans celui des spécialistes, voire monomanes du Tour. Alors Pogi est passé par là… et Eddy Merckx, un peu aussi.

Il lui reste encore un long chemin à parcourir s’il veut être meilleur qu’Eddy Merckx

C’est lui, la légende belge de 79 ans, qui a mis une pièce de monnaie dans la machine après le sacre mondial du Slovène à Zurich. Impressionné par cette victoire, et plus encore par la manière, M. Eddy est allé loin et ses propos ne sont pas passés inaperçus : «C’est évident qu’il est au-dessus de moi maintenant. J’y ai déjà pensé un peu au fond en voyant ce qu’il avait fait lors du dernier Tour de France mais, ce soir, il n’y a aucun doute« .

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Alors évidemment, si Merckx le dit, cela a plus de poids que l’avis du premier cycliste de dimanche. Mais quand même. En lisant ces mots, il lui suffisait d’avaler sa bouteille de travers à la buvette. N’était-ce pas un peu trop ? Plus qu’une surestimation de Pogacar, Merckx sous-estimait-il ses propres réalisations avec cette analyse presque péremptoire ?

Peut-être qu’il y est allé quand même. “Je faisais référence à ce qu’il a fait au Championnat du Monde, sur cette course préciseexpliquait le Cannibale à notre collègue Daniel Arribas sur Relief. C’était incroyable, et j’ai dit exactement ce que j’en pensais, mais non, au-delà de ça, je ne pense pas que Pogacar soit supérieur à Eddy Merckx. Il n’est toujours pas meilleur que moi. Il lui reste encore beaucoup de chemin à parcourir s’il veut être meilleur qu’Eddy Merckx (sourire).» Craignant un excès de pudeur pour se terminer trois jours plus tard par une double tirade à la Delon, c’est en effet un sacré retour en arrière, un exercice toujours passionnant de la part d’un ancien coureur.

Un palmarès ? Il n’y a pas (encore) de photo

Plus sérieusement, il nous semble que Merckx est plus précis dans sa précision après coup que dans sa réaction sur le terrain. Du moins en termes de palmarès. Ce que réalise Tadej Pogacar est exceptionnel et, à seulement 26 ans, il possède déjà une carte de visite dantesque, capable de le classer parmi les plus grands. Un petit rappel pour ceux qui sont étourdis ou amnésiques au cas où :

. 3 Tour de France
. 1 Tour d’Italie
. 1 titre de champion du monde
. 2 Liège-Bastogne-Liège
. 1 Tour des Flandres
. 3 Tour de Lombardie
. 1 Course d’or Amstel
. 2 Rue Bianche
. 1 Paris-Nice
. 2 Tirreno-Adriatico

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À ce stade, c’est déjà colossal et il touche à peine ce qui, en théorie, devrait constituer ses années de pointe physique. Le meilleur est donc peut-être encore à venir. Il n’est donc absolument pas impensable que cela vienne titiller le palmarès Merckx. Mais il faut encore mesurer ce qu’il y a de fou chez le Roi des Belges afin de relativiser certaines choses. Nous nous limiterons ici à l’essentiel :

. 5 Tours de France
. 5 Tours d’Italie
. 1 Tour d’Espagne
. 3 titres de champion du monde
. 7x Milan – San Remo
. 3x Paris-Roubaix
. 2x Tour des Flandres
. 5x Liège-Bastogne-Liège
. 2x Tour de Lombardie
. 3x Flèche wallonne
. 3x Paris-Nice

Le cyclisme a changé

Il a multiplié les statistiques phénoménales. Comme ces quatre victoires en quatre Grands Tours consécutifs, du jamais vu avant ou après lui (Giro 1972, Tour 1972, Vuelta 1973, Tour 1973). Mais celui-ci est peut-être notre préféré : de 1966 à 1976, il remporte au moins un Monument par an, à l’exception de 1974. Sauf qu’il compense légèrement cette année creuse avec… le premier triplé du Giro-Tour-Mondial de histoire.

Au total, 525 victoires sur route (dont 54 en une seule saison), auxquelles il faut ajouter celles remportées sur piste car, là aussi, Merckx, pilote total, était redoutable et au-dessus de la concurrence. Il a eu un tel impact sur son époque avec le fer rouge (ou jaune) que des équipes ont fini par renoncer de temps en temps à participer à certaines courses car il tuait tout suspense avant même le premier coup de pédale au kilomètre zéro. Pour ceux qui ne l’ont pas vécu, la suprématie merckxienne comporte quelque chose de surréaliste.

En termes de palmarès, rien ni personne ne peut être considéré comme comparable à Eddy Merckx. Ensuite, malgré son incroyable saison 2024, il y a certaines choses que Pogacar ne pourra jamais accomplir, tout simplement parce que son sport est devenu trop exigeant physiquement pour y aspirer. “Il y a eu une année où j’ai couru 190 jours, rappelle Merckx. Maintenant, plus personne ne dépasse les 80. Pogacar fait un peu de tout, c’est vrai, mais personne ne fait ce qu’on faisait avant, c’est-à-dire courir toutes les classiques et les Grands Tours.

On peut toujours avancer des arguments moins mesurables, comme le panache. Ensuite, ce que Pogacar a fait dimanche dernier était incroyable. UN “suicide» pour quiconque en dehors de lui-même, comme l’a souligné Remco Evenepoel.

C’est vrai, mais on oublie que Merckx était lui-même adepte des raids solitaires sous forme de prises de risques inconsidérées, la plus célèbre restant sans doute celle de l’étape de Mourenx, dans les Pyrénées, lors du Tour de France 1969 : 140 km seul au-delà Tourmalet, Soulor et Aubisque. Cinq jours avant Neil Armstrong, l’extraterrestre Merckx avait marché sur la lune.

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Je trouve les suprématies de Pogacar ou Van der Poel plus impressionnantes que celle de Merckx

Reste un argument, peut-être le plus recevable de tous. Oui, le cyclisme a changé. Il s’est professionnalisé, le niveau global s’est homogénéisé et l’internationalisation de ce sport a modifié sa nature profonde. La concurrence globale est aujourd’hui supérieure, même si Merckx a rencontré des champions de premier plan au cours de sa carrière, comme Luis Ocana.

Je ne pense pas que Merckx soit le meilleur de tous les temps», jugeait l’ancien coureur néerlandais Danny Nelissen des années 90 dans la Wielerrevue en juin dernier. Nelissen n’a ni l’aura ni le palmarès de Merckx, mais le point de vue de celui qui après sa carrière est devenu consultant dans son pays ne manque pas d’intérêt :

Merckx était un véritable professionnel qui courait en grande partie contre la concurrence des amateurs, en esprit et au-delà. Des gens qui devaient travailler à côté pour gagner leur vie. C’était un peu comme le cyclisme féminin aujourd’hui. Nous pouvons comparer avec cela, oui. Tout le monde parle des centaines de victoires de Merckx, mais il faut aussi se demander : contre qui a-t-il gagné ? Aujourd’hui, le peloton est devenu professionnel. Je trouve les suprématies de Pogacar ou Van der Poel plus impressionnantes que celle de Merckx

Une position absolument inaudible pour beaucoup, à commencer par la Belgique, mais qui a le mérite de tenter une forme de recontextualisation qui n’est pas dénuée de sens. Reste qu’avec tous les « mais » du monde, avec toutes les précautions nécessaires, Eddy Merckx reste unique. “Ce n’est peut-être pas à moi de le dire, mais si vous me le demandez, je dirais que le plus grand, c’est moi», finit par murmurer le Cannibale. Il ne s’appelait pas Modeste, mais Eddy. Et il semble ainsi plus proche de la vérité, puisqu’il a écrit des pages de cyclisme avec une encre aussi unique qu’indélébile.

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