entre la belle et la morte saison

entre la belle et la morte saison
entre la belle et la morte saison

Michelle, une septuagénaire en bonne santé, vit dans une jolie maison de campagne en Bourgogne. Entre les cafés avec sa vieille amie Marie-Claude et son potager, Michelle mène une existence tranquille. Calme mais pas serein. En effet, avec sa fille Valérie, ce n’est pas simple. Tendue, leur relation est encore mise à mal lorsque Valérie, venue confier son fils Lucas à sa grand-mère pour l’été, s’empoisonne avec une poêle de champignons cueillies par Michelle. Accident ? Tentative de meurtre ? Avec le film Quand l’automne arriveFrançois Ozon renoue avec la subtile veine psychologique de Sous le sable. Le résultat est un nouveau millésime ambigu, dont nous avons pu discuter avec le principal concerné.

“J’avais depuis un moment l’envie de faire un film sur les personnes âgées, assez invisibles dans le cinéma français, les femmes, notamment”, explique François Ozon, joint à Paris par visioconférence.

« Il n’y a pas beaucoup de rôles pour les femmes très âgées. J’entends des rôles centraux, importants qui portent le film. Je me suis dit qu’il serait pertinent de se concentrer sur les femmes qui sont à la retraite… sur une grand-mère qui vit à la campagne… »

Le contexte est donc rural, mais pas forcément idyllique… Les cinéphiles familiers du cinéma de François Ozon le savent : chez lui, plus la surface est calme, plus ce qu’il y a dessous est trouble. En l’occurrence, c’est une anecdote familiale qui donne au film sa touche inquiétante.

« Une de mes grands-tantes avait organisé un dîner pour lequel elle avait ramassé des champignons. Elle avait invité toute la famille. Sauf que les champignons étaient vénéneux, et que tout le monde tombait malade sauf elle, puisqu’elle ne les avait pas mangés. C’était un accident, mais quand même. Je n’étais pas là : mes parents me l’ont dit. J’adorais l’idée que ma grand-tante ait essayé de foutre en l’air toute la famille», se souvient François Ozon sans cacher son amusement macabre.

Par un processus d’association, l’envie du scénariste-réalisateur de faire un film sur « une grand-mère qui vit à la campagne » a réveillé ce souvenir d’enfance de la grand-tante aux champignons vénéneux.

« J’ai pensé pouvoir fusionner cette anecdote familiale avec l’histoire de cette grand-mère fictive. Et vite, cette grand-mère qui est apparemment une parfaite mamie cake à qui on donnerait le bon Dieu sans confession, je voulais qu’elle soit plus… réaliste. C’est à dire avec un passé. »

Et pas n’importe quel passé…

Créer et nourrir l’ambiguïté

Outre l’ivresse qui ne tue pas Valérie, mais la rend encore plus en colère contre sa mère, qu’elle traitait déjà de manière pitoyable, un autre événement désastreux va compliquer l’intrigue du film. De la même manière que l’on ne sait pas si l’empoisonnement était prémédité ou accidentel, ce deuxième développement est également entouré d’un certain mystère.

En fait, François Ozon entretient partout une ambiguïté absolue. Le cinéaste donne en cela suffisamment d’indices pour étayer deux thèses contraires. Bref, c’est au public de décider si certains personnages n’ont pas eu de chance ou ont commis un crime. Et encore, l’acte prémédité ne constitue pas la seule autre solution que l’accident : il pourrait aussi s’agir d’une pulsion inconsciente, d’un « acte raté »…

« Oui, absolument », acquiesce le cinéaste. Ce qui est drôle c’est que, quand je faisais une tournée en , les gens étaient prêts à se battre dans la salle, parce qu’il y en avait qui ne pensaient pas du tout la même chose, parfois au sein du même couple. Certains disaient que cette femme était une criminelle, et d’autres voyaient en elle, au contraire, une sorte de sainte. Je me suis beaucoup amusé. Je sais exactement tout ce qui s’est passé. Parce que quand on écrit un scénario, il faut tout savoir. Après, c’est vrai que j’ai fait le choix de jouer avec le public, avec qui je partage le point de vue de Michelle. Mais Michelle, elle n’a pas toutes les informations : elle ne sait pas tout. »

Entre autres à l’égard de Vincent, le fils de son amie Marie-Claude, qui sort de prison, et que Michelle prend sous son aile. Et si, dans une volonté malavisée de protéger ce dernier, Vincent avait commis l’irréparable ? Peut-être oui, peut-être non.

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« L’ambiguïté n’était pas si difficile à construire. Mon scénario était très clair et contenait toutes les ellipses qui laissaient volontairement flous certains développements. Après, les acteurs, dans l’incarnation, ont beaucoup fait pour accroître cette ambiguïté, pour suggérer une ambivalence… Hélène Vincent et Pierre Lottin sont très doués pour ça. Hélène, elle peut passer d’un coup de la bienveillance et de la douceur à une incroyable dureté. On se dit : « Mais qui a-t-elle tué ? Elle a un cadavre dans le frigo ou quelque chose comme ça ! ? » Pierre Lottin, c’est pareil. C’est un acteur qui a beaucoup de charme et, en même temps, qui devient facilement inquiétant. Les deux étaient parfaits pour cette histoire. »

Résolument énigmatique

Autre aspect crucial à considérer : les facultés cognitives de Michelle, qui s’effondrent elles aussi, peut être. Ambiguïté, ambiguïté…

« Michelle vieillit. Elle se demande si elle ne devient pas sénile. Ses souvenirs se mélangent, elle imagine des choses, elle a des apparitions… »

Avec ces hallucinations récurrentes qui entraînent, ici et là, le film vers une sorte d’onirisme réaliste, la parenté avec Sous le sable se réaffirme. Et c’était un autre film destiné à être une lettre d’amour aux actrices matures. Ainsi, après Charlotte Rampling, c’est au tour d’Hélène Vincent (Quelques heures de printemps) pour vous retrouver au cœur d’une histoire aussi prenante que résolument énigmatique.

A noter François Ozon à ce sujet : « Dans la vie, on ne connaît pas tout. Nous ne voyons pas tout ce qui se passe autour de nous. En conséquence, nous tirons parfois des conclusions erronées et nous prenons des mesures qui résultent de ces erreurs d’évaluation. Je ne voulais pas avoir un point de vue omniscient. J’ai préféré développer une sorte de puzzle : le spectateur dispose de divers éléments, et c’est à lui de construire et d’interpréter cette histoire comme il l’entend. Les gens peuvent projeter beaucoup de choses dans le film… »

Si tel est effectivement le cas, c’est aussi en grande partie à cause des nombreux secrets révélés ou gardés sous silence. En termes de dissimulations, le film se révèle aussi fertile que les sous-bois où poussent les fameuses – ou plutôt infâmes – plantes à travers lesquelles survient le malheur.

Cela vaut pour tous les personnages, sans exception. En effet, chacun, à un moment ou à un autre du film, cache quelque chose de banal ou de grave selon les cas. Ensemble, tous ces « quelque chose » contribuent à une forte impression de points forts peut-être nuisible au travail derrière l’apparente innocuité.

Encore une fois, c’est comme les champignons : malgré leur apparence inoffensive, beaucoup agissent comme un poison.

Quand l’automne arrive

★★★★

Drama by François Ozon. Screenplay by François Ozon. With Hélène Vincent, Josiane Balasko, Pierre Lottin, Ludivine Sagnier, Garlan Erlos, Malik Zidi. France, 2024, 102 minutes. In the room.

A voir en vidéo

 
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