Sous sa houlette, Montpellier vient d’enchaîner six succès. Joan Caudullo, nommé en juin dans un contexte difficile, relève le défi de reconstruire le MHR. Portrait d’un ancien joueur têtu venu dans son enfance encourager Montpellier à Sabathé.
C’est la surprise de la première partie de saison. Joan Caudullo commence sérieusement à se faire un nom dans le petit monde des entraîneurs du Top 14. Après des débuts un peu laborieux sous sa direction, Montpellier vient de remporter six matches de suite et de se qualifier pour les huitièmes de finale de Challenge Cup. . Et Caudullo ose désormais évoquer, avec prudence, son défi : se rapprocher ou s’emparer d’une éventuelle sixième place du Top 14. Ce sera son aiguillon : prouver le fameux arbitrage de Mohed Altrad en juin dernier.
Le patron du MHR avait choisi de dire au revoir au staff de Patrice Collazo qui venait de remplir sa mission, celle de sauver la place du club en Top 14 à la dernière minute. Il a privilégié une solution interne, soutenue par ceux que l’on appellera « les Montpelliérains historiques ». Joan Caudullo, patron du centre de formation, se retrouve ainsi aux avant-postes, même si au-dessus de lui, Bernard Laporte conserve son rôle de directeur du rugby. Le travail d’Altrad consistait à trouver des équilibres subtils, à la manière d’un président de la République après des élections législatives serrées. Pour l’instant, la diarchie Laporte-Caudullo apparaît comme un ticket gagnant. La première avait sans doute besoin d’un filtre, d’une sorte d’amortisseur pour que son influence puisse s’exercer pleinement sans trop heurter certaines susceptibilités. On sait aussi que Laporte a pris de front la réorganisation de l’effectif, notamment en se séparant de onze joueurs sous contrat et en « offrant » quelques pépites à son junior, dont Hogg ou Vunipola. Caudullo continue : « Le soir du barrage gagnant, j’ai reçu un appel pour rencontrer le président le lendemain matin. C’est arrivé assez vite. On m’a demandé : « Voulez-vous être celui qui mettra en œuvre un projet labellisé « Montpellier » ? Le président avait deux ou trois conditions, il y avait Benoît Paillaugue qui travaillait déjà au centre de formation, puis j’ai proposé un organigramme et il l’a accepté. Après, il y a eu différentes allégations, mais je ne veux pas juger. Ce qui compte pour moi, c’est l’image de mon club.
Chez Joan Caudullo, la notion de culture locale n’est pas un vain mot. « J’ai été formé à Jacou et je suis arrivé à Montpellier comme cadet d’Alamercery. On a fait une demi-finale, ce qui était rare à l’époque. Nous avons perdu contre Massy de Grégory Lamboley qui s’est incliné en finale à Toulouse par Frédéric Michalak.
«Je n’avais en tête que Sabathé»
Le MHR, il l’avait dans un coin de sa tête depuis l’enfance à travers un stade mythique et fou, Sabathé : « Avec mon père, j’allais voir les matchs à Sabathé. Je voulais jouer sur ce terrain. Aujourd’hui, les jeunes veulent être professionnels avant de s’identifier à un club. Je n’avais que ce stade en tête et mes références, c’étaient les joueurs que j’invite aujourd’hui en avant-matchs, le Pascal Cances, le Jean-Jacques Sauveterre.
Joan Caudullo a été soigné dans cette MRC dans les années 80 et 90, formé par André Quilis, Pascal Mancuso et son style travailleur assumé. Cet héritage l’a marqué. C’est ce qui donne à ses propos une authenticité qu’on ne retrouverait pas chez tous les coachs professionnels. Accessible, chaleureux et convivial, il ne joue pas la carte du tabac. « Pour moi, enfant de Sabathé, Montpellier est un club qui a toujours dominé devant pour gagner ses matches. Nous ne sommes pas le Stade Toulouse, par exemple. Nous ne sommes pas une équipe capable de s’imposer si elle ne domine pas. Surtout, par rapport à notre effectif, il fallait être en défense. Les six premiers en défense l’an dernier sont les six premiers au classement général. C’est pourquoi j’ai Geoffrey Doumayrou dans mon équipe. côtés Parce que. qu’il sera bientôt l’un des meilleurs entraîneurs français en matière de défense. Ça y est, j’avais besoin d’être soutenu par lui pour créer notre projet. Il résume ainsi : « On va bien défendre, être bon sur les ballons portés, bon en touche, bon en mêlée et après, on verra. Je l’avoue, Benoît Paillaugue mange actuellement son pain noir. Mais il faut comprendre que construire un projet offensif signifie est hyper compliqué et, compte tenu de nos moyens, nous avons choisi notre style. Nous savons que nous avions des piliers et des numéros 5 solides. Donc, on joue d’une certaine manière, mais c’est gagnant. Et j’ai le sentiment que les supporters nous suivent. Mais si on veut s’installer durablement dans le top 6, il va falloir évoluer. L’heure de Benoît Paillaugue viendra… »
Pour étayer son propos, il cite un match en particulier, une défaite qui plus est : 9 à 6 à Bordeaux, le 30 novembre, chef-d’œuvre paradoxal pour une équipe en reconstruction : « Nous avons tout fait stratégiquement pour leur laisser le moins d’espace possible, pour éviter leur capacité à jouer des duels et éviter le talent de Bielle-Biarrey, la lucidité de leur charnière qui voit des espaces libres. J’ai dit à mes joueurs d’être avant tout ennuyeux. Que l’adversaire se dise : « Montpellier est un désastre… »« .
Laporte comme bouclier
Son ancien coéquipier Vassili Bost, qu’il a connu en tant que pensionnaire du centre de formation du MHR, l’a vu évoluer sans surprise : «Je pensais qu’il serait entraîneur. Ce n’est pas une surprise. Johan adorait analyser le jeu, c’était un technicien exceptionnel. Et c’était quelqu’un qui, par sa psychologie, a toujours dirigé les hommes. Il était souvent capitaine des équipes pour lesquelles il jouait. On s’est mis d’accord sur le fait que le rugby commence devant. Quoi qu’il en soit, c’était un grand combattant. En raison de sa petite taille, il a gratté toutes les balles.
Joan Caudullo a donc réussi la première partie de son pari. Et Bernard Laporte, dont il n’était pas historiquement proche, est le premier à le reconnaître : « Il a apporté la sérénité. C’est un gars calme et lucide. Il fait bien vivre tout son staff, c’est le contraire d’un type autoritaire. Le témoignage concorde avec les échos provenant du Stade GGL. Caudullo n’écrase ni n’étouffe ses collaborateurs. Il ne cache pas grand-chose à ceux qui travaillent à ses côtés. « Je fais du management participatif. On regarde les images ensemble et chacun donne son avis. Je donne beaucoup la parole. J’ai beaucoup de réunions, mes collaborateurs me le reprochent parfois. Pour moi, tout doit être en place, c’est le minimum syndical. Tout le monde doit savoir où il va, mais j’ai le dernier mot car c’est moi qui vais devant les joueurs.
Entre le fougueux Laporte et le pondéré Caudullo, un mode de fonctionnement s’est instauré : le premier participe aux réunions du matin et se contente d’observer les séances. Mais d’ailleurs, est-ce un problème pour Caudullo de travailler avec un « monument » comme le Gaillacois ? « C’est le meilleur technicien français en termes de résultats. Il a marqué toute une génération. Quand on veut recruter des jeunes, je lui dis : « Les jeunes, je ne sais pas s’ils vous connaissent, mais en tout cas les parents, ils vous respectent énormément. Vous êtes donc important dans ces réunions. Je penche un peu pour ça… Je pense que Bernard m’a donné la place que je méritais. Il m’a dit : «Et voilà, le responsable, c’est vous. S’il y a un problème, c’est vous qui serez attaqué. Alors je suis avec toi. Je suis ton bouclier, je t’aiderai. Et franchement, aujourd’hui, c’est le cas. Nous avons eu des moments difficiles. Il était là avec moi, il ne m’a pas laissé partir. Il m’a conseillé quand c’était nécessaire.
On aurait tendance à comparer l’approche du sélectionneur à celle du joueur qu’il fut, talonneur de base, intouché par aucune sélection : « Mais chez les moins de 20 ans, j’étais troisième ligne ! Je ne suis devenue pute qu’après… J’ai quand même joué un match de sélection universitaire. J’ai aussi reçu, une fois, une lettre pour la France A, une sorte de pré-convocation entre soixante joueurs. Il n’était pas homme à s’adonner au rugby fantasy, tout le ramenait à la dimension pragmatique de notre époque terrestre. «Je pense que j’ai eu la carrière que je méritais. Je n’avais pas de qualités extraordinaires, j’étais petit, je n’étais pas le meilleur techniquement, je n’étais pas un très bon lanceur mais j’allais très vite vers mon poste Quand Montpellier a commencé à jouer régulièrement le top 6, c’est devenu difficile. Fabien Galthié m’a dit que je n’étais pas homme à rester sur le côté, puisque j’étais le leader. vestiaire. Oui, j’ai adoré, c’est vrai que j’étais un leader du vestiaire, avec le goût de la réflexion. Très vite, je faisais des vidéos sur mes matchs, je travaillais sur la stratégie. J’ai adoré. .»
En lisant son CV, on oublierait presque qu’il avait quitté sa ville natale pour passer sept ans à Mont-de-Marsan, sa résidence secondaire. « Une ambiance différente. Là, nous avons été reconnus dans la rue. J’y ai vécu de nombreuses bonnes années et j’y ai pris la responsabilité du centre de formation. C’est là que j’ai rencontré les Bécognée, De Nardi, Banos, Coly. Fort de sa deuxième carrière naissante, Xavier Garbajosa l’a contacté pour un magnifique retour au pays. Il le confie, son objectif était de retrouver un MHR le plus héraultais possible, plus que celui du titre 2022, même s’il ne le nie pas. Un MHR plus proche de celui qu’il a connu en 2011, lorsque le club avait atteint sa première finale de Top 14 sous la houlette d’un certain Fabien Galthié. Une équipe innovante, qui a amené le jeu en France par vagues. « Avec des attaquants qui restaient au milieu de terrain, le 1-3-3-1. J’ai tout de suite adoré, ça m’a construit en tant qu’entraîneur. C’est vrai que quand Fabien est arrivé, j’ai remarqué beaucoup de choses, il l’a vu. Quatorze ans plus tard, l’étudiant n’a pas encore égalé le maître, mais les deux hommes sont dans la même corporation et risquent de devoir discuter de la forme physique de tel ou tel joueur, préparé par l’un et sélectionné par l’autre.