Champion du monde 2007 avec les Springboks, Bobby Skinstad, nouveau vice-président de Béziers, a accepté de prendre la parole. L’occasion d’évoquer son retour dans le monde du Rugby, la genèse de son arrivée dans cette aventure mais aussi son travail de consultant en finance.
Quel est votre avis sur cette formation actuelle de Béziers ?
Je pense qu’ils vont bien ! J’ai regardé beaucoup de matches la saison dernière et j’ai trouvé qu’ils avaient terminé cet exercice de superbe façon. Ils étaient encore proches de disputer, au moins, une finale et les barrages d’accession. Je suis extrêmement satisfait de la qualité de leur jeu. Chaque équipe peut plus ou moins bien jouer mais elle affiche une certaine régularité grâce à sa très bonne défense.
Avez-vous rencontré les joueurs ?
Non, pas encore. Seulement certains. Jusqu’à présent, je voulais rester à l’écart. Je l’ai seulement dit bonjour de loin (ce vendredi après Béziers-Dax, il a à peine passé une tête dans le vestiaire, se faisant discret selon les joueurs, NDLR).
Vous retrouvez un club de rugby pour la première fois depuis votre retraite sportive en 2007, pourquoi revenir maintenant ?
J’ai étudié les possibilités d’être dans des clubs du monde entier. J’ai eu l’occasion de retourner en Afrique du Sud, en Angleterre, en Australie et même aux États-Unis. Mais Béziers, c’était la première fois que je ressentais vraiment cette excitation lorsque j’en avais l’opportunité. Je suis tellement excité… Mais je n’ai jamais vraiment lâché le monde du rugby. J’aime tellement ce sport ! J’ai été commentateur, je suis ami avec plusieurs de mes anciens coéquipiers devenus entraîneurs ou qui ont d’autres rôles dans le monde ovale. Je suis resté discret jusque-là sur mes discussions avec Béziers mais un ou deux amis qui étaient au courant m’ont félicité et m’ont dit que c’était une opportunité incroyable. Certains sont très enthousiastes car ils suivent de près le rugby français et pas seulement le Top 14, mais aussi la Pro D2.
Quel métier exercez-vous actuellement ?
Je suis consultant dans le domaine du capital-risque, du private equity, de la gestion de patrimoine et du conseil. Mon travail me passionne : il m’emmène voyager aux quatre coins du monde et rencontrer une multitude de clients. Je suis employé d’une petite société de conseil très prospère appelée Elixirr’s. Je suis particulièrement fier de les représenter et cela m’a permis de m’ouvrir au monde de l’entreprise. Cela m’a en fait aidé à examiner ce club, l’évaluation de son environnement, toutes ces choses qui sont importantes pour m’assurer qu’il s’agit d’un investissement que nous pouvons faire de manière durable. Découvrir une vie « normale » en dehors du rugby était très, très important pour moi. Je suis ouverte d’esprit et j’aime découvrir d’autres pays, d’autres cultures. C’est formidable pour moi d’avoir une perspective sur le reste du monde et sur la manière dont le rugby l’affecte.
Comment vous est venue l’opportunité de reprendre le club avec Andrew Mehrtens et Eddie Jordan ?
Je dois dire merci à Andrew. Mehrtens a joué ici avec Johnny Howard (l’ancien demi de mêlée aura un rôle au club, NDLR). Je l’ai rencontré lors d’une réunion de travail à Londres. Nous sommes restés amis après avoir joué les uns contre les autres. Nous avons eu une longue conversation sur le rugby et il m’a parlé de cette possibilité de reprendre Béziers. Je savais où c’était et je le savais parce que j’avais déjà passé des vacances dans la région.
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Et Eddie Jordan, comment s’est-il retrouvé dans cette aventure ?
Un ami me l’a présenté il y a maintenant 20 ans. Il regardait les matchs des Stormers. Il faut savoir que c’est un grand fan de rugby ! En Afrique du Sud, il possède trois ou quatre entreprises au Cap, où il pratique la voile et où il fait des courses automobiles, comme à Monaco.
Quels seront vos objectifs ici ?
A première vue, on cherchera la stabilité, le maintien des liens entre le club et ses supporters mais aussi la création d’un environnement qui incite les gens à venir. C’est un endroit formidable, avec des gens formidables. Ça doit être incroyable de jouer ici, je pense, c’est une très bonne opportunité pour les joueurs.
D’où vient l’argent de Strangford Capital, le fonds d’investissement qui possède désormais l’entité rouge et bleue ?
Nous avons collecté des fonds en groupe, entre nous. Notre structure est telle que nous avons derrière nous des investisseurs privés, ainsi que nos fonds propres. L’argent destiné au rachat du club est désormais entre les mains du maire.
Comment Andrew Mehrtens vous a-t-il vendu ASBH ?
Il m’a raconté combien il aimait son passage à Béziers, combien d’amis il s’y était fait et l’influence du club sur lui. Il m’a également parlé du lieu et de l’histoire de la région. Il m’a comparé cette partie du pays à la région viticole de Stellenbosch, en Afrique du Sud, où j’ai étudié à l’université. Vous savez, Andrew est un historien fantastique ! Il possède également une connaissance approfondie du jeu et de son histoire. Bref, il m’a aussi beaucoup parlé de « la grande époque » (en français dans le texte, NDLR) de cette génération qui a connu de belles réussites puis la renaissance de l’équipe quand il était au club et ils ont connu le retour. en Pro D2 en 2011. Tout cela m’a ouvert les yeux.
Vous êtes à 100% à Béziers ?
Non, je garderai mon travail et continuerai à voyager entre l’Afrique du Sud, l’Angleterre et les USA. Je vais me concentrer sur mon emploi du temps, sur où et comment je peux aider le club le plus. Nous avons un bureau en France, à Paris. Nous avons des clients dans toute l’Europe. Je pourrai m’occuper de mon travail et du club. Normalement, je serai là à Brive et contre Montauban.
Pourquoi garder son emploi et ne pas être tout le temps au chevet des Rouge et Bleu ?
Je serai au club à temps plein ! Mon rôle à Béziers sera d’assister et de guider la direction en place pour faire le mieux possible. J’ai rejoint le club avec la ferme intention de m’impliquer toujours plus, mais je prendrai mon temps pour trouver où je serai le plus compétent pour aider la direction. Je le vois de manière positive car j’utiliserai l’exposition que mon travail m’offre auprès des grandes marques, entreprises, tendances et diffuseurs. Ce réseau et ces innovations qu’il m’apporte bénéficieront directement au club !
Vous arrivez dans un club avec une longue histoire. Est-ce que cela vous met de la pression ?
Je me sens privilégié ! Il y a toujours de la pression, peu importe où l’on se trouve. Mais l’ASBH a une histoire incroyable ! Comme je l’ai dit plus tôt, j’ai étudié les affaires du rugby à travers le monde et ce n’est un secret pour personne que notre sport n’est vraiment pas dans une bonne situation financière. J’ai notamment étudié une possibilité de prise de relais dans un club anglais et sud-africain. En Amérique, cela n’avait aucun sens. Ici, en France, le rugby est très très solide. Français, le soutien que vous apportez à votre club local est tout simplement énorme ! Il y a des rivalités importantes, des gros matches, je trouve ça fantastique. C’est le seul regret de ma carrière : ne jamais avoir joué en équipe de France. J’ai eu la chance de jouer quelques matches en France avec les Springboks, mais ce n’était en quelque sorte qu’une introduction. J’aurais préféré jouer en club… J’ai eu des opportunités en fin de carrière avec Perpignan, Montpellier et le Stade français. Mais j’étais vieux, fatigué et nouveau père, donc je n’ai pas donné suite.
Que savez-vous de ce championnat de Pro D2 ?
J’ai fait quelques recherches à ce sujet. Andrew m’a ouvert les yeux sur la compétitivité des équipes. J’ai fait des recherches sur l’histoire de cette division car il y a eu des changements de règles et de formules au cours des dernières saisons. Maintenant, je maîtrise bien la Pro D2. Mais je ne prétends pas être un expert.
Les supporters s’attendent à voir arriver dans l’Hérault de solides joueurs sud-africains sous votre direction. Que va-t-il se passer ?
Je ne regarde pas seulement les Sud-Africains. Nous recherchons des gens bien, quelle que soit leur origine ! Mais, pour moi, l’objectif est de continuer à construire avec des joueurs de la région, dont beaucoup sont talentueux. C’est fantastique d’avoir autant de clubs autour de Béziers qui font partie du système de nourrice de clubs. C’est très sain ! Je ne taxerai donc pas les Sud-Africains. Ce que je recherche, ce sont des joueurs et des hommes qui souhaitent se lancer dans l’aventure du rugby et rejoindre une équipe qui cherche à gagner dans un avenir proche.
L’ASBH a récemment contribué à la rubrique actualité, avec Hans Nkinsi et Taleta Tupuola accusés de violences conjugales tandis que Samuel Marques s’est fait remarquer pour son mauvais comportement avec une hôtesse lors de la Rugby Night. Cela aurait-il pu remettre en cause le rachat de l’entité de Béziers ?
Non, car l’opération était déjà prévue. Des enquêtes sont actuellement menées par les tribunaux. Je ne peux donc pas commenter quoi que ce soit à ce sujet. Pour moi, cela ne gêne pas le travail de l’équipe.
Aviez-vous entendu parler de la précédente tentative de rachat de l’ASBH la plus marquante menée par Christophe Dominici et l’escroc Samir Ben Romdhane ?
Oui, nous en sommes conscients. En fait, si nous avons été si discrets et si nous avons mis autant de temps, c’est en partie parce que nous avons analysé les raisons pour lesquelles cet accord a échoué en 2020, ce qui s’est passé et l’état du club avant. Négocier avec Robert Ménard a été très simple. Il est droit, honnête et très engagé envers l’avenir du club. Cela nous a permis de garder nos discussions discrètes afin de pouvoir dialoguer pour trouver un accord sans que cela ne coule partout et ne fasse du bruit. Mais Béziers a connu des hauts et des bas et on assume tout son passé !