Catherine Deneuve confides in Philippe Lançon

Catherine Deneuve confides in Philippe Lançon
Catherine Deneuve confides in Philippe Lançon

Lorsqu’elle accélère, il est presque impossible d’écrire ce qu’elle dit. Ce n’est plus une dictée vide. C’est la maison des dames. Une porte s’ouvre, le vent passe, l’oreille entre, mais avant que la conscience puisse la suivre, la porte claque, la phrase s’en va, le sens s’en va, dans une autre pièce, il y a tellement, c’est une grande maison, sa vie, et la conversation continue ainsi, flash après flash, par morceaux. Des copeaux, coupés rapidement, qui flottent dans l’air, ne laissant soudain que de la gangue. Je lui raconte la dernière apparition de Truffaut, à Apostrophespeu avant sa mort en 1984. Avons-nous assisté à la maladie, comme on l’a dit ? Ceux qui l’ont connu, sans doute. Elle écoute, plus ou moins. Elle est partie dans ce but, sans discours et sans rendez-vous. « François, c’était en quelle année… Je suis allé le voir quand il avait… J’y suis allé… Il était… » Le visage montre pendant un très bref instant tout ce que la bouche ne dit pas, puis la punchline : « Il est mort. le jour de mon anniversaire. »

En 1985, dans le magazine ÉgocentriqueFrançoise Sagan a écrit d’elle un portrait très simple et mémorable. L’auteur de Bonjour tristesseque Catherine a lu aux Editions des Femmes, fait ce constat : « Selon leur degré de sympathie, la presse en général et ses intervieweurs en particulier parlaient de sa froideur ou de son mystère. Que la timidité et la réserve fussent considérées comme un mystère n’en était pas un, du moins pour moi à notre époque où, on le sait, l’exhibitionnisme des uns va au grand galop à la rencontre de l’indiscrétion des autres. d’autres, et où l’intérêt de l’enquêté pour lui-même non seulement répond à l’intérêt de l’enquêteur mais le dépasse très souvent. » Ce qui dérange Catherine, c’est cette manière ostentatoire et douloureuse qu’ont tant de gens de donner à la société exactement ce qu’elle veut. Les héroïnes qu’elle a le mieux interprétées sont dépourvues de cette vertu. Fluoroscopie Inter, 1973 : « Pour moi, la trahison n’est pas une tragédie, car la trahison est une chose humaine. C’est une faiblesse que je peux comprendre, et donc que je peux pardonner. ” Liberté? « Jusqu’à présent, je le prends et je ne le paie pas. » Cela n’a pas changé.

poète russe

Tu vas voir la grande Catherinel’expression ne vient pas de spécialistes de l’histoire russe. Catherine est allée là, là. C’était dans les années 70, Maxime Le Forestier était en tournée, « il était de gauche », sourit-elle, de ce sourire sauvage très vif et vite renfermé. Maxime Le Forestier était à Moscou et elle y était aussi. Elle ne connaît plus trop les dates et à quoi ça sert de vérifier, ce qui compte c’est l’ambiance, les discussions, les rires, la vodka, et cet appartement où il y avait Marina Vlady « si belle avec ces yeux et ce visage, et son poète, comment s’appelle-t-il déjà… un grand poète, connu… pas Robert Hossein ! » Moi aussi, j’avais oublié ; mais est-ce que je le savais ? Je vérifie plus tard : le poète est Vladimir Vysotsky. Grand chanteur, grand acteur de la contre-culture russe contre la raffole de Moscou. Talent, alcool, tabac, nuits blanches. Mort à 42 ans. Nombreux sont les vivants et les morts qui traversent l’existence au galop de la grande Catherine, les uns ne poursuivant pas les autres, mais se contentant, à un moment donné, d’occuper le devant de la scène.

Comment ne pas penser à la mort ? Après l’accident vasculaire cérébral, lorsque le Covid est arrivé, Catherine avait une employée philippine, Mildred, qui vivait avec elle pendant quatre ans. Un jour, alors qu’elle se promène dans le quartier, Mildred l’interpelle. Elle ne se sent pas bien. «Je suis rentré à la maison, je l’ai regardé, j’ai vu que c’était fini. J’ai appelé l’ambulance, ils l’ont emmenée, elle est décédée à son arrivée à l’hôpital. » Ses trois meilleurs amis ont disparu. L’un d’eux était un spécialiste des poupées anciennes. L’autre était Jacques Wolfsohn, le directeur artistique de Dutronc et Hardy. La troisième s’appelait Marianne. Elle l’avait connue dans la « bande de la Place d’Iéna », celle de Vadim, Marquand et les autres, au début des années soixante. Marianne élevait ses enfants, n’avait pas de travail. « Elle a perdu sa fille dans un accident, comme ma sœur. Ce chagrin nous a liés. Elle était si gentille, si douce. Elle a vraiment eu un… Je ne sais pas si c’est le fait de ne pas avoir été confrontée à… » Son esprit se dirigea quelque part, dans un souvenir, très vite, très loin, là où les mots ne sont pas.

 
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