François Arnaud fait un premier grand rendez-vous avec la scène TNM

François Arnaud fait un premier grand rendez-vous avec la scène TNM
François Arnaud fait un premier grand rendez-vous avec la scène TNM

« La fête sera belle parce que nous y serons la beauté ? Même ennuyeux, serions-nous là pour vous faire rêver ? » Ces questions posées par David, le personnage incarné par le comédien François Arnaud, sont au cœur du texte de Michel Marc Bouchard qui s’apprête à être créé au Théâtre du Nouveau (TNM) dans une mise en scène de Florent Siaud. Malgré ce que son titre pourrait suggérer… Une fête d’enfants —, la pièce est une tragédie, un conte moderne où la beauté représente à la fois le seul espoir de salut et le plus fatal des pièges.

Quatorze ans après avoir été contraint de refuser le rôle-titre de Tom à la ferme at the Center du Théâtre d’Aujourd’hui to accept that of César Borgia in the series Les BorgiaFrançois Arnaud, 39 ans, s’apprête à jouer son premier grand rôle sur une scène montréalaise, un personnage complexe qui a été écrit pour lui par Michel Marc Bouchard. “C’est une magnifique aventure”, explique le comédien. Dans ce métier pas toujours facile, où il faut sans cesse convaincre tout le monde qu’on est capable d’être ce qu’on n’est pas, je m’efforce de suivre les personnes qui me font confiance, et Michel Marc en fait certainement partie. »

Arnaud est d’autant plus reconnaissant de voir cette collaboration se concrétiser qu’au fil des années, quelques projets de théâtre, à New York et Montréal, ont échoué faute de disponibilité ou de confinement. « C’est un défi que je souhaitais depuis longtemps, révèle-t-il, mais qui en même temps me fait peur. J’oserais dire qu’être sur un si grand plateau, souvent seul, me procure un certain stress. En fait, j’ai fait un cauchemar il y a quelques nuits où on m’a dit lors de la première que la pièce était une comédie musicale. J’ai dû improviser des mélodies. C’était l’enfer ! Lâcher prise, face à cette nervosité, c’est tout ce que je peux faire. »

Durant la pandémie, Michel Marc Bouchard a envoyé à François Arnaud un monologue intitulé Le crapaud. «C’est comme ça que j’ai découvert le personnage de David», raconte celui que la crise sanitaire a poussé à quitter les États-Unis pour revenir au Québec. Au début, j’ai été rebuté parce que c’était très agressif, très sexuel. Je me demandais vraiment ce que Michel Marc pouvait bien voir en moi qui l’incitait à être aussi narcissique, voire sociopathe. Puis, un an et demi plus tard, après avoir lu une nouvelle version du texte et en avoir discuté avec Michel Marc, j’ai compris que c’était mon talent d’acteur qui lui suggérait un tel monstre, et non ma personnalité. »

La beauté du diable

D’une beauté ravageuse, d’une élégance rare, image même de la perfection physique, sociale et professionnelle, orthodontiste propriétaire d’une maison en banlieue, marié au bienveillant Nicolas (Iannicko N’Doua) et père de deux adorables petites filles de 7 et 9 ans. ans, David (François Arnaud) est un maniaque du contrôle. Obsédée par les apparences, par la réussite, par l’accomplissement, c’est une véritable bombe à retardement.

En tant qu’homosexuel, il se donne une responsabilité supplémentaire, celle de correspondre à une norme, un modèle de pureté et de monogamie, une pression qu’il formule ainsi : « Nous sommes parfaits. Nous sommes idéaux pour cacher la faute. Idéal pour combler le vide. Idéal pour ne pas être rejeté. Idéal pour être accepté. » Un jour, alors que la famille homosexuelle rend visite à Claire (Sylvie Drapeau), une artiste plasticienne qui a organisé avec le plus d’enthousiasme possible une « fête d’enfants » pour souligner l’anniversaire de son petit-fils, survient un événement qui pousse le héros hors de son piédestal, déclenchant les engrenages d’une terrible tragédie.

Sur le plan thématique, la pièce flirte avec la critique sociale, notamment en décrivant le narcissisme rampant de notre époque, mais elle le fait en restant à l’écart des sermons, de manière plutôt métaphorique, tragique, voire mythologique, n’hésitant pas à convoquer les figures de Narcisse. , Tirésias, Médée et Icare. Cette matière formellement vertigineuse, où les trois protagonistes sont indissociables tout en appartenant à des univers distincts, où plusieurs personnages secondaires (comme les enfants) ne sont présents sur scène qu’à travers leurs voix, semble idéale pour Florent Siaud, lui aussi à l’aise avec Molière et Racine. comme avec Sarah Kane et Joël Pommerat.

Dans ce brouillard à couper au couteau, un espace que Cocteau ne renierait pas, un lieu digne des contes de fées, aux ombres furtives et aux échos inquiétants, un monde suspendu qui se déroulera sur le plateau du TNM grâce à Romain Fabre (scénographie), Nicolas Descoteaux (éclairage), Vincent Legault (musique) et Félix Fradet-Faguy (vidéo), le personnage de David agit en quelque sorte comme un narrateur, maître d’une inquiétante cérémonie. “Nicolas était affable”, a déclaré Claire dans la pièce. Il lui serra la main. David semblait ailleurs. Comme s’il jouait. Comme si la fête était un décor qui lui était venu. Comme si nous étions des figurants dans son histoire. »

Un personnage aux aspérités

Même s’il n’est pas rare que son nom figure dans les listes des plus sexy d’ici et d’ailleurs, François Arnaud avoue être relativement peu intéressé par cette dimension de son travail. « À mesure que le temps fait son œuvre, dit-il avec un sourire narquois, mon apparence me revient de moins en moins souvent, et cela me convient parfaitement. En tant qu’acteur, j’essaie de rester à l’écart de tout ce qui repose avant tout sur la beauté. Je suis même réticent à jouer un rôle principal si cela implique de jouer une personne jolie et douce. Cela m’a certes fait perdre des contrats importants, mais pour vouloir jouer un personnage, je dois me sentir poussé par lui. »

En ce sens, le personnage principal deUne fête d’enfants a de quoi fasciner l’acteur, puisqu’il est aussi beau que crasseux, pétri de paradoxes fertiles. « David a un point commun avec César Borgia et Vincent Lacroix, précise Arnaud. Comme eux, il use de son charisme et a des mœurs quelque peu lâches. Il a son propre code d’honneur, un mélange de perversion et de lucidité qui le rend très intéressant à mes yeux. »

Alors que David a sans doute quelque chose de monstrueux, qu’il est un gouffre avec le pouvoir de tout avaler, l’acteur a emprunté un autre chemin pour rencontrer son personnage. « Plutôt que de le diaboliser, plutôt que de le pointer du doigt, je l’ai rapproché beaucoup plus de moi. J’ai accepté de me regarder en lui comme dans un miroir, de voir mes bons et mes moins bons côtés. J’espère que le public pourra s’identifier à David, au moins en partie, qu’il ressentira une certaine empathie à son égard. »

Une fête d’enfants

Text: Michel Marc Bouchard. Director: Florent Siaud. At the Théâtre du Nouveau Monde from January 14 to February 8.

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