Le 7 novembre à Sofia, la première représentation de la pièce L’homme et les armesréalisé par John Malkovich, a été pris d’assaut par des centaines de manifestants.
« Cette pièce est une honte et devrait être interdite », » dit un manifestant, jeudi 7 novembre, devant le théâtre national de Sofia, en Bulgarie. Drapeaux, chants patriotiques, insultes : la première représentation de L’homme et les armesréalisé par John Malkovich, a été pris d’assaut par des centaines de manifestants, qui ont frappé le réalisateur et plusieurs personnalités tout en empêchant le public d’entrer. « Cette pièce se moque de nos ancêtres morts pour la Bulgarie »», lance Yoana Ilieva, étudiante de 21 ans, aux côtés d’une foule en colère. Plusieurs personnes faisant la queue pour entrer ont rapporté que les manifestants leur avaient lancé des pierres et des œufs.
Selon le site d’information Balkan Insight, le ministre de l’Intérieur Atanas Ilkov a déclaré que la présence policière était « suffisant pour assurer la sécurité et le calme » et qu’aucune arrestation n’avait été effectuée. Il a critiqué le directeur du Théâtre national, Vassil Vassilev, pour avoir attisé les tensions en venant parler aux manifestants. Après la représentation jouée devant une salle presque vide, John Malkovich, qui se dit apolitique, a été surpris par cette réaction. « Le monde vit une époque étrange où le désir de censure se renforce. »commenta-t-il avec un sourire triste.
” C’est une pièce légère et amusante que j’avais déjà mise en scène en 1985 à Broadway. »
Jean Malkovitch.
La chambre L’homme et les armesde l’écrivain irlandais George Bernard Shaw, aborde sur un ton humoristique la guerre serbo-bulgare de la fin du XIXe siècle.e siècle, sous la forme d’une critique du militarisme et de l’héroïsation des combattants bulgares. C’est « une pièce légère et amusante que j’avais déjà mise en scène en 1985 à Broadway »a expliqué la star américaine dans un entretien à l’AFP, constatant « dangereusement naïf » l’idée de rechercher l’authenticité historique dans une pièce de théâtre.
« Je suis sûr et certain que je n’ai jamais insulté » aucun des 47 pays où j’ai travaillé, insiste le septuagénaire, tête nue et fine moustache grisonnante. « En réalité, je pense que ce n’est pas la pièce qui pose problème ni même moi. Je ne suis qu’un rouage pour attirer l’attention sur eux ». Dans une Bulgarie secouée depuis 2021 par une crise politique sans précédent, les mouvements nationalistes prospèrent sur fond de désinformation pro-russe.
Un morceau « médiocre » pour l’extrême droite
Pour le parti ultranationaliste Vazrajdane, troisième force parlementaire, « la chambre est médiocre » et la mise en scène « absolument insuffisant ». « La place pour de tels travaux n’est pas en Bulgarie »» a ajouté l’Union des écrivains, offensée par « le ridicule des milliers de soldats tombés au front pour la liberté et la réunification de la patrie ». Si la pièce suscitait déjà des protestations dans la première partie du XXe sièclee siècle, elle a été jouée en 2000 en Bulgarie sans provoquer de telles réactions indignées, se souvient le réalisateur de l’époque, Nikolaï Polyakov. « Le climat actuel est bien plus tendu, les passions se déchaînent, les haines attisées contre tout ce qui est occidental et américain. »a-t-il déclaré à l’AFP.
Le parquet a ouvert une enquête sur les instigateurs des violences. Le Théâtre Sofia a reçu le soutien de plusieurs associations européennes, dont la Convention Européenne du Théâtre (ETC) qui souligne « la tendance inquiétante des groupes d’extrême droite à travers l’Europe qui cherchent à entraver la liberté d’expression ». Dans le public, Nikolaï Christov, un architecte de 66 ans, n’a pas « rien d’anti-bulgare vu » dans une comédie qui « c’est plus une question d’amour et d’histoires d’honneur ». « Comme tous les Bulgares de mon âge, j’ai servi dans l’armée et je ne me sens pas du tout insulté par ce texte. Bien au contraire »il confie.