«Quand ils ont touché mon corps, j’avais 8 ans», confie Fatoumata Diawara, chanteuse malienne au Printemps de Bourges

«Quand ils ont touché mon corps, j’avais 8 ans», confie Fatoumata Diawara, chanteuse malienne au Printemps de Bourges
Descriptive text here

Fatoumata Diawara, chanteuse, danseuse, comédienne, musicienne, est présente au festival Printemps de Bourges à la maison de la culture de la ville. Elle répond aux questions de Céline Durchon.

  • Vous chantez en bambara qui est la langue du Mali, votre langue maternelle. Pourquoi ce choix ?

« Cela me permet de me connecter avec mon propre esprit, tout ce qui m’entoure, les énergies et ensuite de pouvoir me connecter avec mon public très facilement car parfois, on est fatigué. Donc, vous n’avez pas à vous battre pour trouver les mots juste pour être dedans. Avec la langue dans laquelle j’ai grandi, je me sens mieux.

C’est un combat pour être réel, je défends la vérité d’être soi-même.

Et puis ce langage aussi, il a des sons un peu guérisseurs, il peut guérir parce que ce sont des sons ancestraux, des sons qu’on retrouve davantage dans les musiques actuelles, dans la pop internationale.

  • Vous êtes une femme engagée, vous défendez la cause des femmes, vous parlez beaucoup de l’excision et du mariage forcé, ces deux événements que vous avez vous-même vécus, peut-on dire que vous êtes la voix de celles qui n’en ont pas ?

«Je pense que je représente toutes ces femmes qui n’ont pas pu écrire leur propre histoire, parce que malheureusement, à cause du poids de la société ou de leur lieu de naissance.

Le monde est très complexe et il existe de nombreux endroits dans ce monde où les femmes n’ont pas la place qui leur revient, où elles sont tout simplement loin d’être égales. La parité n’est absolument pas présente.

Alors, je me dis, en petite Malienne qui a su se sauver, qui a su s’en sortir, avoir une voix, pouvoir écrire, écrire sa propre histoire et rencontrer de belles personnes comme Mathieu Chedid ou Damon Albarn. J’ai des grands frères du monde entier, de toute nationalité, qui me soutiennent, pourquoi pas ?

Un combat pour pouvoir être la voix de ceux qui n’en ont pas ou de ceux qui doutent, qui hésitent à avoir la voix et ensuite de leur dire : « Foncez, c’est possible, réveillons-nous ». Et la femme peut avoir sa totale liberté et être respectée.

  • Tu as une histoire particulière, tu as fui le Mali pendant 6 ans, personne ne savait où tu étais. Avez-vous trouvé cette clé de la liberté grâce à ce que vous faites aujourd’hui ?

«Je me considère comme un survivant à plusieurs niveaux. Parce qu’il y a un thème très tabou, dont on parle peu, qui est l’excision. Quand ils ont touché mon corps, j’avais 8 ans, j’y ai presque passé.

J’ai été dans le coma pendant presque 8 ou 10 heures. J’étais entre la vie et la mort. Donc j’ai eu une chance, j’ai pu me relever.

Mais il y a beaucoup de filles qui n’ont pas pu s’en sortir, qui ne se sont pas réveillées.

Et après le mariage forcé à mes 18 ans… J’ai l’impression que la bagarre a toujours été là. Je me bats, j’ai lutté contre l’excision et là après les mutilations génitales, j’ai été adoptée, je n’ai pas grandi avec mes parents et le combat continue.

Alors sur scène, le combat continue, mais d’une autre manière, j’ai décidé de reprendre moi-même le flambeau. Voilà, j’ai envie de me battre parce que c’est beau, on vient dans ce monde pour se battre, mais il faut que ce soit un combat que tu as choisi.

Il y a beaucoup de larmes quand je joue. Sur les réseaux sociaux, on voit des gens danser. Mais derrière ce côté festif, on célèbre nos problèmes. Nous nous guérissons les uns les autres, surtout les femmes.

  • Il y a beaucoup d’émotions dans vos concerts. Nous pouvons rire, nous pouvons pleurer. Travaillez-vous beaucoup en ce moment ?

« Je suis très instinctif, je m’inspire beaucoup de mon enfance, c’est pourquoi j’ai une fronde qui est le symbole des enfants.

Dans l’enfance, il n’y a pas beaucoup de paix. Vous n’avez aucun souci, vous ne vous souciez pas de la façon dont vous êtes habillé. Comment les gens vous jugeront. Il y a une naïveté que je défends, j’ai envie d’être naïf. Même si Dieu m’a donné la chance de pouvoir être connecté tout le temps. Je sais beaucoup de choses que je n’avais pas demandé à savoir.

Alors pour dissimuler ce savoir, je le protège avec naïveté, je me bats pour ne rien savoir, mais en général quand je suis avec des gens, j’entends dire que je ne suis pas comme tout le monde en fait.

J’ai un don que j’utilise pour rester naïf et pouvoir m’adapter dans ce monde qui m’entoure, mais des gens sensibles, des artistes qui me ressemblent un peu (je pense que Mathieu, il a un peu cette sensibilité). Nous l’utilisons pour créer de la beauté, pour donner de l’amour aux gens et vraiment pour que les gens oublient leurs soucis et soient heureux. C’est le bonheur, l’amour, le partage.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

NEXT Dans ses mémoires, Adriana Karembeu raconte les violences qu’elle a subies de la part de son père