la marque Resnais – .

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Si Azéma et Dussollier sont si proches, c’est parce qu’ils se connaissent depuis toujours. Avant même qu’ils ne travaillent ensemble. Ils partageaient des cours d’improvisation, avaient le même professeur de théâtre, Jean Périmony, avant d’être tous deux choisis comme acteurs favoris par Alain Resnais. « André m’a donné la réponse pour entrer au Conservatoire de Musset, Vous n’êtes pas obligé de jurer sur quoi que ce soit… »se souvient Azéma. « C’était pas dans un Guitry ? »demande Dussollier ? “Ah oui, tu as raison…”

La rencontre avec Resnais

Depuis La vie est un roman En 1983, Azéma et Dussollier apparaissent ensemble dans sept films d’Alain Resnais. Cette rencontre avec la légende de la Nouvelle Vague fut décisive. Notamment pour Sabine Azéma, qui fut la compagne de Resnais de 1998 jusqu’à sa mort en 2014. «Je me souviens très bien du jour où il m’a appelé. Il dit : ‘Bonjour, je m’appelle Alain Resnais. Je suis réalisateur. Je veux te voir. J’ai un rôle pour toi. Je me suis dit : ce n’est pas possible ; c’est une blague. Je suis arrivé trop tôt pour le rendez-vous. Il était un peu déconcerté, car Alain était très précis. Il aurait aimé aménager le bureau et tout… Il m’a dit d’apporter des photos. J’en ai amené une quinzaine, à peu près autant. Il a dû en prendre quatorze et en laisser un ; Je ne sais pas pourquoi… Et puis il n’y a pas eu d’audience, il n’y a eu rien… », dit l’actrice, avec sa fantaisie caractéristique. Cependant, cela jouera dans La vie est un roman, tout comme Dussollier, engagé grâce au soutien de Fanny Ardant. C’est elle qui convainc Resnais de proposer à Dussollier un petit rôle dans ce film choral, même s’il pensait que l’acteur ne serait pas intéressé. “Quel cadeau ! »estime Dussollier aujourd’hui… « C’est grâce à lui que Sabine et moi avons travaillé ensemble. Vraiment.”

Fanny Ardant et André Dussollier dans « La Vie est un roman » d’Alain Resnais en 1983. ©DR

Resnais, le réalisateur acteur

Grâce à Resnais, les deux comédiens ont décroché un César, celui de la meilleure actrice pour Azéma dans Mélo en 1987, celui du meilleur acteur pour Dussollier dans Nous connaissons la chanson en 1998. L’actrice se souvient de la direction d’acteur du cinéaste. «Alain a dit : « Tournons-le pour voir comment cela se passe. » C’était super. Le bon mot, le bon adjectif. Pas plus… Par contre, on s’est vu avant le tournage. Nous allons voir des expositions de peinture. Il nous fait lire des livres. Nous tournons autour de nos personnages, du film. On s’en imprègne. Et sur le plateau, on dit moteur et on verra comment il va fonctionner. Je lui ai souvent dit : “Je ferai une prise où je serai un peu silencieux, une autre où je serai un peu plus fort et enfin une où je serai vraiment sauvage.” Il a accepté toutes les propositions… »

« Aimer, boire et chanter » : La mort, comme la vie, avec le côté ludique !

André Dussollier garde un souvenir tout aussi émouvant du tournage de Mélo. « Alain était autodidacte. Il a quitté l’école assez tôt, donc tout l’intéressait, il n’avait aucune barrière. Nous, quand nous étions au Conservatoire, Bernstein, nous ne devions pas le jouer, parce que c’était un gars qui avait une très mauvaise réputation. Mais nous avons quand même réalisé que c’était un bon auteur. Pour vous dire les scrupules de Resnais… Pour Mélo, il m’a écrit la biographie des parents du personnage. C’était incroyablement délicat de faire ça. C’était comme s’il passait le relais en incarnant le personnage. C’était une façon de nous introduire dans le personnage. Des cadeaux comme celui-là sont écrasants. Cela seul, pour moi, symbolise cet homme.

André Dussollier et Sabine Azéma dans « Mélo » d’Alain Resnais en 1986. Un rôle qui vaut à Azéma son deuxième César de la meilleure actrice (après celui obtenu deux ans plus tôt pour « Un dimanche à la campagne » de Bertrand Tavernier. © DR

Une liberté maîtrisée

Si les acteurs de Resnais étaient libres de suggérer des choses sur le plateau, leur liberté était assez contrôlée. « Il nous a fait sentir que nous étions libres et créatifs. Mais attention, il savait ce qu’il voulaitavoue Azéma. C’était un homme qui prenait la vie lentement ; il prenait toujours son temps. Mais alors sur un plateau ! Moteur. Oui. Non… Tout de suite ! C’est Alain qui nous a fraternisé, disons. D’ailleurs, Alain a dit : ‘Rocher (Arditti, son autre acteur préféré, NDLR) et André, ce sont mes pères, mes papas. C’était drôle de dire ça… Mais c’est vrai. J’ai l’impression que nous étions une famille. Nous avons avancé ensemble. »

mouette

Je trouve que je suis meilleur qu’avant ma rencontre avec Resnais.

Dix ans après la mort de Resnais, ce que se souvient André Dussollier – qui ne dit pas qu’il est du tout jaloux que ce soit Arditi qui ait été choisi pour tourner dans Fumeur/Non-fumeur en 1993), c’est “façon d’être”. « Il me marquera jusqu’au bout, pas seulement dans ma vie professionnelle, dans ma vie en général. Parce que l’attitude de cet homme, sa façon d’être étaient exemplaires. «Ma vraie personnalité, celle que j’ai maintenant, est arrivée avec lui. Je me suis construit en le rencontrantajoute Azéma. Avant Alain, je me sentais un peu comme un chiot. Nous sommes prétentieux, nous pensons que nous allons tout réussir… Je ne sais pas comment le dire. Avec Resnais, d’un coup, je me suis retrouvé humain. Je trouve que je suis meilleur qu’avant Resnais. Cette rencontre m’a fait devenir la meilleure version de qui je pouvais être dans la vie… »

Sabine Azéma, André Dussollier Alain Resnais
En 2009, Alain Resnais retrouve ses fidèles André Dussollier et Sabine Azéma pour « Les Herbes Folles ». ©DR

L’amour de la bande dessinée

Cinéaste qui a débuté dans un cinéma très intellectuel (de Hiroshima mon amour en 1959 à Providence en 1977, de passage L’année dernière à Marienbad en 1961), Alain Resnais termine sa carrière sur une explosion de fantastique, avec des films comme Fumeur/Non-fumeur (1993), Nous connaissons la chanson (1997) ou Cœurs (2006). « André aimait les Belges, car il existe de nombreux grands dessinateurs belges de BD. Il en parlait souvent. Il aimait beaucoup l’esprit belge”confie Azéma.

mouette

Alain Resnais aimait beaucoup l’esprit belge.

Passionné de bande dessinée, Resnais a eu le projet de porter à l’écran les aventures d’Harry Dickson, un détective popularisé en France par Jean Ray dans les années 1930 et adapté en bande dessinée par Dargaud de 1986 à 2003. “Il n’a finalement pas pu le faireregrette Dussollier. Mais c’était un grand réalisateur, patient et travailleur. Après, c’est mon interprétation personnelle, mais je pense qu’il était tellement pressé de se rendre compte qu’il allait au théâtre, dont il était très habitué. Que Bernstein (Pour Mélo) ou Ayckbourn (dont Resnais a adapté Fumeur/Non-fumeurmais aussi Aimer, boire et chanterson dernier film en 2014, NDLR), car il y avait déjà la matière, le scénario. Et le réalisateur qu’il n’a fait qu’embellir…”

Sabine Azéma se souviendra de l’éternelle jeunesse d’Alain Resnais

40 ans de carrière commune

Depuis 40 ans, Dussollier et Azéma ont tourné ensemble 11 fois, pour Resnais, mais aussi pour François Dupeyron (en La Chambre des Officiers en 2001) ou pour Étienne Chatillez, dans l’inoubliable Tanguy en 2001 et sa suite en 2019. « Grâce à Resnais, des réalisateurs comme Étienne (Chatouiller) ou bien Dupeyron nous a engagés. Nous les remercions car, pour eux, ce n’était pas si simple de reconstituer un couple qui avait déjà existé avec un grand réalisateur.estime Azéma. C’est marrant. Les gens nous aiment ou ne nous aiment pas, mais nous sommes crédibles en tant que couple. « Je pense que les gens supposent que nous avons une communauté de travail. Il faut qu’ils sentent qu’il y a des affinités, une sensibilité”continue Dussollier.

Que vaut « Tanguy », qui revient… 16 ans après ?

« J’ai remarqué qu’avec André, depuis le temps qu’on faisait ces films ensemble, on ressentait les mêmes choses, l’ambiance, les gens, ce qui se passait sur le plateau ou dehors… Parfois, je lui dis : « Vous n’avez pas vu ça ? Et oui, il a vu, il a ressenti. Tu es d’accord André, non ? Non mais c’est fou ! Pourtant, dans la vie, nous n’avons pas le même caractère. Mais si je lui dis quelque chose, il comprend tout de suite. […] La complicité est là tout le temps. Là, si on commençait à jouer, il n’y aurait pas de problème. Parfois, quand je tourne, ça dit moteur et j’ai un peu le vertige. Je ne sais plus s’il y a une caméra, si c’est la vie ou la fiction… »

mouette

Je pense que les gens supposent que nous avons une communauté de travail. Ils doivent sentir qu’il y a des affinités, une sensibilité…

Malgré les années, leur complicité, les deux acteurs parviennent encore à se surprendre sur un plateau de tournage. “C’est ça qui est en jeu, le plaisir de jouercommente Dussollier. J’aime la surprendre, même de manière extrême. Quand j’ai joué dans Herbes sauvages (par Resnais en 2009, NDLR), c’était un rôle que Sabine ne connaissait pas. Je me demandais comment elle allait réagir… Et elle a réagi en une fraction de seconde, en tant qu’actrice. Même si nous ne nous connaissions pas sous cette forme… » « Mais vous m’avez aussi surpris dans les films d’autres réalisateurs. J’étais heureux. Je pensais : Ouah! Bien joué.’ Je vous en ai parlé. Ce que je dis toujours, c’est que nous, les humains, sommes des mystères. Vous surprendrez toujours. Jouer, c’est aussi un peu comme ouvrir l’armoireréfléchit l’actrice en touchant sa poitrine. Quand on dit moteur, si on l’ouvre un peu, on découvrira que nous sommes pleins de secrets. Nous ne sommes que de petits tas de secrets, que nous voulons ou non révéler. Mais jouer permet de s’ouvrir. Alain a dit : « Un acteur est un somnambule. Ne le réveille pas. Cela signifie que vous n’êtes pas obligé de le reprendre tout le temps. Il ne faut pas couper, casser… »

Sabine Azéma, André Dussollier Alain Resnais
Sabine Azéma et André Dussollier, inoubliable couple de parents incapables de se débarrasser de leur fils « Tanguy » dans la comédie phénomène d’Étienne Chatillez en 2001. ©DR
 
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