« J’ai passé ma vie à essayer de moins me rebeller »

« J’ai passé ma vie à essayer de moins me rebeller »
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La bande originale des années 70 lui doit beaucoup. Son premier album est un coup de maître avec des chansons immortelles comme « My Brother », « L’Éducation Sentimentale » et le phénomène « San Francisco ». Maxime Le Forestier a fêté ses 50 ans de carrière et il continue de prendre beaucoup de plaisir à chanter ses propres créations comme les chansons de Georges Brassens dont il a réinventé la magie. Il est l’invité du festival Rochefort Twin Sisters pour une rencontre artistique le 27 juin et il recevra la distinction numérique de l’INA le 29 juin. Entretien avec un insoumis désormais apaisé.

En 1972, Denise Glaser avouait lors d’un entretien « ne pas savoir comment vous prendre », quels fils peut-on tirer pour faire votre portrait ? L’auteur engagé ? Le fan de Brassens ? Le chanteur à succès ?

Tout est vrai. Ce sont les fils qui tissent ma vie. Et il y en a d’autres qui me définissent aussi, comme le cavalier ou l’ami fidèle…

Le 29 juin à Rochefort, vous recevrez une distinction de l’INA qui a été créée pour rendre hommage à ceux qui participent à l’enrichissement du patrimoine audiovisuel numérique et culturel français. Aimez-vous recevoir des prix?

Cela dépend lesquels, mais ce prix INA m’intéresse parce que c’est la mémoire. En fait, j’ai l’impression d’avoir pris pas mal de photos mais ça doit être une impression. Je pense que je vais découvrir des choses lors de cette cérémonie mais cela ne m’inquiète pas, j’assume tout…

Et le 27 juin, vous êtes conviés à une rencontre artistique à l’église Saint-Louis, un format hybride où se mêlent discours, images et quelques chants. C’est votre fils Arthur qui vous accompagne à la guitare.

Oui. En vieillissant, mes mains bougent plus lentement et je n’ai plus beaucoup de plaisir à jouer de la guitare. Je n’en joue plus sur scène, c’est Arthur qui joue les parties de guitare et mieux que moi en fait. J’aime ne plus diviser mon cerveau en deux. Je me consacre au texte et à la chanson. J’ai découvert ça à 70 ans…

Lors de cette soirée, vous échangerez également avec Éric Fottorino.

J’avais acheté son livre « Marina A » et je le lisais. Un soir, j’écoutais la radio dans la voiture et j’ai entendu Éric Fottorino dire du bien de moi ! J’ai demandé son numéro et je lui ai raconté cette anecdote par SMS se terminant par : « on devrait prolonger » et il m’a répondu : « prolongeons ». Donc, depuis, nous nous voyons. C’est quelqu’un qui parle de sa vie mais en même temps qui est très discret, qui la garde pour lui. J’aime cette attitude. Je ne sais pas ce qui m’attend lors de cette soirée mais j’ai confiance car avec lui, ce sera digne.

Le festival Twin Sisters fait le lien entre image et musique. Avez-vous déjà composé pour le cinéma ?

J’ai joué une fois, en 1975, dans « La chaise vide », un film qui porte bien son nom car il ne mettait pas en scène de fauteuil. Je m’ennuyais tellement sur le plateau que j’ai composé la musique. Mon personnage jouait de l’ocarina alors j’ai composé une bande originale d’ocarina. Quand j’ai vu le film, je me suis dit, plus jamais, j’étais un si mauvais acteur ! Je suis d’autant plus surprise que Julie Gayet ait fait appel à moi pour son festival image et son… [rires].

« Dans la vie, il est bien plus facile de trouver une grande femme qu’un grand homme… »

Vous êtes connu pour être engagé, indiscipliné. Si vous aviez 20 ans aujourd’hui, quels sujets vous inspireraient ou vous révolteraient pour écrire des chansons ?

Honnêtement, je ne sais pas. J’ai passé ma vie à essayer de moins me rebeller. Nous sommes déterminés par notre environnement social, les études que nous avons faites ou non. J’ai arrêté mes études à 16 ans mais heureusement, j’ai rencontré des gens qui m’ont beaucoup inspiré comme Moustaki et là, j’ai tout appris sur Brassens.

Interpréter Brassens comme vous le faites avec autant de passion et d’exigence est un travail considérable.

Il m’a fallu quatre ans pour tout enregistrer et c’est le travail dont je suis le plus fier. J’ai l’impression d’avoir étudié quelque chose, d’avoir fait mes humanités. Et puis, j’ai eu le privilège de le rencontrer à 23 ans. Je suis un praticien de l’art de Brassens, j’ai un immense plaisir à chanter ses chansons.

Alain Chamfort, qui a votre âge, sort un album qui, selon lui, sera le dernier en raison de nouvelles habitudes d’écoute musicale. Comment jugez-vous cela ?

Pareil, je pense comme lui. Je ne regrette pas que la façon d’écouter la musique ait changé, mais j’en prends note. Je ne ferai plus d’album non plus. C’est une conversation que j’ai eue avec Alain Souchon l’autre jour. On s’est dit qu’on avait écrit beaucoup de chansons et que maintenant le moment est venu d’en profiter, il faut arrêter d’écrire. Nougaro m’avait aussi dit cela avec son accent : « il faut arrêter le supplice sublime. » Ça veut dire que c’est compliqué d’écrire une chanson, de raconter des choses qui sont à nous, en nous, et sous une forme contrainte. Francis Cabrel m’a envoyé son disque où il a écrit « Cinq ans de travail » ! Cinq ans, c’est fou ! Par contre, je continue à chanter, j’adore ça.

Votre dernier album date donc de 2019. Vous l’avez réalisé grâce à votre fils Arthur qui a vu sur votre ordinateur cette phrase « Les filles tombent amoureuses de n’importe qui » qui a donné naissance à l’une des chansons de l’album. Est-ce finalement une chanson féministe ?

Absolument ! Vous savez, j’ai été élevé par des femmes, ma mère et mes deux sœurs. J’ai aussi vécu les débuts du MLF. Les copines ne portaient pas de soutiens-gorge, ça ne voulait pas dire qu’elles couchaient avec n’importe qui. Mais dans la chanson, je parle des femmes qui portent le voile ou qui sont à moitié nues et qui sont souvent contraintes d’obéir aux injonctions masculines. A travers les mots, les hommes semblent un peu idiots parce que nous sommes des idiots. Dans la vie, il est bien plus facile de trouver une grande femme qu’un grand homme…

 
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