Rachida Dati, rien ne l’arrêtera

Le 5 avril, Rachida Dati était en Corrèze. Elle y a passé la journée. D’abord en Tulle. Le maire de la ville, Bernard Combes, lui a demandé d’inaugurer la Cité de l’Accordéon et du Patrimoine Tulliste. « François Hollande m’a appelé : “J’espère que tu viendras, Bernard le veut.” » Elle est arrivée à 10h30 avec des collègues. Pour la ministre, ce déplacement illustre son projet annoncé en janvier, à Nontron, en Dordogne. Elle y a lancé le Printemps de la ruralité. La culture en milieu rural serait sa priorité, « parce qu’elle est un outil de cohésion et d’intégration sociale ». Vingt-deux millions de Français sont concernés.

Revenons à Tulle. L’accordéon ? L’usine centenaire de Maugein en fabrique encore une par jour. Une magnifique collection est exposée (les chromatiques, les diatoniques), montrant aux visiteurs le savoir-faire des ouvriers. Un seul instrument convoque quatre métiers. Un héritage tulliste ? Armement : sous le règne de Louis XIV, la ville était une usine royale. Des canons pour la marine y étaient fabriqués. Vous pourrez en admirer quelques spécimens à Paris, aux Invalides.

Au début des années 1980, le géant de l’armement GIAT Industries s’effondre. La ville perd 6 000 habitants, une catastrophe. Aujourd’hui, nous continuons à fabriquer des armes légères et des munitions. Et la dentelle : au XVIIe siècle, Louis XIV ordonne la production locale pour contrer le monopole vénitien. Le point de Tulle était né, sorte de guipure qui deviendra célèbre. Il reste encore quelques dentellières sur la commune, regroupées au sein d’une association appelée Renouveau du point de Tulle. Le maire a souhaité mettre à l’honneur ce savoir-faire dans le même cadre. Il aurait pu l’appeler « musée de l’accordéon, de l’armement et de la dentelle ». Un titre sans doute un peu trop baroque. Il n’a en tout cas pas hésité à l’installer dans l’ancien siège de la Banque de France : coût 7 millions d’euros.

Mots drôles de François Hollande

Bernard Combes raconte : « Pour la visite, la ministre a pris son temps. Elle m’a dit qu’elle aimait beaucoup l’accordéon. [Tous les deux mois, elle organise dans sa mairie du VIIe un bal des anciens avec des petits orchestres où il y a toujours un accordéoniste, NDLR.] Les choses qui la touchaient le plus étaient tout ce qui concernait l’humain, comme ces cadeaux, fabriqués avec des chutes de métal provenant d’armes, que les ouvriers offraient à leurs collègues lorsqu’ils prenaient leur retraite. De véritables œuvres d’art. De nombreuses familles nous ont prêté ces objets. Elle admirait leur ingéniosité, posait des questions à chacun. »

« Elle n’a peur de rien », me murmure François Hollande avec admiration. « Vous avez bien fait d’appeler cet endroit une ville et non un musée. Musée rime avec histoire figée sous une cloche, tandis que ville, c’est la vie qui continue. J’ai aimé l’hommage à la classe ouvrière oubliée. En exposant leurs uniformes aux côtés de ceux des ingénieurs, vous montrez à quel point ils étaient tous respectés et solidaires », a-t-elle déclaré à la fin de la visite.

Le reste après cette annonce

François Hollande s’est exprimé avec, évidemment, toujours une pointe d’humour : « Il y a un garde des Sceaux, un homonyme, qui a fermé le tribunal de Tulle. Lorsque j’ai été élu président, j’ai demandé sa réouverture. Rachida, ce que tu viens de dire m’a ému. Votre place est vraiment au ministère de la Culture. » Réponse du ministre : « Merci, François. C’est la première fois qu’une personne de gauche trouve que j’ai ma place là-bas, même si je ne suis pas de gauche. »

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Derrière le bureau d’André Malraux, qu’elle a sollicité auprès du Mobilier national dès son arrivée rue de Valois. Sur le buffet Armadillo créé en 2018 par le designer Philippe Nigro, à gauche, une photo du Pape et d’un de ses parents. 29 février.

© Guizard Alain/ABACA

Et bien sûr, le public a ri. La ministre n’a pas oublié la mauvaise volonté des « culturalistes », en arrivant rue de Valois : « Elle a de la culture… mais pour parler de quoi ? Mode? » Mépris de classe, rétorque-t-elle. A la mairie de Paris, elle n’avait qu’un seul soutien : Alice Coffin, la conseillère EELV. « Laissez-la utiliser ses paroles pour mettre les hommes hors de danger. » Décidément, tout le monde voit midi à sa porte, n’est-ce pas !

Une ministre réputée pour ses « punchlines »

Après la visite de la Ville, Rachida Dati a rencontré les représentants de la direction régionale des affaires culturelles et leur a demandé si des cours de théâtre étaient organisés dans les collèges, les encourageant vivement à œuvrer dans ce sens. Elle a visité une librairie et a pris de nombreux selfies. Les gens ont été surpris par sa simplicité. Ils ne la connaissaient pas. Elle a fait bonne impression. Que vous soyez de gauche ou de droite, vous ne pourrez qu’être d’accord avec ses propos. « Je suis maire depuis 2008 et j’ai vu des ministres. Il y a les vrais et les autres. Nous avons passé de très bons moments avec elle », raconte Bernard Combes. C’est ce que confirme Pascal Coste, le président LR du département. « Les ministres de la Culture, ils viennent une fois par an en Corrèze, à Brive, pour le Salon du livre où ils rencontrent les gens qu’ils connaissent à Paris, au bar Lutetia. » Rachida a compris que la ruralité est très moderne. S’il n’y a pas eu d’émeutes en juillet en Corrèze, c’est grâce aux bénévoles des associations.

En guise de cadeau d’adieu, le maire a offert à Rachida Dati un petit carnet recouvert de dentelle, cadeau qu’il offre généralement aux jeunes mariés. « Vous pouvez écrire vos fameuses punchlines et les relire attentivement avant de les envoyer. » Et de citer comme modèle quelques points de dentelle : le grossier, le respectueux, le picot, le point spirituel. Un petit tacle qui frise presque l’irrespect ? Le ministre a choisi de s’amuser.

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Ouverture du festival Séries Mania, à Lille, aux côtés de la maire socialiste, Martine Aubry. 15 mars.

© Guizard Alain/ABACA

Il faut dire qu’elle est réputée pour ses Tweets qui font mouche et même pire. Le dernier à lui être prêté est celui qu’elle a envoyé à Gabriel Attal, son budget risquant d’être amputé de 200 millions : « Si tu fais ça, ton chien Volta, je le transformerai en kebab ! » Précision du ministre : « Ce SMS n’a jamais existé, c’était un échange de plaisanteries lors de questions d’actualité au Sénat. Éric Dupond-Moretti a ajouté : « Et je le transformerai en rouleaux de printemps pour les restaurants chinois. » » « Arrêtez, tous les deux ! » s’est moqué le Premier ministre.

Rachida raconte : « A Matignon, quand Volta me voit, il s’enfuit. J’ai dit à Gabriel : « Ton chien n’aime pas les Arabes ! Pour arranger les choses, je lui enverrai une invitation. » Tous les deux mois, elle organise des apéritifs canins dans sa mairie du VIIe siècle, avec un buffet de croquettes et chips pour les propriétaires. Une manière de créer du lien entre les résidents. À propos de Gabriel Attal, elle a déclaré : « On s’entend bien. Nous ne sommes pas en compétition, nous ne le serons jamais. Nous ne sommes pas de la même génération. »

J’arrive au ministère tous les matins à 7h30

Rachida Dati

Avant de rentrer à Paris, le ministre s’est rendu à Martel, dans le Lot, pour admirer le palais-musée Raymondie qui date du XIIIe siècle. Une merveille. Elle a promis de soutenir la rénovation de la chapelle Malodène qui abrite une fresque à la mémoire des victimes de la Shoah. Une œuvre réalisée par un ancien déporté à Auschwitz, où sont morts ses parents. « C’est à l’État d’assurer sa sauvegarde. » La recette Dati : aller sur le terrain, rencontrer les gens, les écouter, trouver des solutions. « Je suis en état d’urgence permanent. Alors quand vous pouvez le faire, vous devez le faire, foncez. » Et toujours avec bonne humeur. « J’arrive au ministère tous les matins à 7h30 », explique-t-elle.

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Ses premiers pas en tant que ministre se sont déroulés en Seine-Saint-Denis, avec cette visite aux Ateliers Médicis de Clichy-sous-Bois le 18 janvier.

© Guizard Alain/ABACA

Le 3 avril, elle est venue sur le chantier de Notre-Dame de Paris. Philippe Jost, qui a succédé au général Georgelin, n’oubliera pas de sitôt sa visite. « Ce qui m’a frappé, c’est sa vitalité, sa vivacité joyeuse, voire contagieuse, qui permet un contact direct sans conventions, toujours très franc (trop ?). Elle fourmille d’idées. Elle a tenu à saluer tout le monde : les échafaudeurs, les agents de sécurité, les agents d’entretien, ceux de la logistique des chantiers qui sont le nerf de la guerre. Gestionnaires de grues, électriciens. Tout le monde voulait des selfies. Ce qui m’a le plus ébloui, c’est son attention aux autres. Elle s’inquiète des acteurs de l’ombre, ceux qui sont essentiels pour que les choses avancent. Elle a eu une idée qu’elle a vendue au président : un diplôme pour les remercier d’avoir œuvré à récupérer Notre-Dame. » « La France, affirme-t-elle, doit leur exprimer sa gratitude. » Elle avoue avoir été inspirée par le roi du Maroc qui décernait un diplôme à son père pour le remercier d’avoir travaillé à la construction d’un chemin de fer. « Mon père l’a toujours gardé, il en était très fier », raconte-t-elle.

Une première annonce sera faite le 15 avril par le président aux ouvriers qui, depuis quatre ans, travaillent à la rénovation du Grand Palais. Tous recevront un diplôme de remerciement, avec une promotion spéciale supplémentaire pour 200 d’entre eux qui seront décorés des Arts et des Lettres. « C’est le plus gros chantier en France », assure Didier Fusillier, qui préside à la finalisation de tous les travaux depuis août dernier. La Grande Verrière, la plus grande du monde (le château de Versailles pourrait y rentrer) sera disponible pour les Jeux Olympiques. Il témoigne : « La ministre est venue plusieurs fois et ce qui m’a frappé, c’est de voir que les ouvriers se dirigeaient spontanément vers elle. Il n’y a aucun problème d’accessibilité. Elle est chaleureuse, leur demande d’où ils viennent, leur raconte qu’elle accompagnait son père sur les chantiers. Ils veulent prendre des selfies. Une étoile ! »

type="image/webp"> type="image/webp"> type="image/webp"> type="image/webp">Remise des prix du Concours Dix Mots, avec Nicole Belloubet, Ministre de l'Éducation Nationale. À l'Institut de France, siège de l'Académie française, le 21 mars.>>>>

Remise des prix du Concours Dix Mots, avec Nicole Belloubet, Ministre de l’Éducation Nationale. À l’Institut de France, siège de l’Académie française, le 21 mars.

© Guizard Alain/ABACA

Evidemment, on l’interroge sur la maire de Paris. Elle s’évade. « Mon esprit est ailleurs. » Pour l’instant, elle veut laisser sa marque. Il y a du travail au ministère de la Culture. Elle veut en finir avec le financement de ces « culturalistes » qui se nourrissent de l’argent public et qui se plaignent à l’Élysée lorsqu’elle leur demande d’économiser de l’argent. « J’ai accepté d’être le ministre d’Emmanuel Macron. Avec quelqu’un qui me fait confiance, je suis toujours fidèle. Je serai avec lui comme je l’étais avec Nicolas Sarkozy. Je veux qu’il réussisse. »

Exclue de LR, on la dit militante de la macronie car on l’a vue applaudir Valérie Hayer, debout sur une chaise, la tête de liste Renaissance pour les européennes. « Autour de moi, ils étaient figés. Je leur ai dit : « Ce n’est pas une réunion de colocataires ! Passez.” »

Elle a réponse à tout, Rachida. A la fois fidèle et libre par son franc-parler. Au fond, elle est indépendante dans son destin. Et ne laissez personne la chatouiller ! Mise en examen dans l’enquête sur les contrats signés avec Renault Nissan à l’époque de Carlos Ghosn, Rachida Dati porte plainte contre Jean-Dominique Senard, président du conseil d’administration de Renault. Elle m’explique, furieuse : « Il refuse de remettre au juge des documents déterminants qui démontreraient que j’ai exercé régulièrement ma mission d’avocat. Senard m’utilise contre Carlos Ghosn. Je dénonce sa lâcheté. Qu’il prouve le contraire. Ses pairs sont choqués par son comportement. Vous pouvez l’écrire. »

 
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