« Parler de la sexualité du couple dans un film, sans être vulgaire, est rare et bénéfique »

« Parler de la sexualité du couple dans un film, sans être vulgaire, est rare et bénéfique »
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Il faisait beau ce jour-là à Paris. Le printemps semble avoir décidé de s’installer, avec quelques jours d’avance. Sur les visages des passants, les sourires refleurissent, la douceur est partout. Isabelle Carré, pour cette journée promo marathon, est parfaitement en phase avec le soleil qui éclaire de ses rayons la suite où nous nous installons. Blouse écru à motif orange, presque pas de maquillage, ses yeux pétillent lorsqu’elle parle de son personnage Sophie, dans Et peut-être plus, une comédie sur l’usure d’un couple, l’envie et les idées folles de Sophie pour se donner une seconde chance. Parce qu’elle aime sa naïveté, son courage et sa force. Et parce que ce rôle lui a permis de retrouver “Bernardichon”plus connue sous le nom de Bernard Campan, avec qui elle a déjà formé à deux reprises un couple de cinéma. “On n’a rien avec quoi jouer, concernant l’idée du couple”, elle dit. “Quand on se retrouve avec un acteur qu’on ne connaît pas et qu’il faut avoir vingt ans de vie commune derrière soi, c’est quelque chose qu’il faut travailler. Avec Bernard, on n’a rien à faire, on est juste là les uns à côté des autres et on a un passé.

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Vous avez tous deux reçu le prix du meilleur acteur au festival de l’Alpe d’Huez, qui accueille des comédies. Quel plaisir supplémentaire procure-t-on à être récompensé dans une fête populaire et humoristique ?

Ce qui est sympa c’est que le film est une vraie comédie, où on rit beaucoup, mais qui n’est pas vulgaire. Le sujet reste assez profond, on parle de sexualité dans le couple et de la façon dont elle peut s’user. Comment retrouver le goût et le piquant chez un couple, comment les réveiller. Il aborde tous ces thèmes de manière assez légère et c’est plutôt rare. Il n’y a pas beaucoup de comédies qui traitent de ce sujet.

Pourquoi, à votre avis ? Parce que ça fait quand même peur et que ça peut vite devenir granuleux ?

C’est ça, exactement. Cela reste un peu tabou de dire que la sexualité dans un couple, qui a quelques heures au compteur, n’est pas forcément la plus folle et la plus amusante. La sexualité, en général, reste assez taboue et, si on en parle dans les comédies, c’est souvent de manière potache. Là, c’est plus beau que ça et, en même temps, c’est assez audacieux. On a pu se permettre de vraiment jouer, de créer de vrais personnages. Je suis un peu comme ça Sophie et… pas du tout. C’était bien d’avoir ce terrain de jeu.

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Vous vous êtes beaucoup amusé et, en même temps, la comédie est un vrai travail de précision, non ?

Surtout, je me suis amusé. Après, bien sûr, il faut apprendre le texte, mais ça, quand on est habitué au théâtre, ce n’est pas un problème. Ce qui était génial, c’est qu’on avait des plans séquences longs de dix, douze minutes où on n’était pas coupé et où on pouvait dérouler la scène. C’est rare au cinéma. Du coup, j’ai retrouvé le plaisir de laisser le jeu dérouler son fil. Je parle, par exemple, d’émotion. Il est bien plus facile d’avoir de l’émotion quand on a les mots qui la précèdent que quand quelqu’un vous dit : “Couper. Et maintenant, pleure.

On a l’impression que ce film est construit comme un concerto, avec des mouvements différents, lents et rapides, très intenses au milieu, avec une vraie tendresse à la fin.

C’est vrai, mais c’est un peu une danse au sommet du volcan, tout ce dîner. Même si on démarre doucement, il y a une vraie excitation, notamment dans mon personnage. On sent que l’enjeu est fantastique pour elle. Elle a fait un gigot d’agneau pendant sept heures, c’est presque la dinde de Noël, en fait. C’est presque un repas de Noël en famille mais en version intimiste (des rires). Cette Sophie, au début, je l’imaginais plus frustrée, plus colérique, vindicative envers son mari. En fait non, c’est lui qui est un peu grincheux. Elle est partante, elle y croit. Elle est convaincue qu’une seconde chance existe et qu’elle a peut-être trouvé la solution. D’ailleurs, sans vouloir tout dire, la soirée va quand même lui donner raison, même si, à un moment donné, on en doute. Elle est très touchante pour ça, pour son côté positif et lucide à la fois.

Êtes-vous heureux qu’on redécouvre votre énorme potentiel comique… sans en faire toute une histoire ?

Je pense que ce qui est drôle chez elle, c’est ce côté un peu volontaire, sa naïveté. C’est un personnage plein de réactions. Elle absorbe les nouvelles les unes après les autres et chaque information la frappe et travaille sur elle. C’est comme voir vos pensées – et vos fantasmes – se succéder. C’est un personnage qui peut paraître un peu ridicule. Cette femme qui n’est pas épanouie sexuellement, qui a une bonne dose de frustration, qui est maladroite dans sa manière de réclamer de l’attention, de l’amour et de la sexualité, mais qui est très émouvante. Nous avons tous des endroits où nous ne sommes pas confiants, où nous ne sommes pas ce que les magazines veulent nous vendre. Rire de ces faiblesses est bénéfique.

N’est-ce pas souvent les femmes qui sont confrontées à ces réalités ?

Oui, c’est assez juste. Les hommes pourraient être plus susceptibles de fuir. Les chiffres le disent : ce sont souvent des femmes qui demandent la séparation ou le divorce. J’aime ce côté courageux. Mais j’aime aussi qu’elle n’abandonne pas. Elle pourrait se dire qu’à 50 ans, elle a vécu de bons moments mais qu’ils sont derrière elle. Sauf que non, elle harcèle l’autre jusqu’à ce qu’ils puissent se dire la vérité, c’est une belle leçon.

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En vous voyant dans ce film, on se dit que vous pouvez définitivement tout jouer !

Je ne prétends pas pouvoir tout jouer, mais ce que je me dis par contre, c’est que j’ai le droit à l’erreur. Je préfère essayer quelque chose, quitte à échouer, plutôt que de ronronner et de m’endormir à répétition. Le danger est de se caricaturer, quand on rejoue toujours les mêmes choses. Là, au théâtre, je vais jouer une pièce mise en scène par Catherine Hiegel. Je suis tellement heureuse parce que je sais qu’elle va très bien me diriger et que je vais apprendre. De plus, c’est un rôle qu’elle a déjà joué, la Serviteur écarlate. C’est son rôle qui lui tient à cœur et elle va me le transmettre : quel cadeau.

Vous avez publié trois romans et un album pour enfants. Qui représente Les rêveurs, le premier d’entre eux ? Etait-ce important pour vous ?

C’était urgent. Les rêveursc’est un roman que j’avais en tête depuis vingt ans et je me suis dit : «Mais combien de temps vas-tu attendre ? J’ai écrit des petits morceaux, je les ai rangés dans un placard, puis j’ai recommencé. On parlait de seconde chance, d’âge et de ne pas abandonner, et bien c’est vraiment quelque chose que l’âge m’a donné : ce n’est pas l’horloge biologique des enfants, mais c’est celle de ce livre. Cela m’a donné l’urgence de le faire. Là, en juin et juillet, j’en mettrai en scène quelques-unes Rêveurs. Encore une fois, je me dis que j’ai le droit d’échouer, mais je ne veux pas regretter ni me dire que je n’ai pas vraiment essayé et que c’est vraiment trop bête. Il y avait une phrase dans la pièce que je viens de jouer Biographie : un jeu, que j’adore. Elle dit “Antoinette, nous nous sommes réduits. Tu m’as réduit, je t’ai réduit. Pourquoi nous sommes-nous réduits ainsi ? Le couple peut être ça, mais je pense que c’est un vrai travail de ne pas se réduire. Et surtout pas vous-même.

 
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