Gros tour de vis à venir sur la régularisation des sans-papiers. Comme il l’a annoncé, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a adressé le 23 janvier aux préfets une circulaire qui remplace la circulaire Valls de 2012, qui lisait une série de critères professionnels et familiaux leur permettant, de manière discrétionnaire, d’accorder un titre de séjour.
Le ton se durcit clairement. Alors que la circulaire Valls enjoignait aux préfets de « Une réalité humaine juste prise en compte »la circulaire Retailleau insiste sur “La maîtrise des flux migratoires, notamment par la lutte contre l’immigration irrégulière, et le renforcement de l’intégration des étrangers en France (qui) constituent les priorités du gouvernement”. “Le parcours exceptionnel d’admission au séjour (AES) (…) doit rester un parcours exceptionnel”écrit le ministre dans ce texte dont La croix était au courant.
Un tiers de régularisations en moins
Selon Le Figaroqui a révélé cette circulaire le 23 janvier au soir, alors que, chaque année, la circulaire Valls permettait de régulariser environ 30 000 personnes (dont environ un tiers pour travail et deux tiers pour raisons familiales), l’objectif serait de réduire le flux à « environ 20 000 ».
Dans le détail, la circulaire Valls lit sur 12 pages une série de critères très précis de la main des préfets pour régulariser. Par exemple, il était possible, mais non obligatoire, de délivrer un titre de séjour à une famille présente en France depuis cinq ans et dont un enfant a été scolarisé depuis au moins trois ans. Soit un travailleur présent depuis trois ans et qui peut justifier de 24 feuilles de paie, dont 8 dans les 12 derniers mois. Soit cinq ans avec 30 fiches de paie, dont 8 sur les 24 derniers mois. Soit sept ans avec 12 bulletins au cours des trois dernières années. La circulaire Retailleau, réduite à trois pages, ne mentionne qu’un seul critère, celui d’une durée de présence portée à sept ans.
« Sept ans est le critère le moins cher de la circulaire Valls, Observe Serge Slama, professeur de droit public à l’université Grenoble-Alpes. C’est donc très restrictif. Et cela d’autant plus que la circulaire, qui invite fortement les préfets à prendre en compte l’intégration, insiste sur d’autres critères qui vont encore compliquer les choses. »»
-L’importance de la maîtrise de la langue
Le préfet doit au préalable vérifier que le demandeur n’est pas polygame et ne constitue pas une menace à l’ordre public. Mais, ajoute l’avocat, “La vraie nouveauté qui va vraiment durcir les conditions, c’est la nécessité de démontrer son intégration par la maîtrise de la langue française”en présentant, il est écrit dans la circulaire, un « Diplôme français » ou un « Certification linguistique délivrée par un organisme dûment agréé » ou “Toutes les autres preuves”. « Les sans-papiers qui ont pu accéder à des cours de langue délivrés par un organisme agréé, à part les demandeurs d’asile, ils ne sont pas nombreux ! »»Observez Serge Slam.
Par ailleurs, le préfet doit vérifier que le demandeur ne fait pas l’objet d’une obligation de quitter le territoire (OQTF). Or, depuis la loi Darmanin du 26 janvier 2024, la validité de ces OQTF, qui peuvent intervenir dès que la personne est contrôlée sans titre de séjour, sans qu’un délit n’ait été commis, a été portée d’un à trois ans. « Pour être régularisé, un sans-papiers devra non seulement démontrer qu’il est là depuis sept ans, parler correctement le français, mais il devra aussi avoir réussi à passer entre les mailles de l’oqtf.résume Serge Slama. Beaucoup ne pourront plus déposer de dossier. »»
La piste de régularisation par les professions en tension
Certes, la circulaire Retailleau “N’interdisez pas aux préfets de régulariser sur des critères plus souples, d’une durée inférieure à sept ans, reconnaît Serge Slama. Mais elle insiste tellement sur le caractère exceptionnel que les préfets l’examineront à deux fois avant d’accepter un dossier. »» Le professeur de droit public ajoute que « Il ne faut pas oublier que, ces dernières années, les régularisations ont été rendues plus difficiles par les délais d’obtention d’un rendez-vous en préfecture, qui peuvent prendre trois ans dans certaines préfectures ».
La régularisation des métiers en tension, rendue possible par la loi Darmanin et non concernée par la circulaire Retailleau, deviendra donc l’une des seules voies possibles. Du moins quand la fameuse liste des métiers de tension sera enfin publiée. Ce doit être fin février.