Récemment, plusieurs médias alternatifs et livres ont vanté les vertus anticancéreuses du bleu de méthylène. Une information qui est non seulement fausse, mais qui peut aussi entraîner des effets indésirables graves, prévient la Société française de pharmacologie et de thérapeutique (SFPT).
Le bleu de méthylène est présenté dans plusieurs journaux et livres alternatifs destinés au grand public et relayés par les réseaux sociaux comme un traitement miracle contre le cancer. On citera notamment le livre Bleu de méthylène, du Dr Laurent Schwartz, paru en octobre 2024. Laurent Schwartz était radiothérapeute à l’AP-HP mais, en raison de ses pratiques plus que discutables, il a été convoqué par le Conseil National de l’Ordre des médecins et est déréférencé du site de l’AP-HP.
La Société française de pharmacologie et de thérapeutique (SFPT) a décidé de faire le point sur le sujet. Tout d’abord, elle rappelle que le bleu de méthylène est utilisé pour traiter la méthémoglobinémie, un trouble sanguin assez rare qui provoque un manque de transport de l’oxygène, pouvant provoquer des difficultés respiratoires, une accélération du rythme cardiaque et une couleur bleue. de la peau. Ce trouble peut être provoqué par l’ingestion de poppers ou par l’exposition à des colorants dans un cadre professionnel. Le bleu de méthylène est également utilisé comme colorant pour les analyses bactériologiques ou pour délimiter certains tissus lors d’interventions chirurgicales.
-Quant aux effets du bleu de méthylène sur le cancer, des recherches expérimentales ont effectivement montré son action sur des cultures de cellules cancéreuses de l’ovaire. Dernière en date : une étude dont l’excentrique Dr Laurent Schwartz est co-auteur, publiée en octobre 2024 dans la revue « International journal of moléculaire science ». Elle montre que le bleu de méthylène améliore l’efficacité des mitochondries et perturbe le développement de certaines cellules cancéreuses de l’ovaire. Or, la concentration de bleu de méthylène qui permet d’observer ces effets in vitro est de 50 micromoles (µM), soit plus de dix fois la concentration maximale utilisable chez l’homme. A ces doses, la prise de bleu de méthylène entraînerait des risques neurologiques importants qui le rendraient incompatible avec une utilisation clinique. Enfin, aucune étude clinique (menée chez l’homme) n’a montré un quelconque bénéfice lié à ce produit dans les cancers, son rapport bénéfice/risque est donc défavorable dans ce contexte. Compte tenu de l’état des connaissances scientifiques, la SFPT recommande « de ne pas utiliser le bleu de méthylène dans le traitement du cancer, et encore moins au détriment des traitements actuellement reconnus comme efficaces ».
Le bleu de méthylène peut avoir des effets indésirables graves chez l’homme. Dans la base de données mondiale de pharmacovigilance (Vigibase, OMS), on recense 63 observations d’effets indésirables, toutes dans le cadre d’utilisations hors AMM, dont 9 décès (14 %), 14 cas (22 %) avec un pronostic vital engagé. et 35 cas (56 %) avec hospitalisation ou hospitalisation prolongée. Nous avons également observé une augmentation du nombre de cas déclarés en pharmacovigilance au fil du temps, avec environ 40 % des cas déclarés ces trois dernières années. Les effets observés sont des syndromes sérotoninergiques (13 cas, 21 %), des comas non précisés (7 cas, 11 %), des encéphalopathies (7 cas, 11 %), une hypotension (7 cas, 11 %) et une insuffisance rénale aiguë (6 cas). , 10 %). Environ 22 % des patients concernés avaient entre 18 et 44 ans et 37 % entre 45 et 64 ans. “Ces éléments font craindre des conséquences graves d’une utilisation déraisonnée de ce produit, en dehors des recommandations internationales”, alerte la SFPC.