L’obésité est-elle une maladie ou non ? Le débat fait rage dans la communauté médicale depuis des décennies. Voici 56 experts internationaux, réunis par la revue The Lancet Diabète et endocrinologiese mettre d’accord sur une définition de la maladie et établir les critères de diagnostic.
«On s’attend à ce que ce soit une révolution dans le monde médical», affirme Jean-Pierre Després, chercheur à l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie du Québec (IUCPQ) – Université Laval et membre du groupe d’experts sélectionnés par le magazine britannique.
L’obésité est traditionnellement définie comme un excès de graisse corporelle augmentant le risque de développer des problèmes de santé, c’est donc un facteur de risque et non une maladie en soi. «Environ la moitié des experts souhaitaient que cette pathologie soit considérée comme une maladie», précise Jean-Pierre Després.
Après deux ans de discussions, la commission sur l’obésité The Lancet Diabète et endocrinologie statuer en la matière. Ses conclusions, publiées mardi soir, sont soutenues par 75 organisations médicales.
Le groupe d’experts fait la distinction entre l’obésité clinique, une maladie chronique, et l’obésité préclinique, qui n’en est pas une. Il énumère différents critères pour qu’il y ait pathologie. Selon la commission, l’obésité ne devrait plus être mesurée uniquement par un indice de masse corporelle (IMC) de 30 ou plus. Au Québec, environ 30 % des adultes entrent dans cette catégorie, selon Statistique Canada.
« L’IMC est une connerie car il ne fait pas la distinction entre un poids élevé, qui est déterminé par une masse musculaire importante, et un poids élevé lié à un excès de graisse corporelle », explique Jean-Pierre Després.
Il cite l’exemple de Laurent Duvernay-Tardif, qui « aurait reçu un diagnostic d’obésité à l’époque où il jouait au football » et qu’il était « en pleine forme ».
Critères de maladie
Afin de confirmer l’excès de tissu adipeux, le groupe d’experts recommande de mesurer l’IMC, mais aussi le tour de taille où se situe la graisse abdominale – « dangereux pour la santé », insiste Jean-Pierre Després. La commission fixe le seuil d’un tour de taille problématique à 102 cm pour les hommes et 88 cm pour les femmes.
Mais cela ne suffit pas pour diagnostiquer l’obésité clinique. Le patient doit également présenter un dysfonctionnement directement lié à son obésité. La commission en dénombre 18 pour les adultes et 13 pour les enfants et adolescents (voir capsule « Dysfonctionnements associés à l’obésité clinique »). Parmi eux, l’insuffisance cardiaque et la stéatose hépatique.
Les patients qui ne présentent aucun de ces problèmes souffrent d’obésité préclinique. «Ces gens doivent être surveillés», affirme Jean-Pierre Després. Il peut s’agir de personnes dont l’IMC est légèrement inférieur à 30, mais dont le tour de taille dépasse le seuil établi par les experts. «Pensez à l’homme de 60 ans, sédentaire toute sa vie, qui a perdu de la masse musculaire, qui a de petites jambes et un ventre dur», raconte Jean-Pierre Després.
Réactions
Le Dconcernant Marie-Philippe Morin, clinicienne-chercheuse à l’IUCPQ-Université Laval, se réjouit de cette nouvelle définition, qui permettra de cibler les patients malades et de les prioriser. «Ils doivent être soignés et avoir accès à des soins et à des services comme [pour] toute autre maladie, souligne-t-elle. Actuellement, ce n’est pas le cas. »
Les médicaments traitant l’obésité (Ozempic et Wegovy) ne sont pas couverts par le régime d’assurance médicaments du Québec.
L’endocrinologue pédiatrique Mélanie Henderson, qui exerce au Centre hospitalier universitaire (CHU) Sainte-Justine, estime que cette « définition plus claire » permettra d’« orienter la prise en charge », par la Régie de l’assurance santé du Québec, des médicaments traitant de l’obésité. .
« Nous espérons que cela sera accessible, non pas à tout le monde, mais au sous-groupe de personnes qui en bénéficieront réellement et pour qui cela fera une grande différence pour leur santé. »
Pour le Dconcernant Julie St-Pierre, pédiatre et spécialiste de l’obésité, cette publication est un « argument » de plus en faveur de la prise en charge des patients atteints d’obésité clinique et d’obésité préclinique par des équipes multidisciplinaires, trop peu nombreuses à l’heure actuelle. Québec, selon elle.
« Si vos parents n’ont pas d’assurance, il est pratiquement impossible d’avoir accès à un nutritionniste et à un kinésiologue », déplore le fondateur d’Approche 180, une approche interdisciplinaire de prévention et de gestion de l’obésité.
Le Dconcernant Morin croit que cette publication aura également des bénéfices positifs pour les personnes ayant un IMC élevé et qui n’ont pas de problème de santé associé. « Pour leur assurabilité par exemple, ou encore la stigmatisation liée au poids, cela a un bénéfice », pense-t-elle.
Dysfonctionnements associés à l’obésité clinique
Quelques exemples de problèmes identifiés par les experts chez les adultes et les enfants :
Adultes
- Insuffisance cardiaque
- Apnée du sommeil
- Hypertension
- Maladie du foie gras
- Incontinence urinaire chronique
- Limites de mobilité importantes dans les activités quotidiennes
Enfants
- Apnée du sommeil
- Hypertension
- Dommages aux reins
- Douleur chronique liée à un mauvais alignement des jambes