Uber fête dix ans d’une présence controversée

Uber fête dix ans d’une présence controversée
Uber fête dix ans d’une présence controversée

Transport individuel

Uber, dix ans d’existence controversée à Genève

L’entreprise américaine fête ce mercredi son dixième anniversaire dans le quartier des Charmilles, avec des partenaires triés sur le volet. Sans chauffeur et sans syndicat.

Publié aujourd’hui à 7h33

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Bref:
  • Uber fête son dixième anniversaire à Genève malgré des polémiques persistantes.
  • Le Tribunal fédéral (TF) a statué que les conducteurs sont des salariés et non des travailleurs indépendants.
  • Deux recours concernant les charges sociales sont pendants au TF, selon le SIT.
  • Uber a versé une caution mais les cotisations prévues restent impayées.

L’événement est prévu ce mercredi à l’agence NONAME, agence de communication située rue de Bourgogne, à Charmilles. Organisée pour le dixième anniversaire de la société Uber à Genève, elle promet «la présence de partenaires et d’acteurs clés qui jouent un rôle essentiel dans le secteur économique genevois».

Dix ans d’existence se célèbrent, même si la présence de l’entreprise américaine dans le canton fait polémique. Un long serpent de mer légal a débuté en 2019, qui concerne le statut de ses chauffeurs.

Le 30 2022, la Cour fédérale décide et prend une décision historique : les chauffeurs Uber doivent être considérés comme des employés et non comme des entrepreneurs indépendants. L’entreprise américaine doit donc prendre en charge ses charges et dépenses sociales.

S’en est suivi une saga juridique qui se poursuit encore aujourd’hui. « Pour l’instant, peu de choses bougent et plusieurs décisions sont en attente », confirme Jean-Luc Ferrière, secrétaire syndical au SIT.

Appel pendant devant le TF

Un appel de la société partenaire d’Uber – MITC – devrait être jugé prochainement par le Tribunal fédéral (TF). Un verdict qui devrait également intéresser l’autre partenaire, Chaskis. Ces deux sociétés prennent en charge le paiement des charges sociales des conducteurs.

Le MITC conteste la décision de l’Office cantonal de l’emploi (OCE), qui estime devoir se conformer à la loi sur la location de services (LSE). Son évaluation a été validée par le Justice cantonale genevoise.

«Le TF doit décider s’il s’agit d’intérim ou non», explique Jean-Luc Ferrière. Cette décision aura un impact important sur l’organisation du travail des chauffeurs actuels.

La LSE a pour objectif de protéger les travailleurs en matière de placement et de location de services. Toute entreprise soumise à la LSE doit obtenir l’autorisation de l’OCE. Selon cette interprétation, MITC et Chaskis louent les services de chauffeurs à Uber, comme le ferait une entreprise d’emploi comme Adecco.

Deuxième écueil, selon Jean-Luc Ferrière : le paiement des charges sociales du passé. Suite à l’arrêt du TF en mai 2022, un accord a été trouvé, le 18 novembre de la même année, entre l’ancienne conseillère d’Etat Fabienne Fischer et Uber pour que l’entreprise américaine se conforme à la loi.

Pour la période allant de son installation en 2014 jusqu’en juin 2022, Uber s’est engagé à payer la « part salariale » des chauffeurs, estimée à 15,4 millions, et les frais de kilomètres parcourus, estimés à 4,6 millions. Soit 20 millions de francs au total.

Une caution de 10,7 millions a été versée fin décembre par Uber pour couvrir les charges sociales. Quant à l’indemnité kilométrique, elle était versée aux chauffeurs qui acceptaient l’offre.

Passé non résolu

Si l’avance avait bien été faite par l’entreprise américaine, les charges sociales n’auraient toujours pas été versées à l’organisme chargé de percevoir les sommes promises, la Caisse d’assurances sociales du canton de Zurich (SVA Zurich).

Le calcul exact n’a toujours pas été établi, selon le secrétaire du syndicat. « Il s’agit de distinguer la partie salariale des frais fixes, dont le montant avait été fixé à 35 centimes par km. Ce chiffre augmente la part des salariés, donc la part des cotisations due à la SVA Zürich.»

Dernière difficulté: aucun autre canton de Suisse n’a appliqué les conclusions du TF et exige que l’entreprise américaine passe «au modèle salarié». Genève se retrouve donc isolée.

Jean-Luc Ferrière estime que de nombreux professionnels sont précaires, des intermédiaires comme MITC et Chaskis ajoutent à la part prise par Uber : « Certains ont accepté le modèle, d’autres non. Il existe une multitude de SARL que la société américaine a encouragé à créer. Les conducteurs cherchent à gagner plus, mais au détriment de leur couverture sociale.»

Pour le syndicaliste, le changement de conseillère d’État au ministère de l’Économie et de l’Emploi (DEE) – Delphine Bachmann a remplacé Fabienne Fischer – n’aurait pas non plus arrangé les choses. Les syndicats ont tenté de rencontrer ces derniers, sans succès. “Delphine Bachmann estime qu’il s’agit de relations de droit privé et que l’Etat ne doit pas s’en mêler.”

« Concurrence loyale »

Contactée, la DEE indique qu’elle n’a pas été invitée à célébrer le dixième anniversaire d’Uber. Concernant les critiques des syndicats et des conducteurs, la DEE dit prendre très au sérieux les revendications de ces derniers, «tant qu’elles concernent l’application du droit public, par exemple des infractions au salaire minimum cantonal».

En revanche, poursuit-il, « l’État n’a pas vocation à réguler, de manière générale, les conditions d’un secteur professionnel ». Cette réglementation se fait par le biais d’une convention collective de travail (CCT) négociée entre les employeurs et les syndicats du secteur concerné. “L’Etat peut encourager la conclusion d’un CCT mais ne peut pas se substituer aux partenaires sociaux.”

Et de conclure : « La DEE n’a pas vocation à lutter contre l’économie des plateformes ; elle assure une concurrence loyale entre les différents acteurs d’un secteur en veillant au respect du cadre légal.

La réponse d’Uber

Uber se dit très heureux de célébrer son anniversaire à Genève. L’entreprise estime qu’elle fait désormais partie intégrante du quotidien des Genevois et des chauffeurs professionnels qui travaillent dans le canton.

« Nous sommes devenus en dix ans un partenaire fiable pour les collectivités locales, comme en témoigne l’obtention de notre licence de diffuseur de courses en 2023 », précise l’entreprise. Nous souhaitons continuer à faire d’Uber un acteur majeur de la mobilité à Genève et en Suisse, en développant des offres de mobilité pour tous, comme avec nos produits Uber Teens ou Uber Assist et en étant présent dans toute la Suisse d’ici 2026.»

Par ailleurs, l’entreprise affirme avoir effectué « toutes les indemnisations versées aux conducteurs genevois ». Elle a depuis obtenu l’autorisation d’opérer comme diffuseur de courses automobiles et prévoit la poursuite de son activité dans le canton de Genève en septembre 2023.

Revenant sur la décision du Tribunal fédéral de mai 2022, Uber estime qu’elle “fait référence à un modèle opérationnel en vigueur en 2019, mais qu’il n’utilise plus en Suisse”.

Compte tenu des changements importants qui ont été apportés à son modèle, il « ne peut pas non plus être généralisé ou appliqué à tous les conducteurs qui utilisent aujourd’hui l’application dans le pays ».

Enfin, l’entreprise assure que, depuis l’arrêt du TF, elle a mis tout en œuvre pour “respecter pleinement toutes les obligations légales définies par les autorités genevoises pour régler le passé”. Ce qui en fait « un partenaire fiable, digne de confiance et sérieux, tant pour les pouvoirs publics que pour ses conducteurs ».

Deux chauffeurs dénoncent une situation grotesque

Quant à l’association VTC-Genève (VTC-location de voitures avec chauffeur), qui compte près de 400 membres, sa présidente Aria Jabbarpour estime que la situation actuelle est très compliquée : « La décision du Tribunal fédéral de 2022 n’est toujours pas appliquée. et Genève a de faux employés et de faux employeurs.»

Les revenus des chauffeurs Uber auraient chuté et les prix varient énormément. Ils gagneraient entre neuf et quinze francs de l’heure, selon lui. « Les sociétés partenaires, MITC et Chaskis, prennent beaucoup d’argent aux chauffeurs. Sur un voyage coûtant 100 francs, ils ne reçoivent que 31 francs. 20, salaire et frais professionnels inclus.

Et beaucoup d’entre eux travaillent au noir, affirme le président de VTC-Genève, qui regrette que l’Etat ne fasse rien. Aria Jabbarpour a créé sa propre application, Super Travel, mais celle-ci peine à décoller tant Uber est dominant.

Abir, chauffeur Uber depuis 2017, considère que l’on revient à la situation antérieure, où les chauffeurs étaient considérés comme indépendants. « Les sociétés partenaires MITC et Chaskis nous emploient… mais sur la fiche de salaire, elles déduisent les frais, avec notre argent. »

Avec un revenu de 8 000 francs par mois, Abir affirme ne gagner que 4 000 à 4 200 francs. « Où va tout cet argent ? » demande-t-il. D’autres confrères font le même constat et dans les mêmes proportions : 45 % des frais et commissions leur seraient ainsi prélevés chaque mois.

Notre interlocuteur se dit ainsi très en colère contre l’Etat de Genève “qui ne fait pas respecter la loi”.

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Judith Monfrini est journaliste à la section locale. De formation juridique, elle a obtenu son diplôme du Centre de formation au journalisme et aux médias (CFJM) en 2015. Elle a travaillé plus de dix ans pour le groupe Médiaone. (Radio Lac, One fm)Plus d’informations

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